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Les dockers de Livourne et l’histoire des juifs
mardi 18 mai 2021 par Danielle Bleitrach
Les dockers de Livourne refusent d’embarquer des armes pour Israël, par solidarité avec les Palestiniens. Hier au Conseil de sécurité les États-Unis de Biden ont accordé à Israël le droit de poursuivre dans une spirale infernale sous protection de tout ce que la planète compte de plus réactionnaire. Cette action des Dockers constitue un symbole fort quand on connait l’histoire de Livourne et ce que cette ville représente pour le judaïsme. Ce symbole dit que par la faute d’une extrême-droite qui ne cherche que ses intérêts à court terme tout ce qui a constitué la richesse du judaisme est bradé et ce que n’ont pas pu faire des siècles voir des millénaires de persécution l’arbitraire impérialiste et fasciste est en train de l’accomplir.(source : https://www.idcommunism.com)
Dans aucune cité italienne, les juifs ne jouèrent un tel rôle, et jamais ils n’y furent contraints à vivre dans un ghetto. Ils furent les vrais fondateurs de la ville et les maîtres d’œuvre de sa splendeur.
Ils furent appelés par le grand duc de Toscane qui, avec l’édit de la Livornina du 10 juin 1593, leur garantissait, pour vingt-cinq ans renouvelables, la liberté du commerce, le droit de s’installer où ils voulaient sans porter les signes de l’opprobre comme les autres juifs du duché.
Mieux, Ferdinand Ier leur offrait sa protection contre l’Inquisition : « Nous désirons que, pendant ladite période, aucune inquisition, inspection, dénonciation ou accusation ne soit prononcée contre vous et vos familles, même si dans le passé elles ont vécu hors de nos dominions en tant que chrétiennes ou dénommées comme telles. » Les marannes d’Espagne s’y réfugièrent pour y pratiquer en paix leur religion.
Cette petite ville d’un littoral ravagé par les fièvres devint en quelques années un port florissant où la communauté juive jouait un rôle de tout premier plan à la fois dans le commerce et dans le rayonnement intellectuel.
L’espagnol était sa langue officielle, le judéo-espagnol sa langue de tous les jours, utilisée d’ailleurs par tous les expulsés d’Espagne, à Salonique comme dans les autres ports du Levant. D’ailleurs dans tout le bassin méditerranéen y compris en Algérie les juifs de Livourne par leur culture, leur savoir constituaient une sorte d’aristocratie, bénéficiant à la fois des acquis des juifs espagnols, du miracle de Cordoue et de ce statut propre à la Toscane.
Les juifs livournais créèrent un nouveau dialecte que les plus âgés parlent toujours, le bagitto, mélange d’espagnol, d’hébreu et de dialecte local. La communauté livournaise connut son apogée aux XVIIe et XVIIIe siècles. Son déclin commença avec l’arrivée des troupes de Bonaparte, pourtant favorable aux autres juifs de la péninsule. Le blocus pénalisait le port.
Avec l’unité italienne et l’émancipation, les juifs de Livourne émigrèrent vers Florence ou Rome et dans tout le bassin méditerranéen. Livourne est, à la fois, un foyer important de culture hébraïque et un des plus grands centres d’édition de textes en hébreu du bassin méditerranéen (il suffit de rappeler, à cet égard, les exportations de livres en hébreu, dont rend compte dans ses statistiques le consul de France à Tunis).
À ces motifs s’en ajoutent d’autres de caractère commercial. Livourne est, en effet, une des grandes places de commerce de la Méditerranée et joue un rôle non négligeable dans le commerce de l’Afrique du Nord. En Afrique du nord on en trouve parmi les marchands qui alimentèrent la smala d’Abdel Kader en l’aidant à lutter contre la colonisation française.
En 1900, il ne restait plus dans la ville que 2500 juifs, une diminution de moitié en cinquante ans. La Seconde Guerre mondiale et les déportations nazies donnèrent le coup de grâce à la communauté, réduite aujourd’hui à 800 membres. Il ne reste plus grand chose de ce passé juif de la ville, les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, en 1943-1944, ont détruit la plus grande partie du centre-ville, comme la Livourne juive, notamment la Grande Synagogue.
La rupture est désormais consommée avec ce qui demeurait comme un des lieux mythiques du judaïsme, un vrai triomphe de l’extrême droite et de Netanayoun…
Ce qui se passe est une destruction en profondeur de ce à quoi rêvait Einstein, reconstituer ce temps où musulmans et juifs échangeaient leur savoir et les juifs apportaient au monde arabe avec lesquels ils avaient toujours eu des relations fraternelles leur savoir, leur capacités dans divers domaines à l’inverse de cette Europe centrale et de cette Pologne qui n’avait su que les enfermer dans des ghettos, leur refuser le droit à être des hommes comme les autres.
Ce rêve s’est fracassé dans les imbécillités nationalistes et dans le choix de l’impérialisme US et jusqu’où se poursuivra-t-il ?
Voir en ligne : https://histoireetsociete.com/2021/...