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Bagdad-Kiev : le bond stratégique américain

mardi 21 mars 2023 par Renaud Girard

Une fois n’est pas coutume, nous vous proposons une analyse particulièrement lucide trouvée dans Le Figaro. Comme quoi la bourgeoisie française n’est pas un bloc monolithique et imbécile. Le journaliste Renaud Girard nous y démontre qu’après l’expérience irakienne, quitte à créer le chaos et la guerre civile, mieux vaut le faire par personnes interposées : les ukrainiens par exemple. La France et plus largement l’Union-Européenne qui sont totalement vassalisées aux États-Unis, cette fois, n’ont même plus leur mot à dire. Jusqu’à ce que l’on renverse la table de Macron et cela paraît possible en ce moment.(FA/JP-ANC)

Vingt ans après l’échec en Irak, les États-Unis se rattrapent en Ukraine.

Il y a tout juste vingt ans, au nom de la démocratie, l’Amérique envahissait l’Irak. Avant de lancer sa guerre, elle avait refusé de demander l’aval du Conseil de sécurité, une obligation au titre des Nations unies, organisation qu’elle avait pourtant enfantée en 1945. Pire, elle avait menti au monde entier en prétendant que l’Irak développait des armes de destruction massive et favorisait les réseaux du terroriste saoudien Oussama Ben Laden.

Sur ces deux points, elle fut soutenue par les Anglais mais contestée par les Français et les Allemands, deux nations continentales que son secrétaire à la Défense rangea alors, non sans condescendance, dans la « Vieille Europe ».

La Pologne, pays dont l’expertise sur le monde arabo-musulman n’apparaissait pourtant pas flagrante, décida d’accompagner l’Amérique dans cette aventure et dépêcha ses soldats entre le Tigre et l’Euphrate.

Pour les néoconservateurs américains, la Pologne représentait une « nouvelle Europe », moins blasée, moins cynique, et moralement supérieure à la vieille, car prête à se battre pour l’extension des valeurs démocratiques à travers le monde, au côté de la nouvelle Jérusalem américaine.

Les ennuis ne tardèrent pas à arriver pour l’envahisseur.
Incapable d’assurer un minimum d’ordre, il laissa le Musée de Bagdad et les hôpitaux se faire piller. Ensuite, il ne trouva aucune trace des armes de destruction massive qu’il était venu chercher, ni aucune preuve de lien entre le régime de Saddam Hussein et le terrorisme islamiste. Enfin, il démantela les deux seules structures capables de maintenir l’ordre dans le pays, l’armée et le parti Baas.

Au lieu de se ménager les officiers irakiens en les payant convenablement, il les jeta à la rue. Beaucoup n’avalèrent pas cette humiliation et entrèrent en résistance armée. Dès l’été 2004, la coalition commandée par les Américains subissait quelque 500 attaques par semaine.

Courageux mais pas téméraires, les Polonais commencèrent à ne plus sortir de leurs casernes bunkérisées. Ils avaient un peu de mal à assimiler la stratégie américaine du changement de régime en terre musulmane. Mais le gouvernement de Varsovie eut la sagesse de se tenir coi.

La guerre civile

En janvier 2005, l’Amérique réussit néanmoins à organiser des élections législatives démocratiques dans l’Irak occupée. Malheureusement, au lieu de voter pour des programmes, les électeurs émirent un vote ethnique. Les chiites avec les chiites, les sunnites avec les sunnites, les Kurdes avec les Kurdes, les Turkmènes avec les Turkmènes, etc.
Au lieu de renforcer l’unité du pays, la démocratie à l’américaine était venue renforcer le sectarisme.

En février 2006, un attentat, commis par un groupuscule terroriste sunnite contre la mosquée de Samarra, l’un des quatre principaux lieux saints du chiisme irakien (car là où le douzième imam, dit imam caché, aurait disparu à l’âge de neuf ans) va mettre le feu aux poudres : une guerre civile commence entre chiites et sunnites irakiens. Elle durera plus de trois ans et fera quelque deux cent mille morts.

Les Américains friands des changements de régime se rendirent alors compte d’une réalité géopolitique.
Pour un pays, la dictature politique, c’est mal, mais il y a pire : l’anarchie. Et il y a encore pire que l’anarchie : la guerre civile. Petit à petit, les Américains se mirent à reconnaître publiquement qu’en envahissant l’Irak, ils avaient commis leur plus grosse faute stratégique depuis leur indépendance.

Sous la présidence Obama (l’un des rares hommes politiques démocrates à n’avoir pas approuvé l’invasion de l’Irak), l’Amérique forgea alors un nouveau concept stratégique : le « leading from behind », qu’on pourrait traduire par « guider depuis l’arrière ».

Si on doit faire la guerre, mieux vaut la commander depuis l’arrière, risquant la vie d’autres soldats que les siens.

Cette stratégie marche actuellement admirablement en Ukraine depuis 2014. C’est un pays où Joe Biden a fait six déplacements comme vice-président. L’Amérique a-t-elle ou non piégé Poutine, en l’amenant habilement à attaquer l’Ukraine en premier ?
Les historiens nous le diront.
Mais il est sûr qu’elle parvient, par Ukrainiens interposés, à affaiblir la Russie, son ennemi historique de la guerre froide, sans verser une goutte de sang américain.

C’est mieux qu’au Vietnam, c’est accepté par l’opinion, et c’est beaucoup plus efficace stratégiquement. La Russie est coupée pour longtemps des Européens, dont elle devenait le partenaire énergétique primordial.
Pour éviter tout retour en arrière, les Américains ont même détruit, en mer Baltique, le gazoduc européen Nord Stream 2, lors d’une opération clandestine en septembre 2022.

Encore plus fort, l’Amérique, via l’Otan, est parvenue à vassaliser l’Europe comme jamais, lui vendant au prix fort son gaz de schiste et ses armes.

Entre Bagdad et Kiev, les Américains ont réussi un admirable bond stratégique.


Voir en ligne : https://www.lefigaro.fr/vox/monde/b...

   

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