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Qui a gagné la guerre idéologique ?

dimanche 26 juin 2022 par Francis Arzalier (ANC)

Le kaléidoscope des mentalités et des comportements dans l’opinion française a totalement basculé, nous devons en prendre conscience si nous nous obstinons à vouloir nous adresser à elle avec quelques chances de l’influencer.

Le plus visible de cette mutation est évidemment politique :

En 1968, l’influence du marxisme et des partis Communistes étaient si présentes que les petits ( ou grands ) bourgeois, fils de hauts fonctionnaires ou d’Amiraux qui géraient leur crise adolescente en poursuivant sans les rattraper leurs études en Sorbonne, dressaient des barricades anti-flics au BoulMich, déguisés en Che Guevara et Maos de la Longue Marche.

Héritiers inconscients de deux siècles de luttes et d’organisations ouvrières, ils n’avaient que l’insulte à la bouche pour les » crapules staliniennes » qui avaient au péril de leur vie construit la France dont ils profitaient, ses richesses inégalitaires, ses libertés publiques et individuelles.

On a souvent parlé depuis de cette génération soixante-huitarde, qui a peuplé durant 50 ans les salons du CAC 40, les palais ministériels et les salles de rédaction. Nous en voyons de temps à autres quelques vestiges un peu défraîchis, dont le plus emblématique résidu est l’ineffable Cohn-Bendit, dit « Dany le Rouge » en mai 68 à Paris. Il n’est pas anodin de noter qu’il a fait depuis carrière de Vert sous l’égide de l’Impérialisme premier en Europe, cette Allemagne enrichie en parrain de l’Union Européenne, et qui depuis qu’elle est dirigée à nouveau par les Sociaux-démocrates, est alignée sur l’OTAN, que notre Dany affectionne. Son trajet individuel, du jeune trublion du campus de Nanterre au vieillard écolo-libéral-belliciste est révélatrice d’une évolution générale, il faut trouver ailleurs les causes de la mutation française.

Elles furent multiples, mais trois furent essentielles :

1/ la décrépitude progressive de l’URSS qui avait durant 70 ans servi peu ou prou de modèle et d’espoir concrétisé à des millions de prolétaires militants dans le monde, sa disparition sans gloire en 1990 et sans tellement de réactions de ceux dont elle était supposée en être l’émanation, ont ouvert le premier traumatisme mondial. Cet effondrement politique et moral des « élites « soviétiques ne pouvaient qu’ajouter au carriérisme qui avait déjà largement contaminé les « cadres » des Partis communistes occidentaux, qui, perdant peu à peu leurs repères de classe, ne viseront plus qu’à pérenniser leurs maigres prébendes d’élus et de permanents rétribués. De « mutation » en renoncements, ceux qui étaient les « fers de lance » des combats de classe, se révélaient machines électorales, et perdaient peu à peu leur soutien populaire d’antan.

2/ une autre cause convergente fut la profonde mutation du Capitalisme occidental à partir de 1975 :
Il était jusque-là essentiellement tourné vers les profits récoltés dans les industries du territoire national et des colonies ou ex-colonies. Peu-à-peu, le Capitalisme s’est financiarisé, en sociétés privées transnationales, conglomérat d’actionnaires et de managers de toutes nationalités ( sous dominante états-unienne ), en quête d’investissements toujours plus juteux dans de lointains pays à bas salaires. Ce qui s’est traduit en France par exemple par les délocalisations, et la destruction progressive des grandes entreprises industrielles du pays, et le démantèlement progressif de la classe ouvrière, qui avait structuré durant deux siècles l’histoire nationale, les organisations qui animaient les luttes sociales, les Révolutions, et les progrès dont elles avaient accouché.

3/ La guerre idéologique a toujours existé entre les forces du changement (classes ouvrières et leurs alliés, partis et mouvements révolutionnaires et pacifistes) et leurs ennemis naturels (bourgeoisies capitalistes, colonialistes, et impérialistes). Tout au long des 19éme et 20éme siècle, elle a changé de visage selon l’époque et le contexte : Fascismes contre antifascismes des années 30 à 45, anticommunisme et colonialisme contre anticapitalisme et anticolonialisme jusqu’à la décennie 70.
Mais la mutation du Capitalisme analysée plus haut a modifié ses contours idéologiques, notamment en France. Les bourgeoisies y ont peu à peu abandonné le gaullisme, nationaliste contre l’Impérialisme US autant qu’antisoviétique, étatiste au service du capital autant que néo-colonial,

À l’ère des délocalisations, cette idéologie bourgeoise est passée au mondialisme libéral, incarné par l’Union Européenne et l’Alliance atlantique-OTAN, sous-direction de l’Impérialisme états-unien, toujours évidemment anti soviétique, tant que l’URSS a existé, et opposée aux États désireux d’un développement national : quelles que soient les orientations de leurs dirigeants, intégristes en Iran, nationalistes en Lybie ou Irak, ou socialistes au Venezuela, ils deviennent pour la bourgeoisie européenne de ce seul fait « l’Empire du Mal », comme l’assure Washington.

4/ Cette guerre idéologique menée jusqu’à aujourd’hui par la bourgeoisie dirigeante s’est munie progressivement de moyens beaucoup plus efficaces de modeler l’opinion suivant ses vœux, grâce à une véritable révolution technologique et financière des médias, qui leur a donné une capacité de manipulation des esprits, d’un niveau jamais encore atteint dans l’histoire.
Cette « révolution médiatique » (comme on dit la « révolution industrielle » du 19éme siècle) concerne tous les vecteurs supposés transmettre les faits et les idées au public, alors qu’ils diffusent en fait une idéologie.

Elle a touché l’ensemble de ce qu’on nomme « les médias » :

A/les Télévisions, d’État ou privées, dont les plus efficaces auprès du grand public sont les chaînes dites d’infos continues. : leur obsédant alignement depuis des mois sur les buts de guerre de l’OTAN est symptomatique de leur pouvoir de nuisance.

B/ grâce aux progrès fulgurants de l’informatique par le biais de sociétés transnationales massivement états-uniennes, omniprésence des réseaux dits « sociaux » par antiphrase, puisqu’ils sont souvent des armes de destruction sociale et de haines d’autant plus débridées qu’elles profitent de l’anonymat : le summum de l’individualisme libéral.

C/ cette idéologie libérale et individualiste invasive utilise tous les canaux, la publicité, qui incite à acheter mais transmet plus encore une vision de la société, les variétés musicales, les modes vestimentaires et langagières du globish au « parler jeune », qui diffusent un comportement de soumission admirative à la sous-culture des ghettos États-uniens.

Elle passe aussi par des institutions comme le réseau scolaire : d’abord l’école élémentaire qui a transmis durant des décennies aux générations successives un « écologisme » primaire selon lequel les industries étaient cause de tous les maux, climatiques et autres, justifiant ainsi les délocalisations ; mais aussi par un éventail complet de « grandes Écoles », Sciences Po, ENA, Écoles de journalisme, etc…, formatant des générations d’experts, technocrates, politiciens et communiquant.

Il suffit ensuite à la bourgeoisie dirigeante, par le biais de l’État et du CAC40, de placer les plus fidèles à l’idéologie libérale aux postes névralgiques, administratifs, politiques et économiques, médiatiques, publics et privés, pour être assurée du bon fonctionnement de la « fabrique du consentement », selon la définition du linguiste états-unien Noam Chomsky, des sociétés de manipulation que sont devenus nos pays dits de « démocratie libérale », alors même qu’ils s’éloignent toujours plus de l’idéal démocratique.

Un bilan incontestable

C’est par le biais de tous ces éléments formant l’actuel « complexe économique ( capitaliste)-politico-médiatique » que l’opinion française, y compris les composantes les plus modestes et les moins instruites du prolétariat, a été profondément bouleversée idéologiquement en quelques décennies :

-Disparition, sauf quelques isolats résiduels, de la culture ouvrière, tissée autrefois d’idéaux de luttes anticapitalistes et pacifistes, d’altruisme militant et de sens de l’organisation démocratique, qui avait été durant deux siècles la colonne vertébrale de l’histoire française.
À sa place, croissance exponentielle de l’individualisme, dont l’apogée tira profit de l’épidémie Covid pour organiser une « distanciation sociale » au sein de laquelle l’Autre est par définition une menace.

-Dans la foulée, éradication des organisations populaires, partis et syndicats, militants et politiciens confondus dans le même rejet (« tous pourris, tous inutiles »), ce qui se traduit par l’abstention massive des plus modestes, et leur détournement vers la xénophobie fascisante, alors même que le soutien de l’opinion aux dirigeants de l’État n’a jamais été aussi faible.

-Cette « dépolitisation « qui assure la pérennité du Capitalisme, s’est doublée d’une destruction de l’idéologie pacifiste et anti-impérialiste, forte tout au long du XXème siècle, du PCF de 1920 aux manifestations contre l’arme nucléaire de la décennie 1970, au profit de l’Impérialisme en général, notamment sa forme anglophone et états-unienne.
À l’inverse d’il y a 40 ans, le niveau du bellicisme dans les médias et l’opinion a atteint des sommets inégalés durant la guerre en Ukraine en 2022.

Ces conséquences idéologiques sont telles qu’on peut parler à leur sujet de contre-révolution idéologique en ce début du xxième siècle, sous la houlette de la bourgeoisie libérale, toutes attaches politiciennes confondues.

Il reste donc à reconstruire idéologiquement des pans entiers de l’héritage historique rationnel, égalitaire et démocratique français ravagé, comme il l’a d’ailleurs été dans les pays voisins, Italie ou Grande Bretagne. Et cette reconstruction ne pourra être que longue et difficile.

Mais une question se pose, qui engage notre avenir :

Cela sera-t-il possible sans avoir au préalable démantelé cet appareil d’état économico-politico-médiatique, qui a transformé notre société en troupeau consommateur de produits et d’idées pré digérées, au gré des « élites » auto-proclamées de notre pays ?

25 juin 2022

   

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