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En réaction à une brochure publiée récemment : "Des communistes dans la France Insoumise"

mardi 11 février 2025 par Francis Arzalier (URC)

Je viens d’ingurgiter le très long manifeste qui s’affirme l’expression d’un groupe organisé de « Communistes au sein de la France Insoumis ». Un texte rédigé et signé par Francis Parny, et publié par le blog « commun-commune », le 5 février. Cette brochure couleur de 24 pages, expression de « l’association Insoumis(es)-communistes » affirme d’emblée « le communisme est dans la France Insoumise » !

Souvenirs d’un communiste du val d’Oise

Et je ne peux que réagir à titre très personnel, en militant communiste depuis 1956, qui partagea avec l’auteur quelques années durant (avant 1980) un compagnonnage de luttes, lors de mon arrivée dans le Val d’Oise, au sein alors de la Fédération du Parti Communiste Français, et de son Comité fédéral. Il y était chargé de ce qu’on nommait alors « l’École fédérale du Parti », cycle ambitieux de formation des militants aux concepts marxistes essentiels, Capitalisme et Socialisme, mécanismes de l’exploitation et luttes de classes, pour la paix et le mieux être social, etc. Il est vrai que ce jeune Sarcellois était tout désigné pour cette responsabilité : À l’issue d’un cursus complet dans les « écoles du Parti Français », il fut le dernier militant de l’hexagone à vivre le « couronnement « de sa « scolarité communiste à l’école centrale du PC Soviétique !
Il lui en est resté dans son écrit de 2025 une maîtrise indéniable de la « langue de bois » cultivée alors de Moscou à Berlin-Est, toujours généreuse en références aux grands ancêtres (à l’exclusion de Staline ostracisé pour des dérives pourtant collectives !), mais peu lucide sur les tares d’une bureaucratie dirigeante qui s’apprêtait à suicider l’idéal Soviétique

Révélateur d’un effondrement du marxisme

Je reçois son écrit d’aujourd’hui comme révélateur de la déconfiture en quatre décennies du mouvement révolutionnaire dans notre pays, et d’abord dans notre région. En 1980, les militants Communistes cotisants du Val d’Oise étaient environ 10 000. La Fédération du PCF y était alors dirigée par Pierre Blotin et son acolyte Robert Hue, qui devinrent conjointement les dirigeants nationaux d’un Parti en « mutation » , c’est à dire monopolisé peu à peu par les bureaucrates carriéristes et électoralistes, qui avaient abandonné toute stratégie de lutte de classe pour la remplacer par la bataille pour les places, au détriment des intérêts du prolétariat.
Dans mon souvenir, Parny fut tant qu’il était au PCF 95, un des fidèles de la « ligne »Blotin-Robert Hue.

Que pour ma part, j’acceptais avec réticence, avant ma rupture avec une direction départementale du PCF qui, après l’élection de Mitterrand en 1981, envoyait aux sections locales le message suivant : « Attention, camarades ! depuis l’élection, nous sommes au gouvernement. Notre rôle de militants est de CALMER LE JEU ! ». J’avoue ne pas avoir suivi de près la carrière ultérieure de Francis Parny, elle m’importe peu, j’ai trop connu d’ex-communistes dévoyés qui ont tué le PCF, en partageant ses palinodies électoralistes, soutenant les privatisations du trotskiste Jospin devenu le patron du gouvernement PS, quitte à changer d’affiliation partisane pour s’assurer un revenu pérenne.

Quatre décennies désastreuses

Il me paraît plus important de dresser sans l’enjoliver le bilan désastreux de ces quatre décennies, qui ont vu la destruction d’un PCF de plus en plus oublieux des revendications prolétariennes au profit d’arrangements consensuels pour sauver les prébendes municipales ou régionales. Ajoutées aux effets délétères des délocalisations d’entreprises décidées par les Capitalistes français, au désespoir politique de ceux qui voyaient impuissants leur modèle en URSS se déliter, puis s’effondrer, le PCF, devenait incapable d’afficher ou d’actes militants sur les marchés ou dans les rues, devenait inaudible et réduit à espérer atteindre deux pour cent des suffrages aux élections présidentielles et à constituer pour d’autres un appoint négligeable.
Dans un Val d’Oise toujours massivement prolétarien même s’il a perdu la majorité de ses entreprises industrielles, le nombre d’adhérents-cotisants réels est de quelques centaines en 2025.

En fait, en quatre décennies, c’est le mouvement communiste de France qui a en grande partie disparu, ou s’est affadi au point de devenir une variété de ce qu’on nommait la social-démocratie en 1920, un parti de Gauche proposant d’améliorer la société sans objectif de transformation révolutionnaire, refusant le remplacement des mécanismes du Capitalisme par ceux de Socialisme.

Comme si les résultats du congrès de tours de 1920 avaient été inverses un siècle après.

Car le paysage politique français dans ce qu’on nomme encore la Gauche, s’est inversé au profit d’organisations qui relèvent toutes de la Social-démocratie, proposant diverses réformes sociales et politiques, sans avoir l’ambition d’éradiquer l’organisation capitaliste en France : c’est le cas bien sûr du PS. Lorgnant à nouveau vers le Centre macronien et soutenant l’Impérialisme occidental en Ukraine et en Palestine. C’est le cas aussi des Écologistes, ripolinant en vert les lois du capitalisme mondialisé.

Mais c’est aussi évident le cas pour la France insoumise, conglomérat politique disparate, constitué dans le cadre de la Constitution monarchiste de 1958, autour du politicien charismatique Mélenchon, Trotskiste-Lambertiste avant de devenir Sénateur du PS mitterrandien, pour émerger candidat renouvelé d’une Gauche en perpétuelle compromis.

Pour une lecture critique raisonnée de la brochure

On ne peut avoir la prétention en quelques phrases ramassées pour être lisibles, d’analyser un manifeste de plus de 20 pages. On peut toutefois y relever quelques contradictions.

Dans un paysage explosé ou la sensibilité communiste révolutionnaire en France est parcellisée en quelques groupes obstinément attachés aux principes de base ( luttes de classes contre le Capitalisme et l’Impérialisme, objectif d’une société socialiste, structurée par la propriété collective des grands moyens de production et d’échange, ), avec plus ou moins de lucidité ou sectarisme, il ne serait pas surprenant de découvrir d’authentiques Communistes au sein de LFI, même s’ils ne pratiquent guère l’entrisme, vieille spécialité trotskiste souvent dirigée contre eux.
La nature en politique a horreur du vide, on ne saurait reprocher aux naufragés de s’accrocher à ce qu’ils trouvent.

Cela ne change en rien la nature réformiste de ce regroupement qu’est la France Insoumise. La verdeur des propos, le radicalisme verbal y compris depuis les bancs de l’Assemblée n’efface pas les faits : Jamais le Parti Insoumis ni Mélenchon lui-même n’ont fixé pour objectif le remplacement du Capitalisme par le Socialisme économique et politique, même si la brochure note à juste titre qu’ils dépassent leurs partenaires de la NUPES en matière d’anti Impérialisme. Notamment en faveur de la Résistance nationale palestinienne. Il n’en reste pas moins que ces déclarations sont souvent à visées électorales, en direction des « Quartiers Populaires » menacés par le racisme ambiant (ce qui n’est pas déshonorant, mais insuffisant pour contrebalancer le soutien aux Nationalistes Ukrainiens annoncé par le programme de la NUPES, rédigé sous l’égide de LFI).

Le même texte sur sa partie économique ne projette pas de nationalisations, alors que ce sont les seules mesures efficaces contre la casse industrielle organisée par les capitalistes. Les qualités oratoires personnelles de Mélenchon ne changent rien à ces réalités réformistes, et les dérives opportunistes de ses concurrents de Gauche ne les effacent pas non plus.

Cela étant, le lynchage médiatique de Mélenchon pratiqué par la cohorte médiatique grossissant le moindre écart de langage doit être dénoncée pour ce qu’elle est, la pointe avancée de langage doit être guerre idéologique par la bourgeoisie dirigeante. Parny le fait, il a raison.

La galaxie de gauche réformiste

Les autres partis de la Gauche, largement distancés aujourd’hui dans l’opinion par la France Insoumise du fait du mécanisme présidentialiste sont en toute logique étrillée par la brochure, mais parfois de façon discutable.

Le parti Socialiste se voit reprocher d’être récemment « retourné à la case Hollande », comme s’il avait incarné les vertus anticapitalistes dans les années de « l’Union de la Gauche » et de son « Programme Commun », comme si le gouvernement Jospin n’avait pas parrainé une majorité de privatisations et délocalisations. Et comme si le « programme de la NUPES » bafoués par le PS en 2025 n’était pas l’héritier de ces malencontreux accords.

Les Verts d’Europe-écologie et leur dirigeante Tondelier se voient reprocher n’être ni de droite ni de Gauche, ce qui n’est pas un critère essentiel dans la France de 2025 tant les frontières idéologiques y sont incertaines. Cependant, pas une allusion à l’objectif affirmé de la plupart des chefs écologistes est de verdir les rouages du capitalisme sans le basculer, et à l’icône de la Gauche verte prônant l’envoi de soldats français en Ukraine au service des buts de guerre de l’Impérialisme.

La partie de la brochure consacrée au PCF est la plus raide, à l’égard d’un parti moribond sous le titre ambigu « la République de Roussel », comme si les milliers d’adhérents qu’il conserve se réduisaient aux pensées et aux actes du député battu et maire de Saint Amand les Eaux, ville qui fut ouvrière et ne l’est plus guère, et qui est toujours son Secrétaire Général au début 2025. La charge est lourde contre ce parti et son seul représentant parfois admis sur les médias, l’excluant de la mouvance marxiste, l’accusant de collusion avec l’extrême droite, voire de racisme.

Quant aux adhérents du PCF qui seraient en désaccord avec lui, une seule issue de secours communiste, rejoindre la France Insoumise, décrétée seule force de « rupture avec le Capital » ! !

Peut-on faire remarquer que la seule initiative populaire contre l’offensive gouvernementale à relents racistes contre l’Algérie et les Algériens a lieu à Vénissieux le 12 février à l’initiative de militants encore membres du PCF, alors que ni leur parti, ni l’un des autres groupes se réclamant du Communisme ou de la Gauche ne l’a fait ?

On notera au passage que le petit chapitre consacré par Francis Parny à « l’apport communiste » n’évoque pas le moins du monde la nécessité d’arracher au Capital la propriété des nouvelles conditions du travail au XXIème siècle au travers d’un vague projet de « Sécurité sociale professionnelle ».

Est-il utile de préciser que cette brochure, plaidoyers pro-domo, pour la seule FI de Mélenchon, fait mine d’ignorer l’existence de la nébuleuse de petits groupes communistes organisés ( URC, PRCF, réseau Faire Vivre le PCF, etc. ) peu efficaces politiquement compte-tenu de leur faiblesse numérique ( quelques milliers de militants au total ) et de leur concurrence, mais dont les plus lucides rêvent de reconstruire un nouveau Parti communiste de France, qui ne pourra voir le jour qu’à partir de toutes ces forces dispersées.

Y compris celles égarées faute de mieux dans une organisation sociale-démocrate…

FRANCIS ARZALIER, historien communiste
10 février 2025

   

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