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J’ai vu le cercle rouge

dimanche 20 octobre 2024 par Benoît Girard/Jonathan Cook

L’assassinat Yahya Sinvar comme un jeu vidéo morbide et comment nos médias rapporteraient-ils l’assassinat de Netanyahou par le Hezbollah ?

J’ai vu.

J’ai vu « l’armée la plus morale du monde » mettre en scène la mort de son ennemi comme on assassine un avatar dans un jeu vidéo.

J’ai vu des cohortes de voyeurs s’en faire les complices par l’œil du drone tueur.

J’ai vu l’ambassade en France de « la seule démocratie du Moyen Orient » répandre sur les réseaux sociaux le trophée du cadavre.

J’ai vu des intellectuels et des responsables politiques de mon pays applaudir à ces hourras d’une barbarie sans honte.

J’ai vu quelques courageux être traînés en justice pour « apologie du terrorisme » parce qu’ils avaient exprimé une réserve, un malaise, une nuance.

J’ai vu un « leader d’opinion » de l’extrême droite identitaire envier les Israéliens qui « assument se réjouir de la mort d’un ennemi mais nous, même pour Merah, les Kouachi et cie... on a intériorisé ». Et se demander tranquillement : « Ça vient d’où ça ? C’est religieux ? Éducation ? Propagande ? »

Devant ce torrent de laideurs, nous ne devrions pas nous résoudre à choisir entre le scandale et l’indifférence, l’oubli et l’indignation. Plutôt que de nous escrimer à édifier des digues illusoires autour de notre bonne conscience, nous devrions cultiver la capacité à nous laisser étonner par ce qui travaille au cœur de la morale occidentale, par ce que la morale occidentale assume de renvoyer au monde en témoignage de ce qu’elle continue à vivre comme son éclatante supériorité. Quelle est la vérité collective d’un processus anthropologique qui conduit à nier dans l’indifférence quasi générale les fondements les plus indiscutés de la décence commune ?

Si nous avons tant de mal à dire cette vérité alors qu’elle ne cesse de se révéler dans les images que nous jouissons de produire, c’est parce que les catégories de la morale qui devraient permettre de les décrypter sont celles-là mêmes qu’elles mettent en échec. Ce que nous vivons en direct est beaucoup plus qu’une faillite morale. C’est une mise en défaut de la morale qui survient au point culminant de son triomphe, quand elle a tout recouvert et qu’il n’y a plus que le Bien qui cherche à s’imposer contre le Mal.

Alors elle régresse à ce contre quoi toute civilisation s’est attachée à mettre un terme : une comptabilité macabre où se révèle qu’il n’y a jamais eu et qu’il n’y aura jamais, sinon dans les mythes qui la portent et qui nous font défaut, une distinction radicale entre la violence légitime et la violence criminelle. Quand Zineb El Rhazoui déclare qu’Israël est un « Daech qui a réussi », elle n’a raison qu’à moitié : Israël se contente de cristalliser une vérité qui est aux origines de tous les collectifs humains.

De la mise à mort de Ben Laden à celle de Sinwar, il faut donc se laisser étonner par la progression d’une lame de fond qui est née en Afghanistan avec la « fin de l’Histoire » et le 11 septembre et qui se rapproche dangereusement du cœur de l’Empire. Ce qu’on a essayé de se raconter comme un choc DES civilisations apparaît maintenant de façon très claire comme un choc DANS LA civilisation.

Ce choc consiste en l’incapacité grandissante des conflictualités humaines à s’instituer comme telles et à produire les conditions juridiques et culturelles de leur propre auto-limitation. La fin de la Guerre froide marque une étape décisive de ce processus. Les tensions qui pouvaient se produire naguère à la périphérie des deux Empires, là où chacun cherchait à s’étendre au détriment de l’autre, se sont maintenant disséminées partout.

Selon un mécanisme bien décrit par Emmanuel Todd, l’universalisme occidental resté seul en piste produit structurellement du racisme à mesure qu’il est obligé de retrancher de l’humanité commune tout ce qu’il perçoit comme n’étant pas Lui. Si tous les hommes sont pareils, alors ce qui n’est pas pareil n’est pas homme. À la suite de Clausewitz, René Girard le formule autrement quand il annonce que nous ne sommes sortis de la guerre que pour rentrer dans l’ère du duel, c’est-à-dire de la montée aux extrêmes et de la lutte à mort.

Le « pas en mon nom » scandalisé que nous sommes tentés de proférer devant le spectacle désastreux de notre affaissement collectif n’est pas seulement un refus de voir le problème. C’est le geste par lequel nous le rendons insolubles. Car aucun conflit contemporain ne peut plus s’apparenter à une guerre, à un mode de confrontation ritualisé entre des altérités qui se reçoivent mutuellement comme telles. Ce ne sont plus que des « guerres civiles », des « anti-guerres », des « crises d’indifférenciation » qui s’enveniment à mesure que nous essayons de nous réfugier en extériorité de ce qui nous atteint. En ceci réside la substance du « scandale » : un mouvement paradoxal par lequel nous dévoilons nos manques d’être dans les essentialisations croisées par lesquelles chacun tente de les compenser dans le regard de l’autre : le regard de Sinwar mort qui nous transperce depuis les ruines où trône son fauteuil déjà légendaire.

Cet Occident dont le règne morbide se déploie sans partage dans la réciprocité infinie des scandales qu’il s’inspire à lui-même ne nous est pas tombé sur la tête comme une dystopie. Il s’enracine dans notre mauvaise conscience, dans cette dés-unification de notre être qui projette dans notre âme, avant même de répandre à l’extérieur des germes de violence, les traits du « double monstrueux » que nous essayons d’expulser. En cela consiste la vérité profonde de l’époque, qui n’est pas la vérité d’un camp contre un autre mais la vérité de ce qui nous constitue collectivement comme humains. Ce n’est donc pas une vérité morale, une vérité de condamnation, mais une vérité POSITIVE, un horizon d’espérance qui se rapproche performativement à mesure qu’on le formule comme tel. Comme l’écrivait René Girard dans La Violence et le Sacré : « Le tragique survient quand succombent en même temps les illusions des partis et celles de l’impartialité ».

https://www.vududroit.com/2024/10/jai-vu-le-cercle-rouge/#respond

Comment nos médias rapporteraient-ils l’assassinat de Netanyahou par le Hezbollah ?


Les journalistes occidentaux prétendent couvrir l’actualité de manière objective, équitable et impartiale. Si c’était vraiment le cas, si une vie valait une vie et que la définition d’un acte de terrorisme ou d’un crime de guerre ainsi que les trémolos dans la voix ne dépendaient pas de l’identité des perpétrateurs et des victimes, voici à quoi pourrait ressembler un article sur « l’élimination » hypothétique de Netanyahou…

Titre : Benjamin Netanyahou aurait été tué après une attaque massive sur Tel Aviv

Par les agences de presse

Tel Aviv (30 septembre) — Benjamin Netanyahou, l’homme fort de longue date d’Israël, a été tué lors d’une attaque aérienne sur la plus grande ville d’Israël lundi, avec des bombes puissantes conçues pour détruire les bunkers.

Le groupe libanais Hezbollah a confirmé que l’attaque avait été menée en représailles à une série d’attentats terroristes perpétrés par Israël ces dernières semaines.

Selon certaines informations, le Hezbollah aurait traqué les mouvements de Netanyahou jusqu’à une salle de guerre souterraine située dans le bâtiment du ministère israélien de la Défense, au cœur de Tel Aviv. C’est depuis cet endroit que le Premier ministre israélien dirigeait les attaques ayant causé la mort de centaines de personnes au Liban ces deux dernières semaines, dont de nombreuses femmes et enfants.

Plusieurs généraux auraient également perdu la vie dans l’explosion, aux côtés du controversé Premier ministre.

Des analystes ont qualifié l’opération soigneusement planifiée par le Hezbollah d’audacieuse, qui constituera probablement un sérieux revers militaire pour Israël.

Les services d’urgence ont peiné à faire face aux six explosions massives qui ont dévasté le ministère localisé dans la zone urbaine de HaKirya, au cœur de Tel-Aviv, et plusieurs bâtiments voisins lundi.

Le centre commercial Azrieli, adjacent à HaKirya, a été complètement détruit. Selon les premiers rapports du ministère israélien de la Santé, contrôlé par les sionistes, 284 personnes auraient été tuées. Les agences de presse n’ont pas pu vérifier ces chiffres de manière indépendante.

Cependant, le moment de l’attaque, en plein milieu de la matinée, signifie qu’il pourrait y avoir plusieurs centaines de personnes piégées sous les décombres. Le nombre total de morts pourrait ne pas être connu avant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

A droite, la maison de Netanyahou, qui aurait été frappée par un drone du Hezbollah le 19 octobre 2024 (l’attaque n’a pas été revendiquée). Cet article a été rédigé avant les faits, mais il n’en prend que davantage d’actualité.

Les experts du Moyen-Orient craignent que l’attaque du Hezbollah exacerbe les tensions dans la région et mène à une escalade des combats.

Une série d’actions spectaculaires menées par le Hezbollah au cours des derniers jours avait déjà semé la confusion parmi les hauts gradés de Tsahal, une organisation au service des États-Unis désignée comme terroriste par les gouvernements de l’ensemble du Moyen-Orient.

Dans l’une de ses opérations les plus sophistiquées, le Hezbollah aurait piégé des centaines de voitures utilisées par les soldats de Tsahal. Des dizaines de personnes ont péri et des milliers d’autres ont été blessées alors qu’elles circulaient sur les routes israéliennes. Des membres de leur famille et des passants ont également été tués.

Le Hezbollah semble avoir réussi à installer des détonateurs dans les moteurs des voitures après avoir infiltré les chaînes d’approvisionnement internationales. Ces véhicules, importés de Taïwan, provenaient d’une société clandestine opérant depuis le Koweït.



Bezalel Smotrich, ministre israélien des Finances et chef d’un parti fasciste sioniste religieux, a promis de déverser sur le Liban « une vengeance biblique ».

Smotrich est l’un des principaux candidats pour remplacer Netanyahou.

Des responsables à Beyrouth ont déclaré que le Hezbollah poursuivrait ses attaques contre Israël jusqu’à ce que l’armée israélienne soit « complètement éliminée ».

Un porte-parole a déclaré : « L’armée israélienne mène des attaques terroristes depuis des décennies, et perpètre, selon la Cour internationale de justice (CIJ), un génocide ‘plausible’ à Gaza. Israël est le cœur d’un réseau de terreur mondiale financé par les États-Unis. »

Le responsable a ajouté : « Des institutions comme les Nations Unies ont échoué à maintes reprises à faire en sorte qu’Israël rende des comptes pour la menace qu’il représente pour la région. La paix ne peut être garantie qu’en infligeant un lourd tribut aux dirigeants israéliens. Nous devons escalader pour désescalader. »

L’Iran a déclaré que la frappe sur Tel-Aviv était une « mesure de justice », compte tenu du nombre de civils tués par Netanyahou dans tout le Moyen-Orient.

Quand une frappe du Hezbollah cible avec succès des soldats israéliens, la France est « horrifiée », mais un an de génocide à Gaza diffusé en direct sur nos écrans ne la fait pas ciller. Aux yeux de l’Occident, tout acte des « animaux humains » de Gaza ou du Liban est du terrorisme, et toute action d’Israël est de la légitime défense.

Le président iranien Masoud Pezeshkian a déclaré qu’il avait « œuvré sans relâche » pour obtenir un cessez-le-feu, mais a ajouté qu’Israël et les États-Unis entravaient les efforts pour parvenir à un accord.

La semaine dernière, Téhéran a approuvé une nouvelle livraison d’armes au Hezbollah d’une valeur de 8,7 milliards de dollars, affirmant que ce dernier avait le droit de se défendre contre le terrorisme israélien.

Les responsables iraniens ont accusé les États-Unis de faire passer des armes en contrebande à Tsahal et de l’aider à construire un réseau de sites de lancement de missiles et d’escadrons d’avions de chasse.

Les avions de guerre israéliens violent régulièrement l’espace aérien du Liban depuis des décennies, ce que les experts considèrent comme des crimes de guerre.

Le Hezbollah a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne serait possible de mettre fin au conflit avec Israël que si ce dernier respectait le droit international et se retirait des territoires palestiniens qu’il occupe illégalement depuis plus d’un demi-siècle.

En outre, le Hezbollah a déclaré qu’Israël devait cesser ses bombardements sur le Sud-Liban, qui ont poussé environ 100 000 Libanais à fuir leur foyer au cours de l’année écoulée.

Dans un arrêt rendu au début de l’année, les juges de la CIJ ont conclu que l’occupation par Israël des territoires palestiniens constituait un acte d’agression illégal contre le peuple palestinien qui devait cesser immédiatement. Elle a également accusé Israël de génocide à Gaza.

Avant sa mort, Netanyahou avait été accusé de corruption et de fraude. Toutefois, en raison des compromissions profondes entre les systèmes juridique et politique israéliens, il avait réussi à rester au pouvoir et à échapper à un procès en bonne et due forme pendant des années.

Article de Jonathan Cook publié le 30 septembre 2024

Traductions et illustrations par Alain Marshal

https://alainmarshal.org/2024/10/19/comment-nos-medias-rapporteraient-ils-lelimination-de-netanyahou-par-le-hezbollah/

   

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