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Les héritages conflictuels de l’histoire de France de Robespierre et Jean Jaurés aux bobo-fricotins de 2024

samedi 13 juillet 2024 par Francis Arzalier (ANC)

Depuis les résultats électoraux calamiteux des scrutins français de 2024, la question taraude beaucoup de militants, qui se sont consacrés durant une bonne partie de leur vie à construire les conditions d’un univers nouveau socialiste, un univers de paix et de bien-être égalitaire et collectif :

Comment, pourquoi, dix millions de français, dont 57 pour cent des ouvriers’ une majorité d’exploités, maltraités, mal payés pour un travail peu considéré voire méprisé, mal logés, dont les fins de mois sonnent creux, ont-ils voté pour les héritiers du fascisme français, des antisémites pétainistes, des assassins de l’OAS des années 1960, des pires canailles racistes qu’a connu notre pays ?

Héritages

L’histoire n’a pas la prétention de tout expliquer de façon péremptoire. Elle est cependant nécessaire pour comprendre les racines du présent, des comportements et idéologies d’un peuple, toujours porteur d’héritages mentaux contradictoires. Car, on le sait, le peuple français fut en 1914 celui de JAURÉS, apôtre de la paix et du rêve socialiste, mais aussi celui de son assassin Raoul Villain, jeune étudiant d’extrême-droite, qui fut acquitté de son crime par un jury populaire en 1919, s’exila et fut enfin tué lors des combats entre Défenseurs du Front Populaire espagnol et Fascistes Franquistes, aux Baléares en 1936.

L’histoire d’un pays et de ses peuples est une succession d’événements datés, économiques, sociaux, portant à chaque fois des inflexions dans les mentalités, qui se poursuivent durablement en héritages mentaux, durant parfois des siècles.

Ainsi, le territoire de la France, partie du défunt Empire Romain qui lui a légué religion chrétienne et langues, s’est-il progressivement assemblé sous l’égide d’une monarchie francophone, née entre Val de Loire et Val de Seine. Mais qui n’a cessé de s’étendre jusqu’aux limites de l’hexagone, par assentiment parfois, mais plus encore par la guerre, vers le sud de langues occitanes ( Croisade contre les Cathares du Comté de Toulouse et guerres contre la monarchie anglaise ), vers l’ouest breton celtophone, vers l’Est et le Nord de langues Picarde et germaniques.

Cette expansion territoriale de la Monarchie Capétienne, a implanté dans les esprits un Catholicisme conquérant, voire intolérant, qui a surtout été porté par les Seigneurs terriens, mais a imprégné aussi les mentalités populaires, en vertu du constat marxiste selon lequel « les idées dominantes sont celles de la classe dominante ». Cela s’est traduit au fil des siècles par diverses persécutions de minorités, contre les Juifs, contre les séquelles de paganisme paysan qualifiées de sorcellerie, et plus tard contre les Protestants.
Un héritage xénophobe qui va se perpétuer durant des siècles, notamment par un antisémitisme encore virulent en France au XXème siècle de Drumont à Maurras et Pétain.

Parallèlement, dès la fin du Moyen Âge, se sont progressivement mis en place les deux héritages contradictoires des peuples de France :

1/ l’héritage mental progressiste, né aux 16éme et 17éme siècles sous la forme du rationalisme dit Cartésien, élargi au 18éme par les écrivains des Lumières et leurs filleuls les Révolutionnaires de 1789-94. Ils furent pour l’essentiel liés à la bourgeoisie, mais imprégnèrent durablement les milieux populaires.
Des héritages progressistes nourris durant les siècles 19 et 20 par les épisodes Révolutionnaires successifs d’inspiration ouvrière, 1848 et 1871, 1936 et 1945, jusqu’à ce chant du cygne de la force ouvrière française qu’à été la grève de 1968.
Ces héritages de progrès, bien réels, même quand ils sont minoritaires, ont donné à notre pays une image internationale parfois usurpée ou manipulée de « Mère des droits humains et des Révolutions « .

2/ L’héritage français profondément conservateur ou réactionnaire découle d’autres faits de son histoire, tout aussi prégnants : notamment d’un expansionnisme guerrier déjà présent sous la monarchie capétienne, mais que la bourgeoisie dirigeante a repris à son compte dès 1792, avec la guerre menée par les Girondins sous prétextes de libérer les peuples voisins, étendue à toute l’Europe durant deux décennies de conquêtes napoléoniennes assorties de pillages, et surtout au travers de l’expansion coloniale française durant un demi-millénaire.

Car notre pays, ses monarques et sa bourgeoisie, s’est lancé dès le 16éme siècle dans la grande aventure maritime vers l’Afrique et l’Amérique, au travers de la traite esclavagiste et d’Empires coloniaux successifs, aux îles d’Amérique d’abord, puis après 1830 en Afrique, de Méditerranée au Congo.

Bien sûr, cette « épopée » coloniale a fortement développé des idéologies xénophobes ou racistes, dans les bourgeoisies et autres élites qui en tiraient profit. les bénéfices du « trafic triangulaire. », entre Afrique, Antilles, et Côté française au 18éme siècle ont beaucoup financé le développement industriel des 1820 ), mais aussi dans les classes populaires urbaines qui ont grâce aux colonies découvert peu à peu des produits exotiques ( sucre de canne, café ) et même rurales : les paysans de Margeride ont ainsi pu se libérer des disettes annuelles, voire des famines, grâce à la culture des pommes de terre venues d’Amérique en sols peu fertiles au 19éme siècle.

Ces idéologies coloniales, xénophobies et racismes, justifiaient la conquête et l’exploitation des peuples asservis : Noirs et Musulmans « Arabes », et autres Asiates, jugés inférieurs génétiquement, vicieux, cruels, hypocrites, en tout cas incapables de se gouverner eux-mêmes, ne pouvaient qu’être reconnaissants de ce que la France leur apportait, la vraie religion au 18éme siècle, la modernité et la technique plus tard.

Et cette conviction s’est encore aggravée durant les insurrections vietnamiennes et algérienne d’après 1946. Au début de la guerre d’Algérie, une majorité de Français des classes populaires partageaient cette conviction d’une ingratitude des colonisés. Il a fallu pour retourner l’opinion française à ce sujet que se multiplient les cercueils de jeunes français morts au combat, et le travail de conviction patient des militants communistes en faveur de la négociation et de la Paix.

Il ne faut donc pas s’étonner que ce racisme, né de l’histoire d’une France coloniale du 16éme au 20ème siècle, confirmé entre1960 et le 21e me siècle par l’Impérialisme néo-colonial, flambe à nouveau en cas de crise sociale et politique, toujours en quête de boucs émissaires, notamment à l’encontre des migrants et fils de migrants musulmans. Notre devoir de militants est évident, plus encore qu’en 1960, de reconquérir le terrain idéologique perdu au profit du racisme et la démagogie sécuritaire de l’extrême-droite et des Libéraux qui l’ont fabriqué.

Un contexte délétère depuis 1980 et ses conséquences

Car si les héritages contraires de notre peuple sont toujours vivaces, ils ressurgissent en force en alternance, quand le contexte économique, social ou politique s’y prête. Ainsi, la vague de nationalisme anti-allemand qui submergea les esprits français vers 1900, fut décisive pour gonfler le militarisme et l’antisémitisme majoritaires durant le procès scandaleux pour espionnage du capitaine Dreyfus. Une vague identique de nationalisme-xénophobie explique le succès électoral des Gaullistes après le soulèvement militaire et colonial d’Alger en mai 1958.

Évidemment, ces emballements droitiers de l’opinion ne sont que temporaires, et un contexte historique différent peut amener la floraison subite des héritages opposés, comme 1968 vint 10 ans après 1958.

Ceci étant, des basculements de l’histoire aux conséquences plus durables se produisent, il serait absurde d’ignorer celui qui a profondément traumatisé la société française à partir de la décennie 1970-80, et qui dure encore. Il s’est fait de trois faits différents, économiques, sociaux, et politiques, et de leurs conséquences idéologiques durables.

1/ Le premier de ces avatars historiques résulta d’un choix économique de la bourgeoisie possédante française, progressivement convertie à la mondialisation capitaliste, organisée en quelques centaines de sociétés privées multinationales, avec des actionnaires dans divers pays (dont les plus puissants aux USA), contrôlant entreprises et salariés aux quatre coins du globe. Les capitalistes français, confrontés à la baisse de leurs profits (dans l’hexagone et du fait de la disparition de l’Empire colonial) ont délocalisé massivement leurs activités vers les contrées lointaines à bas salaires, par le biais des Multinationales, en détruisant de ce fait les grandes entreprises (mines, métallurgie, textile, etc) sises en France.
Ce faisant, ils ont atteint un autre de leurs objectifs, démanteler la classe ouvrière, qui était depuis 1848 la colonne vertébrale des luttes sociales et politiques en France, la réduire à moins de 20 pour cent de la nation, morcelée en petites entreprises : aujourd’hui 9 sur 10 le sont dans l’hexagone, et le temps est loin où l’on pouvait dire « quand Renault Billancourt (appelée aussi la forteresse ouvrière) tousse, la France est bientôt enrhumée ».

2/ Parallèlement, un séisme géo-politique est venu bouleverser le monde. À l’issue de décennies de guerre froide et de délitement interne, l’URSS et ses alliés européens a implosé, dans le rétablissement d’un capitalisme brutal, avec l’assentiment d’une partie des « élites bureaucratiques »de l’ex-URSS, et sans réactions notables des classes populaires supposées assumer le pouvoir. Mais ce séisme s’est répercuté bien au-delà des limites de l’ex « Camp socialiste ».
L’Union Soviétique, durant 70 ans, avait incarné à tort ou à raison un modèle, l’espoir d’un avenir de justice sociale et de paix. Son effondrement piteux, le ralliement servile des nouveaux dirigeants russes comme Eltsine à l’Impérialisme occidental, ont eu pour conséquence immédiate de démanteler les idéologies révolutionnaires dans le monde, à commencer par les Partis Communistes, souvent dépourvus de repères, et livrés à des dirigeants carriéristes et électoralistes, notamment en France au sein du PCF.

3/ Dans ce contexte social et idéologique convergent, tellement favorable en fin de siècle aux pouvoirs capitalistes et à l’Impérialisme que certains de ses thuriféraires décrétaient « la fin de l’histoire » en leur faveur, s’est déployée une véritable contre-révolution idéologique libérale, qui a balayé les opinions dans le monde entier. Et la France est indéniablement un des pays les plus submergés par ce tsunami idéologique, renforcé par la volonté des Pouvoirs politiques successifs, de Sarkozy, Hollande puis Macron, par l’usage massif d’un appareil médiatique aux capacités inédites de manipulation, et sa dérive constante vers l’apolitisme, l’autoritarisme sécuritaire et le racisme.

Dans la même direction, l’opinion française et prioritairement sa jeunesse et ses milieux populaires, ont été imprégnés ces dernières décennies par les modes issues des USA, vestimentaires et culturelles (dont le globish), le Wokisme « post-moderne », qui a pour résultat essentiel de remplacer les luttes de classe par La Défense et promotion des minorités sexuelles (LGBT). Rien d’étonnant que ces mimétismes du Centre de l’Empire États-unien aient contribué à affaiblir les mouvements anti-impérialistes, encore importants en France vers 1980.

Cette contre-révolution idéologique a aussi des aspects de classe, au profit de la Bourgeoisie possédante et dirigeante. C’est visible notamment dans les médias les plus fréquentés par les classes populaires et dans le personnel politique des divers Partis de Gauche ou de Droite. Ceux d’entre eux qui peuplent les rédactions et les petits écrans sont, parfois jusqu’à la caricature, le reflet exclusif de cette Bourgeoisie des métropoles, qui ne lit la France rurale ou banlieusarde qu’avec une ignorance méprisante.
Férus de communication et de bonnes manières, nos élites, d’Attal à Macron, Bardella, et Gluksman, semblent tout droits sortis des mêmes écoles et bardés du même vide rationnel, comme une cohorte de Bobos-fricotins [1], quand l’état de la Nation exigerait des Hommes d’État.
Tous ceux qui vivent de près l’actualité politique du siècle dernier reprendraient volontiers le qualificatif de « Zérocratie »pour qualifier le comportement erratique de la plupart des politiciens français actuels

Notre contre-offensive ?

Dans cet état actuel de l’opinion française, nous devons nous garder de plusieurs écueils redoutables :

1/ Constater lucidement les dérives d’une partie des milieux démunis vers le RN, nées des errements depuis une génération du PCF, de la CGT, leurs défenseurs naturels contre les conséquences néfastes du Capitalisme. Nous devons donc travailler sans relâche et en rejetant tout sectarisme, pour reconstruire une grande organisation Communiste combattive, un nouveau Parti des Communistes de France, à partir des petits groupes actuels, réduits trop souvent à l’impuissance à animer les luttes sociales et politiques. Dont la France a besoin.

2/ Cela exige de notre part le rejet des sectarismes passés et présents entre « survivants du Communisme », mais aussi de ne pas oublier que le vote RN de millions de Français ouvriers, ou salariés, exprime une souffrance et un désarroi, et ne mérite pas de ce fait d’être insulté. Ce serait le plus sûr moyen de les enfoncer dans leur erreur d’appréciation.

3/ La seule issue au chaos actuel est l’essor des luttes sociales et politiques populaires, sur un programme précis de justice fiscale, de renouveau des services publics et de paix, c’est à dire l’inverse des actes des Macroniens depuis 5 ans et de la Gauche Bobo..
Les récentes déclarations de la CGT semblent esquisser cette démarche.
À nous de confirmer cette esquisse, le chemin est encore long et ardu
12 juillet 2024

Un exemple :


[1Bibi Fricotin est un personnage de bande dessinée jeunesse créé par le dessinateur français Louis Forton, qui s’était déjà fait connaître par la BD Les Pieds nickelés, laquelle avait commencé à paraître en 1908.

   

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