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Le retour des vaincus : 1945 et ses suites

mardi 12 décembre 2023 par Francis Arzalier (ANC)

L’histoire n’a jamais dit son dernier mot, elle a, sur le temps long, des bégaiements et des retours de flamme qui ne doivent pas nous étonner, mais qu’il faut s’efforcer d’analyser, et parfois de combattre.

Un point repéré est à l’issue de la deuxième guerre mondiale, l’écrasement du Nazisme et de ses alliés fascistes, italien, croate, hongrois, pétainiste français, etc…grâce surtout à l’Union Soviétique et aux Mouvements de Résistance souvent animés par les Communistes. C’est cela qui, basculant temporairement les rapports de force, permit à partir de 1945 de nombreux progrès politiques et sociaux dans le monde : en France par exemple, Sécurité sociale et nationalisations inclus dans le programme du CNR, mais aussi dans les autres pays d’Europe occidentale libérés du fascisme, Italie, Belgique, etc, et plus encore dans ceux d’Europe de l’Est, (Tchécoslovaquie, Roumanie, Bulgarie, RDA, etc ) devenus socialistes grâce à la victoire de l’Armée Rouge.

Si ce contexte particulier faisait de leur Socialisme une mutation fragile, elle apporta néanmoins à ces peuples d’incontestables conquêtes sociales, réformes agraires et développement industriel.

Mais la victoire sur le Nazisme et le Fascismes s’était accomplie dans la coalition paradoxale « Alliée » avec l’impérialisme états-unien, qui est sorti du conflit plus fort qu’auparavant, et qui s’est empressés d’organiser autour des pays socialistes une alliance anticommuniste économique politique et militaire, ponctuée de bases et d’armes nucléaires. C’est dans cette stratégie du « containment » contre le Communisme » que les USA ont dès 1947 reconstruit délibérément une puissante économie capitaliste dans les deux grands vaincus de 1945, l’Allemagne Fédérale et le Japon, pourvus par le vainqueur d’institutions parlementaires et d’une véritable « alliance-protectorat » avec le sponsor d’outre-Atlantique.

Remilitarisation du Japon et de l’Allemagne en 2023

Reconstruite en tant que pays capitaliste par l’Impérialisme états-unien après sa défaite, l’Allemagne d’abord limitée à ses provinces ouest, puis agrandie après 1990 de provinces orientales (ex-RDA) est devenue au sein de l’Alliance anticommuniste OTAN la première puissance économique de l’Union Européenne, d’autant plus dominante en son sein que le concurrent britannique en est sorti en 2020.
Toutefois, cette primauté économique ne s’est pas traduite jusqu’au début du Vingt et unième siècle par une forte présence diplomatique, cela grâce à un pacifisme majoritaire parmi ses citoyens traumatisés par les destructions de 1945.

Ses dirigeants ne restaient pas inactifs pour autant, ils ont ainsi largement sponsorisé les divers nationalistes qui, à partir de 1990, ont fait exploser la Yougoslavie socialiste. Mais elle n’avait pas de dimension militaire. Cette orientation pacifiste a été totalement inversée par la coalition gouvernementale SPD-Verts et le Premier Ministre social-démocrate Olaf Scholtz qui a utilisé l’engagement occidental en Ukraine contre la Russie pour se donner un objectif clairement impérialiste : faire de la Bundeswehr la première armée conventionnelle du continent européen, grâce à un financement échelonné de 100 milliards d’euros…

Le Japon, ou le pacifisme a longtemps dominé une opinion traumatisée par le massacre nucléaire d’Hiroshima et Nagasaki par le bombardement US de 1945, a rompu lui aussi récemment avec cet ancrage pacifique d’après-guerre mondiale. Le premier ministre Fumio Kishida a annoncé porter les dépenses militaires à 2 pour cent du PIB, avec un programme de dépenses de 315 milliards d’euros jusqu’en 2027. Cette renaissance du militarisme nippon se justifiant bien sûr par « la menace chinoise ». En fait, elle est un des éléments de la stratégie US « d’encerclement/containment » de la Chine, et ses alliés supposés la Corée du Nord et la Russie, qui inclut essentiellement Taïwan, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle Zélande.

La vague « populiste-fasciste » actuelle.

Le vocable « populiste » envahit nos médias de grande écoute, pour qualifier les progrès constants des partis d’extrême Droite un peu partout, à chaque élection, chaque sondage.
Rappellons tout d’abord que ce qualificatif est irrationnel, hypocrite, et ne résulte que de la volonté de nos « médiacrates » libéraux de mettre dans le même sac Extrêmes Droites et Extrêmes Gauches, sous prétexte que les deux dénoncent le pouvoir des « Élites » sociales ou politiques, représentants élus ou oligarques irresponsables, héritiers des Fascismes réactionnaires et leur exact contraire, les militants révolutionnaires et les revendications sociales des exploités qu’ils portent.

Oublions donc ce qualificatif qui fut le nom de partis opposants dans la Russie des Tsars, et ne signifie rien de précis aujourd’hui : critiquer des « Élites » autoproclamées ne serait-il pas plutôt une juste exigence de plus grande démocratie (au sens véritable du mot, le gouvernement d’un peuple par lui-même.) ?

Parlons clair, c’est en ce début de Vingt et Unième siècle de flambées des idéologies d’Extrême Droite :
- qu’il s’agit, d’un retour en force dans les mentalités des xénophobies, racismes et nationalismes haineux anti-démocratique,
- qu’il s’agit, d’un retour des diverses sortes de Fascismes qui empuantirent l’Europe et le monde dans les décennies 30 et 40 du Vingtième siècle, qu’on croyait à tort effacés de l’histoire après leur défaite de 1945.

La nouvelle progression de ces extrêmes Droites se traduit en victoires électorales qui les amènent parfois jusqu’au pouvoir d’État, en Italie avec Fratelli d’Italia, aux Pays Bas avec Geert Wilders et son « parti de la Liberté », tous deux surfant sur la démagogie anti-migrants.

Mais ils ne font que rejoindre leurs modèles déjà aux commandes en Europe de, au sein même de l’Union Européenne, Pologne, Hongrie, pays baltes, et surtout Ukraine depuis le coup d’état dit de Maidan en 2014.
Dans le contexte incandescent de la guerre anti-russe, il n’est pas anodin de voir le rôle de milices armées comme Azov au service de Kiev, fiers d’arborer les emblèmes du pro-nazi Bandera, et des manifestants baltes revêtant à l’occasion les uniformes des défunts SS.

L’argumentaire des officines moscovites sur « le retour du fascisme » à l’ombre de l’OTAN sous couvert du Nationalismes anti-russe ne manque pas de faits convaincants.

Mais ce « retour des perdants » ne se limite pas à d’obscures motivations géopolitiques. Il est visible un peu partout par l’essor de partis et mouvements nourris de xénophobie anti-migrants et d’aspirations « sécuritaires » et autoritaires : le parti Vox en Espagne, réitérant les pires thèmes du Franquisme, l’ARD qui prône en Allemagne l’expulsion des musulmans, l’extrême droite flamande qui agite les mêmes peurs en Belgique, etc…

Et le phénomène est mondial, il ne se limite pas à l’Europe. Le 20 novembre 2023, « l’anarcho-capitaliste » Millei, dont le programme se réduit à des éructations contre les étrangers et les services publics, et le projet contre l’inflation galopante à l’usage du dollar en guise de monnaie nationale, a été largement élu Président de l’Argentine. Et ses modèles médiatiques, le milliardaire yankee Trump et le brésilien Bolsonaro, l’ont chaudement félicité en attendant leur prochain retour au pouvoir par les urnes.

Cette vague xénophobe et sécuritaire mondiale, qui en fait n’est que le durcissement de la « contre-révolution idéologique libérale » commencée dans les dernières décennies du vingtième siècle, balaie aussi notre pays, où les thèmes qu’elle développe (dangers liés aux immigrés et musulmans, laxisme des pouvoirs publics et de la magistrature, etc…) forment la base quotidienne du discours des médias de grande écoute. Il serait imprudent de la part des militants communistes de France de sous-estimer ce danger de l’accès par les urnes au Pouvoir d’État d’une coalition Droites-Extrêmes Droites, qui tend à s’esquisser dans les débats sur l’immigration au Sénat et dans l’opinion.

Néo fascismes du siècle vingt et un ?

Écartons au préalable l’emploi à tout propos du concept politique « fascisme », qui correspond à une réalité forte des années 1930 à 45, surtout en Europe. Ces Fascismes incluaient non seulement la démagogie manipulatrice anticapitaliste et xénophobe au service en fait du grand capital national et de l’Impérialisme, la présence constante de l’anticommunisme et de l’antisémitisme (le « judéo-bolchevisme » fut le thème majeur de l’idéologie nazie et de ses émules non-allemands), et la présence d’un Parti-État monolithique, généralement incarné par un leader charismatique, führer allemand, Duce italien, Caudillo espagnol, etc…

On peut identifier ce concept de Fascisme, d’abord à Rome, puis au Nazisme à Berlin, à son imitateur croate, et sous une forme inachevée au Franquisme madrilène, même si le contexte spécifique de chaque nation y introduit quelques nuances (ainsi la toute-puissance d’un catholicisme de croisade à Madrid et Zaghreb, au lieu du néo-paganisme hitlérien).

Soixante-quinze ans plus tard, le contexte de ces nouvelles extrêmes droites est très différent : aucun des leaders de ces mouvements n’a auprès de ses fidèles le charisme des « Guides » de 1930, ni Marine Le Pen, ni l’italienne Meloni. Pas de partis fanatisés jusqu’au mysticisme, comme il y a quatre-vingts ans. Au contraire, la croissance des extrêmes droites se nourrit plutôt du rejet depuis des décennies des politiciens et des partis, et de l’apolitisme de masse abstentionniste.

La mystique du Parti- État a été remplacée par la manipulation des esprits grâce à un système médiatique d’une efficacité inédite, incluant une perversion totale des concepts.

Ainsi, dans le discours libéral actuel, l’affirmation constante de « nous sommes le camp de la démocratie, menacé par les États anti-démocratiques, Russie, Iran, Chine, etc… » (dont les dirigeants disposent pourtant d’un soutien électoral majoritaire, ce qui est loin d’être le cas de ceux de la France). Comme autrefois, la xénophobie sécuritaire est le thème essentiel, mais il s’exerce à l’encontre des migrants africains et des musulmans, alors que paradoxalement l’État colonial d’Israël est devenu plutôt un modèle pour les héritiers de l’OAS, qui déclarait admirer son aptitude à « infliger des raclées aux Arabes ».

Il est donc abusif de qualifier le nationalisme anti-russe ukrainien de Fascisme, comme le fait l’État Poutinien pour se clamer l’héritier direct des Partisans soviétiques de 1943, même si certains des activistes de Kiev ou de Riga n’hésitent pas à s’en revendiquer les successeurs lors de commémorations décomplexées.

Imprégnation généralisée des idéologies droitières

En fait, cette éclosion simultanée de toutes les droites les plus extrêmes est à replacer dans la contre-révolution idéologique libérale qui a balayé les mentalités après l’effondrement de l’Union soviétique de 1990 et celui, concomitant, des mouvements communistes et progressistes.

Plusieurs historiens ont avancé qu’il avait existé, dans les années 1930, une « imprégnation fasciste » dans tous les pays d’Europe et d’Amérique, une sorte de contagion de tous les courants idéologiques, par des thématiques nées à Rome ou Berlin. On peut émettre aujourd’hui l’hypothèse d’une « imprégnation libérale » généralisée des mentalités dès les dernières décennies du vingtième siècle, qui a concerné et concerne encore en 2023 tous les courants de pensée.

Délitement des idées marxistes, révolutionnaires et anti-impérialistes dans les opinions, y compris sous la forme suicidaire de dérives droitières des organisations politiques et syndicales.

C’est évident en France et dans les autres pays « occidentaux » d’économie capitaliste, mais ce phénomène a marqué aussi les « pays du Sud » nouvellement indépendants d’Afrique par exemple : la pléiade de partis et syndicats d’inspiration marxiste ou progressistes des années 1960 a perdu son influence au profit d’organisations clientélistes ou ouvertement libérales, laissant place au carriérisme, au militarisme, et à la corruption.
On doit même constater une « imprégnation » des mouvements de libération nationale par le fondamentalisme religieux (en Palestine par exemple), et par le militarisme (Sahel et Soudan).

Les organisations libérales elles-mêmes, y compris celles au pouvoir comme en France, intègrent de plus en plus des thèmes xénophobes, sécuritaires, réactionnaires, qui étaient il y a un demi-siècle exclusivement d’extrême droite. Ainsi, les positions de la Droite française et des Macroniens sur l’immigration, la répression policière et contre les conquêtes sociales, qui les amène à un double langage permanent.

Bien sûr, il ne s’agit pas là d’une « Fin de l’Histoire » et d’un phénomène irréversible, mais il est pour l’instant essentiel à la compréhension de l’actualité, alors même que la domination mondiale de l’Impérialisme US et Otanien est de plus en plus contesté par le reste du Monde.

07/12/2023

   

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