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Comment se fabrique le consensus belliciste en France ou le plafond de verre médiatique.

dimanche 21 mai 2023 par Francis ARZALIER (ANC)

Nous, Français, sommes à juste titre fiers du passé anti-impérialiste de notre nation, qu’illustrèrent au siècle dernier les héros Jaurès, Barbusse, contre le grand massacre impérialiste de 1914-18, Henri Martin et les « soldats du refus » contre les guerres coloniales de la IVème République et du Gaullisme, et les foules de citoyens anonymes qui par millions manifestaient dans nos rues jusqu’en 1980 contre les guerres et l’arme nucléaire.

Raison de plus pour être désolés de l’inertie massive de nos concitoyens contre les risques croissants en Europe, en Asie et ailleurs d’un Troisième conflit mondial, couvé du brasier ukrainien au détroit chinois de Taïwan par un Impérialisme états-unien d’autant plus décidé au conflit militaire qu’il sait bien être en déconfiture partout, par l’économie et la diplomatie, du Moyen-Orient à l’Afrique, d’Amérique latine au Pakistan.

Une inertie de l’opinion française en 2023 qui réduit la protestation anti-impérialiste à quelques voix isolées de militants courageux (ceux de l’ANC par exemple), adossés à une indifférence morne, un égoïsme à courte vue (« on ne sait trop qui a raison, qu’ils se débrouillent et nous laissent en dehors de leurs querelles ! »), parsemés de temps à autres de quelques trahisons électoralistes, comme le soutien des députés du PCF à l’envoi d’armes au chef de guerre Zélinski.

Mais pourquoi cette mutation égoïste et irrationnelle de l’opinion française en quelques décennies ? Qui a fabriqué et entretient ce consensus belliciste, qui est comme un plafond de verre résistant à toutes nos initiatives en faveur de la paix nécessaire, et qui ajoute à la xénophobie contre migrants et musulmans une touche de racisme anti-russe et anti-chinois ?

Il suffit pour répondre à cette question de s’astreindre à passer quelques heures à écouter et voir les chaînes de télévisions françaises, les d’État qui n’ont pas grand chose de public, même plus le financement couvert de plus en plus par les publicités envahissantes, et les multiples privées, dont celles dites « d’infos continues », qui rivalisent parfois de vulgarité et de sous-entendus racistes et fascisants, par le biais de déshonorants personnages comme Hanouna et son compère Zemmour, sous la houlette de financiers comme l’affairiste-politicien Bolloré.

Certes, il existe bien d’autres médias que les télévisions. Mais ne nous laissons pas leurrer : la presse écrite en 2023 est de plus en plus réduite au public diplômé, et les « réseaux sociaux » servent surtout de caisse de résonance et d’amplification des mentalités consensuelles, et accessoirement d’échange-exutoire entre militants convaincus. Et ce sont toujours les infos et débats des télévisions et des radios qui font le flot de connaissances d’actualités des prolétaires français, cette majorité qui n’a que son travail pour vivre.

Et je l’avoue tout de go : c’est cette majorité diverse qui nous importe, et que nous devons arracher aux haines bellicistes, et aux dérives xénophobes irrationnelles.

Le suivi régulier des informations nationales et internationales qui y sont diffusées et surtout commentées à longueur de journée n’est certes pas identique d’une station à une autre, la qualité des officiants varie, le niveau culturel est parfois déficient, voire infantile, notamment quand l’objectif se limite à accroître le quota de femmes au sein des rédactions, ou s’alourdit de références aux thèmes à la mode, défense des minorités LGBT et de la nature contre les hommes, du climat et des animaux menacés par les mêmes hommes, de la violence des « extrêmes »,etc. Ces dérives peuvent exaspérer, elles ne sont pourtant pas l’essentiel.

La majeure partie des chroniqueurs et journalistes sont qualifiés, d’autant plus efficaces à transmettre l’idéologie libérale qu’ils la partagent, et remplissent au mieux la mission pour laquelle ils se sont vu attribuer leur accès exclusif au micro et à l’image. De ce privilège, découle le tri des infos diffusées au détriment d’autres, occultées ou minorées, le choix des « experts » civils et militaires appelés à dire ou contredire. Le niveau des algarades entre eux donnant une fausse impression de pluralisme à l’auditeur naïf.

En fait, tous les spécialistes confirmés ne partageant pas les dogmes de l’OTAN sont de fait interdit d’antenne, à nos chaînes françaises. Quand ils sont invités pour montrer l’ouverture d’esprit de la puissance médiatique, ils sont contraints de s’exprimer face à une meute hargneuse de contradicteurs, acharnés à les faire taire voire à les ridiculiser.

Inutile de multiplier les exemples. Deux, sur la guerre en Ukraine qui menace toujours d’embraser le monde tant que les USA et les pays de l’OTAN, dont le nôtre, fourniront en armes létales et en entraînements les Nationalistes ukrainiens ancrés dans leur rêve de destruction de la Russie haïe.

Censure anti-chinoise

1/ Ces temps derniers, s’alignant toujours plus sur les inflexions des Impérialistes de Washington et Dallas, les thèmes anti-chinois ont pris de l’ampleur sur nos petits écrans. Bien sûr, depuis longtemps, la Chine était présentée comme une menace, parce que trop grande, trop peuplée et dictatoriale. Mais ces tonalités anti-chinoises se sont multipliées, alourdies, quand le hièrarque de la Maison Blanche a démarré ses diatribes contre une éventuelle invasion de l’île de Taïwan, en communion avec les ultra-nationalistes de cette île, éxilés du continent par la victoire des Maoïstes en 1948. (Comme parallèlement l’offensive anti-russe a flambé à l’Est de l’Europe avec l’accession au pouvoir des ultra-nationalistes ukrainiens muselés en 1945 ! ).

La montée en puissance de ce discours anti-chinois chez nos médiocrates patentés s’est accompagnée d’un silence prudent sur tous les faits qui contredisent leur version d’un Beijing devenu maléfique autant que le diabolique Kremlin : la diplomatie chinoise, qui à l’inverse de celle des USA, ne repose pas sur des bases militaires et des flottes bardées de bombes nucléaires, mais sur des projets de développement industriel, est gagnante partout, d’Afrique équatoriale au Moyen-Orient, du Pakistan asiatique aux rivages sud-américains.

Mieux, cette « diplomatie du Yuan qui se targue de non-ingérence est parvenue à un espoir de paix au Yémen martyrisé par des décennies de féroce guerre civile, en réconciliant les sponsors respectifs des protagonistes, Saoudiens Wahabites et Iraniens chiites.

De ces avancées indéniables de paix et de progrès, auxquels la Chine n’est pas étrangère, les spectateurs-lambda de CNews et TF1 ne sauront rien, nos médiocraties y veilleront…

Dernier exemple en date de ces mutismes anti-chinois, les représentants du pouvoir de Beijing, qui, eux, ne livrent pas d’armes à leur allié-concurrent de Moscou, comme le font ceux de l’OTAN à Kiev, sont très actifs pour présenter à qui veut bien l’entendre un Plan de retour à la paix négociée en Ukraine.
Ils ont même poussé ces temps derniers la magnanimité à envoyer un dirigeant chinois de haut niveau le présenter aux dirigeants de Kiev, notamment leur héraut Zélinski. Et, comme pour confirmer, une rencontre Sino-états-unienne a eu lieu à Vienne.
Propositions secrètes bien sûr, la diplomatie internationale n’est pas un comptoir de bistrot pour être claironnée. Mais qui, de fait, impliquent un projet d’avenir pacifique reposant sur le respect mutuel des peuples et des nations antagonistes,
Quelles chances de succès à ce processus de paix ?

Aucune, certainement, tant que les USA et l’OTAN persisteront à étouffer toute négociation en alimentant en avions F16 les bellicistes ukrainiens et leurs mercenaires, qui ne rêvent qu’aborder le territoire russe.
Il reste que ce plan de paix chinois (et d’autres similaires) est un processus essentiel, incluant une possibilité réelle d’armistice négocié.

Une possibilité que les téléspectateurs français ne sauront pas, nos médiocrates s’en occupent, et organisent le silence à ce sujet.

Censure des propos du Pape François

2/ L’exemple certainement le plus impressionnant de cette occultation des faits par nos médias quand ils dérogent à leur vulgate belliciste est le silence assourdissant des télévisions françaises sur les propos du Pape François depuis le début de la guerre en Ukraine. [1]

Pour saisir à quel point ce mutisme est intense, il faut se rappeler que, depuis un millénaire au moins, l’idéologie conservatrice en France a été portée par le catholicisme. La France, royaume puis République, était « Fille aînée de l’Église », et l’alliance politique entre « le Trône, le Sabre et le Goupillon » s’est poursuivie dans la plupart des campagnes françaises jusqu’au XXème siècle. Encore en 1950, le MRP se clamait un parti catholique de gouvernement, et la CFTC était le grand syndicat ouvrier réformiste de même obédience. Et les télévisions de l’ère gaulliste ne nous épargnaient aucune des cérémonies vaticanes à Saint Pierre de Rome.

Cette France-là a disparu peu à peu durant les dernières décennies du XXème siècle, par la destruction des communautés rurales agricoles, l’urbanisation en métropoles embourgeoisées et banlieues déshéritées, la désindustrialisation, tout cela concourant à la déchristianisation : en 2023, la pratique catholique se réduit au dixième de la population française, et même les villages de Lozère n’ont pas les prêtres nécessaires aux quelques fidèles qui restent.

Le Pape François est argentin, et a pris acte du basculement géographique du catholicisme mondial, dont la majorité des pratiquants vit aujourd’hui dans les « pays du Sud », qui ne soutiennent pas, quoiqu’en disent nos médias, les objectifs guerriers des USA et de l’OTAN.

Le Pape, à la tête d’un appareil diplomatique toujours plus important que le nombre des ressortissants de l’État du Vatican, en a pris acte.
Dès les premiers jours des combats sur le sol ukrainien, il a multiplié les appels à la négociation pour assurer le retour à la paix, et, à mots prudents, condamné les livraisons d’armes aux dirigeants de Kiev.

Sa dernière homélie publique à ce sujet, après la prière dominicale de Régina Coeli est claire pour qui veut l’entendre : « Avec les armes, vous ne parviendrez jamais à la sécurité et la stabilité, mais au contraire, vous continuerez à détruire tout espoir de paix ».

C’est avec ce langage, certainement, que le Pape François a reçu Zelinski invité par les Gouvernants de la Droite italienne, et si aucun détail n’en a transpiré, la réaction après coup de Zélinski, ce paltoquet sûr pour l’instant des projets guerriers de ses maîtres de Washington son clairs : « Avec tout le respect dû à sa Sainteté, nous n’avons pas besoin de médiateurs. »

Ce qui n’empêchera pas la diplomatie vaticane de continuer à agir en ce sens, comme elle le fait depuis le début avec quelques succès ignorés du public : échange de combattants ukrainiens et russes prisonniers (quelques centaines selon la presse italienne), et rapatriement en Ukraine d’enfants évacués en Russie pour leur éviter les risques des combats au Donbass (ceux que des plumitifs français à l’affût du moindre crime de guerre quand il s’agit des Russes ont qualifié de déportés).

Évidemment, de toutes ces démarches discrètes du Vatican en faveur de la paix, les téléspectateurs français ne sauront rien, nos communicants n’en ont pas soufflé mot, comme ils ont à l’inverse soigneusement tu les persécutions exercées par les dirigeants de Kiev contre les religieux orthodoxes ukrainiens coupables de ne pas vouloir rompre avec le Métropolite de Moscou…

Comment, face à ce verrouillage inédit de « l’information », pourrait on s’étonner du consensus belliciste pesant sur l’opinion française ?

Comment allons-nous briser ce plafond de verre médiatique ?

21 mai 2023


[1Et pourtant : "Prêt à rencontrer Poutine, le pape François évoque « les aboiements de l’OTAN à la porte de la Russie » - Le Monde

   

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