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Plans de déplacement : Comment Israël et les États-Unis remodèlent le paysage palestinien ?
vendredi 7 février 2025 par Fouad Baker

Le déplacement forcé de Palestiniens est une composante essentielle des stratégies israélo-américaines visant à remodeler le paysage politique et géographique de la région. La visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à Washington et sa rencontre avec l’ancien président américain Donald Trump ne visaient pas seulement à discuter des objectifs déclarés de la guerre, tels que la récupération des otages israéliens ou l’obtention d’un cessez-le-feu. Il s’agissait plutôt de renforcer l’avenir politique de Netanyahou et de discuter des projets de déplacement des Palestiniens dans le cadre de la réalisation du projet du « Grand Israël ».
Stratégie de déplacement forcé et justification morale d’Israël
Israël et les États-Unis présentent aux Palestiniens deux options : le déplacement ou le génocide, en présentant la réinstallation forcée comme un choix « moral » dans le cadre des accords de paix passés. Israël a tenté de légitimer ses politiques de déplacement en citant des précédents historiques, tels que l’accord de paix de 1978 avec l’Égypte, qui prévoyait le déplacement de 7 000 colons juifs du Sinaï, et les accords d’Oslo, qui impliquaient le transfert d’un millier de colons. En outre, le plan de désengagement de l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon a entraîné le déplacement de 8 000 colons de Gaza et de 600 colons de Cisjordanie.
La stratégie israélienne actuelle vise à présenter le déplacement comme une solution humanitaire pour les Palestiniens, notamment en œuvrant au démantèlement de l’UNRWA, qui symbolise la persistance du statut de réfugié palestinien. Cependant, ce discours ignore délibérément le fait que les colons juifs déplacés occupaient des terres palestiniennes et arabes, contrairement à la population palestinienne autochtone.
Redessiner la carte politique et géographique
Israël cherche à consolider son contrôle sur la Cisjordanie par des incursions militaires répétées, qui ont entraîné le déplacement de 15 000 Palestiniens de Jénine et de 9 000 de Tulkarem. En outre, le gouvernement israélien réexamine le projet de confédération jordano-palestinienne, qui engloberait 90 % de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Israël tente de persuader la Jordanie d’accepter ce plan en offrant des garanties politiques et constitutionnelles pour maintenir la souveraineté du Royaume hachémite.
En ce qui concerne l’Égypte, Israël envisage un rôle clé pour le Caire dans un projet d’échange de territoires, qui impliquerait le déplacement de la population de Gaza vers des territoires alternatifs tout en compensant l’Égypte avec des terres dans le Néguev. Ce plan vise à établir des frontières claires entre Palestiniens et Israéliens tout en conservant 80 % des colonies israéliennes.
La normalisation régionale et son impact sur la cause palestinienne
Israël considère la normalisation avec l’Arabie saoudite [1] comme une porte d’entrée vers une alliance régionale coordonnée visant à contrer l’Iran et à remodeler le paysage politique du monde islamique. Cette normalisation devrait également affaiblir la solidarité arabe et islamique avec la cause palestinienne, conduisant progressivement à l’acceptation du statu quo et à l’abandon des droits historiques palestiniens.
La dimension coloniale du projet américain
Le plan de Trump pour le déplacement des Palestiniens ne peut être séparé de ses ambitions économiques et coloniales plus larges, y compris ses aspirations à contrôler le Groenland, ses interventions en Amérique latine, ses guerres commerciales avec le Canada et l’Union européenne, et ses confrontations avec la Chine, la Russie et l’Iran. Le déplacement forcé des Palestiniens est présenté comme une « évacuation humanitaire » et la reconstruction de Gaza avec des fonds arabes, bien que cette stratégie s’inscrive clairement dans le cadre d’une domination coloniale à long terme.
Le statut juridique en droit international
Selon le droit international humanitaire, les déplacements forcés constituent un crime de guerre. La quatrième convention de Genève s’applique aux territoires palestiniens occupés et interdit explicitement le transfert forcé de populations. En outre, le 19 juillet 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a statué que l’occupation israélienne est illégale et doit prendre fin, affirmant que tout changement démographique forcé ne modifiera pas le statut juridique des terres palestiniennes.
Conclusion et recommandations
La communauté internationale est confrontée à un test crucial dans sa réponse à ces plans de déplacement : soit elle tient les responsables pour responsables, soit elle tolère de telles actions, ce qui pourrait légitimer le déplacement forcé en tant que « solution politique ».
Si Israël et les États-Unis parviennent à mettre en œuvre ces politiques, le conflit régional pourrait s’intensifier, ce qui pourrait inciter la Jordanie et l’Égypte à annuler leurs accords de paix avec Israël et à renforcer la résistance palestinienne.
L’attachement des Palestiniens à leur terre et à leur identité nationale reste le principal obstacle à ces projets. L’histoire a montré que les politiques coloniales ne peuvent éteindre la volonté des peuples. La phase à venir pourrait être marquée par des changements stratégiques, que ce soit par une escalade sur le terrain ou par des développements politiques imprévus, comme l’assassinat de Netanyahou, le plus grand obstacle à la fin de la guerre et à une résolution juste de la cause palestinienne.
Fouad Baker
Palestinian jurist and politician
[1] C’est pas fait ! (JP/URC°