Accueil > Voir aussi > Les ondes de choc de la guerre commerciale de Trump se propagent
Les ondes de choc de la guerre commerciale de Trump se propagent
jeudi 6 février 2025 par Nick Beams

L’onde de choc provoquée par le déclenchement d’une guerre tarifaire par le président américain Trump se propage dans le monde entier, alors que les entreprises, les gouvernements, les banques centrales, les investisseurs financiers et les principaux groupes de réflexion tentent d’évaluer les implications de la volonté des États-Unis d’affirmer leur domination.
Le sursis de dernière minute de 30 jours d’un droit de douane de 25 % à l’encontre du Mexique et du Canada, qui devait être imposé à minuit mardi, n’a pas apaisé les craintes de voir l’ensemble du système commercial international bouleversé.
Trump a suspendu les droits de douane mexicains pendant un mois après avoir obtenu de la présidente Claudia Sheinbaum l’engagement d’envoyer 10.000 soldats de la Garde nationale à la frontière pour lutter contre l’afflux de fentanyl aux États-Unis, prétexte sur lequel l’augmentation des droits de douane a été lancée.
L’annonce concernant le Mexique a été suivie d’une décision similaire concernant le Canada. Dans un message publié sur X, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a déclaré qu’après une discussion avec Trump, « les tarifs douaniers proposés seront mis sur pause pour au moins 30 jours, pendant qu’on travaille ensemble là-dessus ».
Trudeau a déclaré que le Canada mettait en œuvre un plan de 1,3 milliard de dollars pour renforcer la frontière, consacrant « plus de ressources pour lutter contre le trafic de fentanyl ».
Le prétexte de l’imposition de droits de douane est clairement démasqué en ce qui concerne le Canada, car très peu de fentanyl traverse la frontière entre les États-Unis et le Canada.
Les menaces de droits de douane contre le Mexique et le Canada sont totalement irrationnelles d’un point de vue économique : les trois économies sont étroitement intégrées, en particulier dans l’industrie automobile et la production alimentaire. Mais il y a une logique à cette folie.
La force motrice des actions de Trump est la formation d’un bloc économique nord-américain, sous la domination des États-Unis, à travers lequel ils pourront poursuivre leur objectif mondial central, l’assujettissement de la Chine.
Lorsque Trump a évoqué pour la première fois la perspective que le Canada devienne le 51e État, cela a été considéré dans certains milieux comme une plaisanterie. Mais comme l’explique le World Socialist Web Site, il y a un parallèle avec l’annexion (Anschluss) de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1938, prélude à l’objectif ultime d’Hitler, la conquête de l’Union soviétique.
De même, Trump cherche à sécuriser les voisins proches des États-Unis en prévision d’un conflit avec des rivaux plus éloignés, non seulement la Chine, mais aussi la Russie et l’Europe. Les guerres tarifaires, ainsi que les demandes de contrôle américain du canal de Panama pour contrer l’influence de la Chine et la menace d’annexer le Groenland, font partie intégrante de cette perspective.
Dans l’un de ses messages sur les médias sociaux, il a directement lié la perspective du 51e État à la guerre tarifaire.
- « Nous payons des centaines de milliards de dollars pour subventionner le Canada. Pourquoi ? Il n’y a aucune raison. Nous n’avons besoin de rien de ce qu’ils ont. Nous disposons d’une énergie illimitée, nous devrions fabriquer nos propres voitures et nous avons plus de bois que nous ne pourrons jamais en utiliser. Sans ces subventions massives, le Canada cesse d’exister en tant que pays viable. C’est sévère, mais c’est vrai ! C’est pourquoi le Canada devrait devenir notre 51e État adoré. Des impôts beaucoup moins élevés, une bien meilleure protection militaire pour le peuple canadien et pas de droits de douane. »
Le développement d’un bloc nord-américain pour mener une guerre économique et, si nécessaire, déclencher une guerre militaire se reflète dans la réponse de Trump aux critiques nationales de ses mesures tarifaires, qui ont été condamnées par de larges pans du monde des affaires qui les considèrent comme irrationnelles et contraires à leurs intérêts immédiats en matière de profit.
John Murphy, premier vice-président de la Chambre de commerce des États-Unis, le plus grand groupe d’entreprises américaines, a déclaré :
- « Le président a raison de se concentrer sur des problèmes majeurs tels que le dysfonctionnement de notre frontière et le fléau du fentanyl, mais l’imposition de droits de douane ne résoudra pas ces problèmes et ne fera qu’augmenter les prix pour les familles américaines. »
Matt Blunt, président de l’American Automotive Policy Council, a déclaré que les constructeurs automobiles américains « ne devraient pas voir leur compétitivité sapée par des droits de douane qui augmenteront le coût de construction des véhicules aux États-Unis et paralyseront l’investissement dans la main-d’œuvre américaine ».
Ces critiques ont été résumées dans un éditorial du Wall Street Journal, qui a qualifié les mesures tarifaires proposées à l’encontre du Mexique et du Canada de « guerre commerciale la plus stupide de l’histoire », tout en détaillant l’intégration des trois économies, en particulier dans l’industrie automobile.
La réponse de Trump a été significative. Dimanche, il a accusé le « Fake News Wall Street Journal » de s’opposer aux droits de douane parce qu’il est « contrôlé par la Chine ou d’autres entreprises étrangères ou nationales ».
Dans un autre message, il a dénoncé le « Wall Street Journal, mondialiste et toujours dans l’erreur », qui « travaille dur pour justifier des pays comme le Canada, le Mexique, la Chine et trop d’autres pour les nommer » afin de « continuer à escroquer l’Amérique depuis des décennies, tant en ce qui concerne le commerce que la criminalité et les drogues toxiques qui sont autorisées à entrer si librement en Amérique. Cette époque est révolue ».
« Fabriquez vos produits en Amérique et il n’y aura pas de droits de douane », a-t-il poursuivi.
Il y a deux aspects à ces déclarations. Elles visent immédiatement à attiser la base fasciste, petite mais significative, de son mouvement MAGA. À plus long terme, elles visent à préparer le terrain pour des accusations de « trahison » à l’encontre de tout opposant national à ses mesures de guerre commerciale, au motif qu’elles servent les intérêts de la Chine ou d’une autre puissance « étrangère ».
Ce serait sous-estimer gravement la situation que de considérer que le sursis de 30 jours des droits de douane mexicains et canadiens représente une sorte de recul de Trump parce qu’il y a eu une réponse à la question du fentanyl.
Il ne s’agit pas non plus de la soi-disant « invasion » d’immigrants. L’utilisation de ce terme a servi de base pseudo-juridique à l’invocation de pouvoirs d’urgence considérables et à l’utilisation de l’armée au motif que la « sécurité nationale » des États-Unis est menacée.
Les mesures tarifaires sont prises en vertu de la loi sur les pouvoirs d’urgence internationaux de 1977. Cette loi n’a jamais été utilisée auparavant pour appliquer des droits de douane.
Le Mexique et le Canada ne sont que les premières cibles. L’Europe, dont même Trump n’a pas prétendu qu’elle était à l’origine d’un problème de drogue ou d’immigration « illégale », est la prochaine cible des États-Unis dans leur quête de domination du monde.
S’adressant aux journalistes à propos de ses mesures, Trump a déclaré que les droits de douane allaient « nous rendre très riches et très forts ».
Les grands médias sont si serviles que personne n’a souligné que la « force » de toute économie capitaliste réside dans sa capacité à produire des biens et des services à moindre coût et que les droits de douane rendront la production américaine plus onéreuse.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux, il a exposé son point de vue sur l’Europe :
- « Je vais imposer des droits de douane à l’Union européenne ? Absolument. Ils ne prennent pas nos voitures, ils ne prennent pas nos produits agricoles, essentiellement, ils ne prennent presque rien. Et nous avons un énorme déficit avec l’Union européenne. Nous allons donc faire quelque chose de très substantiel avec l’Union européenne. »
Dans un commentaire éditorial sur la guerre commerciale, le Financial Times (FT) a noté qu’elle était « symptomatique d’un problème plus large dans l’Amérique de Trump ». Bien qu’il n’ait pas utilisé le mot, le FT pointait du doigt le développement de la dictature.
- « Le président décide seul des questions importantes, exagère le diagnostic et choisit le remède. Comme pour ses tentatives d’imposer ses propres priorités en licenciant des fonctionnaires fédéraux et en gelant des subventions, les moyens sont souvent grossiers. Sa guerre commerciale menace d’être désastreuse, mais le chaos ne s’arrêtera pas là. »
Il n’est pas allé plus loin. Mais le type de « chaos » auquel il se référait est tout à fait évident dans l’histoire.
Dans les années 1930, le déclenchement de guerres commerciales, notamment par la loi américaine Smoot-Hawley de 1930, a été le prélude à l’éclatement de la guerre mondiale en 1939.
(Article paru en anglais le 4 février 2025)
Photo : Donald Trump et Claudia Sheinbaum [Photo by DHS and Mexico City Government / CC BY 4.0]
Voir en ligne : https://www.wsws.org/fr/articles/20...