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Ce désastre que fut la destruction de L’URSS
samedi 7 septembre 2024 par Francis Arzalier (ANC)
Toutes les chaînes de télévision ont réécrit l’histoire du siècle dernier Si on en croit les « spécialistes « admis à nous faire partager leurs compétences, de LCI à France Info, de la Chaîne 5 aux 3, 2 et 1, d’Arte aux infos continues de BFM et de CNews, tous concurrents et différents, du « littéraire » de la 7 au Pétomane de la 8, sont d’accord au moins sur un verdict historique souvent répété : l’URSS fut un enfer pour les peuples asservis, et sa disparition il y a 34 ans une libération pour chacun d’eux.
Sans revenir sur les causes décentes de l’explosion, qui sont évoquées en toute ingénuité comme une floraison des aspirations populaires, le résultat du morcellement de l’Union en mosaïque indépendante est travesti en conte de fées pour attardés mentaux, à l’usage exclusif des peuples occidentaux, qui, comme chacun sait, vivent un quotidien de démocratie et de bonheur. Des quartiers miséreux de Marseille-nord aux corons dépeuplés d’usines du Nord-Pas de Calais.
Les faits réels sont évidemment tout autres, et un observateur de bonne foi ne peut nier l’évidence historique : le territoire qui regroupait en fédération les peuples de l’URSS s’est morcelé au prix de convulsions sanglantes en 15 États indépendants, la plupart limitée à quelques millions d’habitants dans le Caucase et l’Asie centrale.
Seuls certains, européens, ont une plus grande superficie et rassemblent plus d’habitants, comme Biélorussie et Ukraine.
Et seule la Russie, qui, même amputée, conserve l’immensité sibérienne et une population de 145 millions d’habitants, a réussi 20 ans après l’effondrement dramatique des Gorbatchev et autres Eltsine, qui avaient réussi à détruire l’État au point de contraindre les retraités à vendre leurs vêtements dans les rues pour survivre, et les dirigeants de Moscou à mendier auprès des milliardaires occidentaux, alors qu’ils se partageaient les propriétés publiques privatisées.
Qui pourrait s’étonner après cela de la popularité massive de Poutine, certes fidèle du Capitalisme restauré et conservateur, mais qui a stoppé ce désastre et rétabli un État national fort ?
On distingue moins parce que plus petits le sort calamiteux de la plupart des peuples « qui ont acquis l’Indépendance, du Caucase ou d’Asie centrale, dont nos médias ne parlent que quand s’y déroulent des affrontements sanglants, comme en Géorgie, Azerbaïdjan, où Arménie.
Avec toujours la même grille unique de lecture : ceux d’entre eux qui sont pro-occidentaux ont raison, y compris dans leurs tentatives de putschs baptisés « Révolutions de couleur » quand ils réussissent comme en Ukraine à prendre le pouvoir d’État.
Car, contrairement à la version propagée par les médias d’Occident, l’explosion de l’URSS ne fut en rien celle d’un Empire colonial comme celui de la France en Afrique. Les peuples du Caucase et d’Orient soviétisés savaient très bien qu’ils étaient sortis de sociétés nomades ou archaïques et avaient accédé à une certaine modernité industrielle grâce aux subsides et directives venues du Centre Soviétique : l’inverse exactement du mécanisme d’exploitation coloniale en Afrique « Française ».
L’Union Soviétique a pourri par la tête, quand en 1990 les bureaucrates carriéristes moscovites ont résolu de transformer leurs avantages personnels en prébendes transmissibles en Capital. Et cet effondrement du Centre a entraîné celle de tout l’édifice soviétique, créant jusque dans ses espaces périphériques les mêmes désastres économiques, sociaux, et revivifiant les vieilles haines ethnicistes, contenues jusque-là par le pouvoir communiste.
Car partout dans ces « nouveaux États » de l’ex-URSS, les nationalismes concurrents, sont devenus virulents jusqu’aux conflits armés, portés par les « nouvelles » bourgeoisies avides de se partager les ruines privatisées de l’économie, et nourris par la pauvreté et les démagogies racistes.
Le plus bel exemple, toujours d’actualité guerrière avec l’aide de l’Occident impérialiste, est l’Ukraine, tombée entre les mains des Nationalistes anti-Russes en 2014 par un coup d’état de Maidan, héritiers assumés de ceux qui combattirent aux côtés des Nazis il y a 80 ans.
Mais on l’occulte trop souvent, il ne fut ni le premier, ni le seul.
Un exemple parmi d’autres, le Tadjikistan.
Le petit Tadjikistan en Asie centrale a hérité le tracé de ses frontières de l’ère soviétique, mais aussi ses divisions linguistiques, sinon ethniques. En effet, dans cet État qui est passé de 6 millions en 2001 a plus de 9,5 millions en 2024, une bonne partie des citoyens ne s’exprime pas en langue tadjik (d’origine persane), mais en Ouzbek, proche du Turc, parlée dans son voisin l’État d’Ouzbékistan (ou d’ailleurs les locuteurs en tadjik sont nombreux dans la ville de Samarkand par exemple).
En fait, comme le disait un dirigeant communiste de l’URSS, « Un peuple et deux langues », ce qui n’a rien d’exceptionnel dans cette partie du monde et dans d’autres.
Mais dans le contexte d’effondrement social et politique de la mort de l’Union, attisé par les ambitions concurrentes de clans de bourgeoisies naissantes, ces divisions qui ne posaient guère de problèmes au sein de la citoyenneté soviétique ont entraîné une féroce guerre civile dont le bilan dépassa 100 000 morts.
Et la victoire de l’un des protagonistes, en 1992, a accouché d’un régime particulièrement autoritaire, même s’il se targue volontiers du refus de l’intégrisme islamiste. Mais, toujours en quête d’une identité nationale fragile, il laisse prospérer une idéologie curieusement identitaire, qui peut rappeler de fâcheuses palinodies de la « science » nazie dans l’Europe conquise d’autrefois.
Partant du constat que la langue Tadjik, proche du Persan, est issue d’une antique origine indo-européenne, des théoriciens-politiciens en font une lecture éthniciste, affirmant que le peuple tadjik est le descendant direct du mythique « peuple Aryen », par opposition aux voisins-concurrents qui s’expriment en langues turciques. Ce roman national imaginaire peut justifier n’importe quelle exaction raciste, ce qui est bien pire que les discours théocratiques du Wahhabisme Saoudien, ou du Chiisme conservateur iranien.
Pays jugé l’un des plus pauvre, le Tadjikistan, dont les seules ressources sont l’exportation de matières premières non transformées, d’or ou de coton, vit surtout des fonds envoyés par les expatriés en Russie. [1]
Ainsi le rétablissement du Capitalisme dans l’ex-URSS a t’il enfanté ces monstres idéologiques que sont les nationalismes xénophobes, de la Baltique à l’Ukraine, de la Mer Noire au Caucase et aux frontières de l’Afghanistan, qui, non seulement cautionnent les inégalités sociales, mais ne manquent pas de causer de sanglantes dérives, et de se mettre quand leurs tenants le jugent utile à leur cause, au service des Impérialismes, mondiaux ou régionaux.
Comme d’ailleurs ils l’avaient fait en Yougoslavie, ployée dans une guerre par les nationalismes locaux et l’impérialisme occidental lors de la disparition du fédéralisme socialiste à la fin du XXème siècle.
Depuis des mois, l’opinion et nous-mêmes, avons les yeux fixés sur qui dirigera la France. Mais il faudra bien en revenir au problème premier de notre peuple :
Comment sortir de cet étau serré quotidiennement par un appareil médiatique qui manipule l’opinion en faveur des idées du capitalisme et de l’impérialisme, au point qu’elle est aujourd’hui majoritairement pour l’aide aux nationalistes ukrainiens, la répression sociale en France et la collaboration de classe ?
Je n’ai pas personnellement trouvé encore la réponse, la juste riposte tactique à ce broyeur qui nous mène à l’abîme.
Je l’attends !
[1] Judith Robert. « la nation tadjike revisite le mythe aryen » Monde diplomatique, septembre 2024.