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La "démondialisation" à la mode Sanofi
mardi 14 avril 2020 par J.-M. Th pour le Canard Enchainé
Depuis que l’on a découvert que sous-traiter la fabrication de nos masques et de nos médicaments à l’Asie pouvait se révéler meurtrier, la mondialisation a mauvaise presse. Sanofi l’a bien compris, qui, dès le 24 février, annonçait la création d’« un champion européen pour sécuriser l’approvisionnement en principes actifs de qualité en France et en Europe, et réduire l’exposition en Asie » .
Ces « principes actif »- synthèses chimiques nécessaires à l’effet thérapeutique du médicament - recelant une indéniable valeur stratégique, on ne peut qu’applaudir !
Astuces et ...
Sauf que l’« exposition » de Sanofi en ce domaine est minuscule : le labo ne dépend de l’Asie que pour 5 % de sa production de principes actifs... En réalité, c’est de cette filière du Vieux Continent que le groupe entend s’écarter. De puis 2017, il cherche en effet à se séparer de 6 de ses 11 usines européennes (dédiées à cette fabrication), et de leurs 3 100 salariés.
Le labo pense avoir trouvé l’astuce. Il annonce la naissance d’une nouvelle entreprise qui regroupera six unités de production : Brindisi (Italie), Francfort Chimie (Allemagne), Have rhill (Royaume-Uni),Ûjpest (Hongrie), Saint-Aubin lès-Elbeuf et Vertolaye (France).
Mais il ne gardera que 30 % de la nouvelle boîte, et proposera à la BPI, bras armé de l’État, d’y investir des fonds publics avant une entrée en Bourse. Surtout, Sanofi s’engagera à s’y approvisionner... pendant seulement cinq ans !
... vieilles ficelles
Et voilà comment un abandon (partiel) d’activité est vendu comme une « relocalisation » ! Sanofi aimerait en profiter pour réorienter sa production vers les biotechnologies, qui rapportent bien davantage.
Les syndicats ne sont pas dupes. Dès septembre 2019, ils s’inquiétaient :
« Le risque majeur de cette perte d’autonomie [concerne] l’approvisionnement en médicaments du territoire français. La France connaît déjà des pénuries de certains principes actifs, du fait entre autres de production étrangère, sans compter aussi la perte de maîtrise de la qualité de nos médicaments et d’une traçabilité qui n’en sera que plus difficile (sic) », écrivait la CGT le 13 septembre 2019, en demandant un rendez-vous à Bruno Le Maire.
Ni le ministre de l’Économie ni sa secrétaire d’État, Agnès Pannier-Runacher, n’ont, depuis, trouvé le temps de recevoir le syndicat…
Nous vous proposons cet article afin d’élargir notre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s’arrête aux propos que nous reportons ici.