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La Chine, son histoire, et ( son ) notre devenir

vendredi 26 janvier 2024 par Francis Arzalier (ANC)

En décembre 2023, une responsable de l’ANC a participé à une délégation de diverses organisations françaises en Chine. Elle y était seule à se revendiquer Communiste, au sein d’un collectif français rassemblé à l’invitation des responsables du PCC, désireux de nouer des relations pacifiques entre nos peuples. À l’heure où un conflit guerrier menace le monde, cette invitation est positive si elle permet une meilleure compréhension mutuelle, débarrassée des constants discours de dénigrement de la Chine dans notre environnement médiatique.

Les textes concernés sont à la fin de l’Article.(JP-ANC)

La participante de l’ANC, au delà de son enrichissement personnel, a pu transmettre à nos adhérents des documents écrits très enrichissants, fournis par les responsables chinois du PCC. À savoir, un premier entretien avec madame Chen Huifan, responsable du bureau Europe de l’Ouest du Département international du Comité central du PCC, un second avec Monsieur Guo Yezhou, vice-ministre du même organisme du PCC.

Et plus encore, nous avons reçu copie d’un livre intitulé « Pourquoi la voie socialiste a t-elle réussi à la Chine », signé d’un responsable du PCC nommé Muca Dai, qui présente en 237 pages une version officielle adoubée par le PCC de l’histoire contemporaine de la Chine et de l’élaboration du « socialisme chinois ».
Le style spécifique de ce dernier ouvrage, volontiers grandiloquent et dithyrambique, peut en première approche dérouter des militants français. Mais il reflète indubitablement la vision historique et politique des Communistes chinois, dirigeants actuels d’un milliard 400 millions de citoyens, et, par ce seul poids mondial, il esquisse notre avenir commun.

Et il ne nous est pas indifférent que leur projet se réclame, comme le nôtre, du marxisme, même s’il est « sinisé », selon le terme même de l’auteur.

L’analyse ci-dessous de ces textes se veut une contribution personnelle d’un militant communiste, pour aider à la réflexion théorique, et ne prétend aucunement engager l’ensemble de l’Association Nationale des Communistes de France dont il fait partie.

la Chine du dix neuvième siècle au vingt et unième

Point de départ de l’histoire moderne de cet Empire à la civilisation millénaire fut selon l’auteur la « Guerre de l’opium » en 1840, au cours de laquelle l’intervention armée des Impérialistes occidentaux ont fait de la monarchie chinoise « un pays féodal-colonial ». L’objectif central et commun des courants réformateurs et révolutionnaires chinois jusqu’au vingtième siècle sera dès lors la volonté de briser les ingérences étrangères et de créer une Chine indépendante.

Les Communistes chinois, qui ont créé leur Parti à l’exemple de la Révolution russe de 1917, ne font pas exception : dès l’origine, ses fondateurs lient revendications de classe et luttes de libération nationale, une spécificité du marxisme en Chine par rapport à ses origines européennes au dix-neuvième siècle.

  • (Remarque  :
  • Cette indubitable prise en compte des revendications sociales et nationales par le Communisme chinois et l’État socialiste qu’il a engendré, sont une des raisons essentielles de ses succès, mais aussi de la pérennité du Socialisme chinois jusqu’au vingt et unième siècle, alors que les régimes socialistes d’Europe orientale se sont piteusement effondrés après l’implosion de l’URSS, discrédités durablement, parce que fragiles d’être nés de la défaite devant l’Armée Rouge. En même temps, cette fusion des objectifs sociaux et de libération nationale peut être une fragilité idéologique du PCC, à chaque fois que les volontés nationales l’emportent sur les objectifs de classe.)

La seconde spécificité des Communistes chinois selon l’auteur est l’inflexion tactique pensée par Mao et ses camarades, après le constat des échecs meurtriers des soulèvements ouvriers urbains organisés par eux sur le modèle des insurrections urbaines européennes, vers celle dite « d’encerclement des villes », qui a suscité « la Longue Marche » et la victoire militaire des soldats rouges en 1947.

  • (Remarque :
  • Cette tactique spécifique (conquête du pouvoir par les armes et encerclement des villes par les campagnes) est aussi un choix politique à peu prés inédit dans la tradition marxiste de révolution majoritairement paysanne, alors que celle en Russie de 1917 fut d’abord ouvrière et urbaine, en profitant du pacifisme des paysans soldats. Mais durant la guerre civile, certaines zones par exemple en Ukraine se sont souvent opposées aux réquisitions pour nourrir la classe ouvrière des villes.)

L’auteur du PCC note ensuite comment l’Union Soviétique des années 1950 a servi de modèle au premier Socialisme chinois, et aidé au démarrage industriel du pays de Mao. Mais il ne cache pas les défauts qu’impliquait ce mimétisme, notamment une centralisation abusive, et un certain bureaucratisme. Des défauts que, nous dit- il, le PCC s’efforçait de corriger quand le décès de Staline vint bouleverser la donne, les dirigeants de l’URSS à partir des années 1960 ayant dérivés dans le « Révisionnisme ».

(Remarque  :

  • Les militants communistes qui ont vécu cette période ne peuvent partager la réduction unilatérale à la qualification infamante de « révisionnisme soviétique » du conflit dramatique entre la majorité des Partis Communistes du monde et le PCC, conflit idéologique complexe qui se traduisit par la fin de l’aide soviétique à l’industrialisation chinoise, une concurrence allant jusqu’à l’affrontement militaire entre les deux pays, et même sur le plan international (durant les longues luttes pour l’indépendance de l’Angola de 1965 à 2000, le mouvement de libération MPLA soutenu par l’URSS et Cuba s’oppose à l’UNITA de l’éthniciste Jonas Savimbi, allié de l’Occident et de l’Afrique du Sud de l’apartheid, mais aussi soutenu par la Chine décidée à contrer l’influence soviétique en Afrique. Retenons plutôt les conséquences catastrophiques de ce déchirement des mouvements communistes.
  • La décennie 1960 fut pour l’immense majorité des partis communistes une nécessaire remise en cause des dérives autoritaires et des répressions massives du passé soviètique, parfaitement justifiée même si elle a été réduite arbitrairement à une dénonciation du « culte de la personnalité » de Staline, comme s’il avait été le seul responsable de ces dérives. Occulter cette juste quête d’un renouveau de l’idéal communiste, l’affubler du terme insultant de « révisionnisme » est inacceptable pour qui a le respect de la vérité historique.
  • Ce n’est que plus tard, vers 1990, à l’issue d’une longue période de dégénérescence bureaucratique, conclue par l’implosion de l’URSS, qu’aura lieu le retour de la Russie au Capitalisme.)

Notre auteur dénonce ensuite l’épisode brutal de la « Révolution Culturelle « (1966-68) et ses conséquences très négatives, notamment pour l’industrialisation de la Chine. Il en attribue la responsabilité à « une grave erreur de Mao ».

  • (Remarque  :
  • Curieusement, alors qu’elle fut déclenchée au nom de la lutte contre la bureaucratie (« feu sur les quartiers généraux »), et qu’elle exprimait le conflit des tendances opposées au sein du PCC, il lui reproche surtout d’avoir été « égalitariste » en voulant supprimer les différences de salaire.)

Selon notre auteur, la mutation la plus importante des objectifs du Pouvoir chinois date de 1978-80 grâce aux mesures de « Réforme et d’Ouverture » animées par Deng Xiaoping :
Développement d’un secteur privé à côté du secteur d’État, que confirmera l’adhésion de la Chine à l’OMC, qui a permis en 40 ans d’attirer les investissements industriels et les technologies les plus modernes, une croissance économique énorme, et des résultats inédits. Le texte affirme clairement que cette démarche constitue le « Socialisme chinois ».

Pages 178 et 179 :
« La pratique de la réforme et de l’ouverture a amplement démontré que la voie du socialisme chinois est la bonne pour atteindre l’objectif de devenir une puissance mondiale, pour le renouveau de la nation chinoise et l’enrichissement du peuple. Depuis la réforme et l’ouverture, la Chine a connu de grands succès grâce à la voie chinoise. L’économie chinoise a connu un accroissement considérable, la situation politique se trouve dans un état de stabilité et d’unité, et le statut international de la Chine s’élève sans cesse. La nation chinoise présente une nouvelle physionomie et se dresse parmi les grandes nations du monde. Au bout d’une trentaine d’années de développement, le peuple chinois a éradiqué la pauvreté et se dirige maintenant vers l’aisance… »
« D’ici à 2020, la Chine achèvera le grand but de construire complètement une socièté aisée. D’ici à 2050, la Chine achèvera le grand but de la modernisation socialiste. Dans les prochaines décennies, la Chine va réaliser non seulement la transformation de plus grand pays exportateur au monde au plus grand marché international, mais aussi d’un pays de fabrication à un pays créateur. La Chine va dépasser les États Unis et devenir la plus grande puissance économique mondiale. Plus important, elle dépassera le modèle américain de développement sur la voie du développement capitaliste occidental. »

  • (Remarque :
  • La conclusion prospective est paradoxale. Non seulement elle revendique l’intégration dans la mondialisation capitaliste, et le développement d’un secteur privé capitaliste au sein du « Socialisme chinois », mais elle semble lui assigner l’objectif de prendre le contrôle du Capitalisme mondial !
  • Serait-ce une traduction approximative ?
  • En tout cas, il ressort de cette approche que le « Socialisme chinois » a pour objectif premier de faire de la Nation chinoise la plus forte et du peuple de Chine le plus prospère.
  • Un militant marxiste d’Occident ne peut qu’ajouter que cet apport de capital investi et de technologie après 1980 était la traduction de la stratégie de délocalisation des capitalistes occidentaux, en quête de profits plus élevés dans les pays à bas salaires, dont la Chine, qui se traduisait dans un pays comme la France par la désindustrialisation, le démantèlement de la classe ouvrière et de son potentiel révolutionnaire, Et ne faut-il pas ajouter que, dans notre XXIème siècle, une bonne partie des bourgeoisies dirigeantes des USA et d’Occident se sont rendu compte des dangers que cela impliquait pour elles, du fait que leur domination était condamnée à terme dans la compétition économique, et converties à l’idée que le seul moyen de la conserver était la guerre.)

À de multiples reprises, le texte-programmé du PCC revient sur les objectifs internationaux de la Chine, dont la puissance croissante doit contribuer à la construction d’un « monde harmonieux », pacifique, respectueux de la diversité des peuples. Et, en tant que partisans de la paix, dans un monde dangereusement chaotique, nous ne pouvons que nous en féliciter, d’autant que ce projet est corroboré par la réalité d’une Chine certes attentive à ses capacités défensives, mais se refusant à essaimer comme les USA (ou la France, petitement) autour des continents et des océans un essaim de bases et de porte-avions nucléaires. Une Chine qui se contente d’investissements de modernisation industrielle dans tous les continents, sans imposer une quelconque volonté politique aux États concernés.

  • (Remarque :
  • Les marxistes européens impénitents que nous sommes, ne peuvent toutefois s’empêcher de noter que le concept d’Impérialisme, qui est au cœur de leurs combats depuis 1917, est totalement non formulé dans ces analyses. Ce qui est d’ailleurs confirmé par un mutisme similaire à ce sujet dans les deux déclarations conjointes des responsables du PCC.
  • Or, l’Impérialisme n’est pas dans la tradition communiste et pour nous, la conséquence déplorable de l’immoralité de tel ou tel dirigeant, mais la conséquence du Capitalisme contemporain. Ne pas l’incriminer dans les conflits actuels ne risque t-il pas de les rendre obscurs ? Une « société harmonieuse » et pacifique pourra t-elle se concilier avec l’Impérialisme ?)

L’analyse proposée par l’auteur a le mérite de reconnaître les différences d’approche au sein de la population chinoise, notamment dans le sous-chapitre V 5, intitulé « la théorie du retour au passé ».

pages 56 et 57 :

« À présent en Chine, il existe encore une pensée du « retour au passé », en d’autres mots le retour au Socialisme traditionnel, soutenu par certains.
Les différences essentielles entre le socialisme chinois et le socialisme traditionnel sont que l’essentiel du travail du PCC et de notre pays a été centré sur l’édification économique et non sur la lutte des classes. La détention des moyens de production se caractérise, pour la partie principale, par la propriété collective, et par la coexistence de nombreux facteurs de production au lieu de la seule propriété collective. L’économie planifiée a été transformée en économie socialiste de marché. La société conservatrice a été remplacée par une société qui soutient l’ouverture à l’extérieur et la réforme totale.
Cependant, certains négligent les principes fondamentaux du matérialisme historique et l’objectif radical du socialisme, et ne tiennent pas compte des conditions concrètes de la Chine. Ils considèrent les pensées du socialisme traditionnel comme une doctrine éternelle. En parlant abstraitement du socialisme, ils croient que la voie du socialisme chinois s’écarte de la voie socialiste traditionnelle et accusent la Chine d’avoir suivi en réalité « une voie capitaliste chinoise » menée par le Parti Communiste Chinois… »
« La voie du Socialisme chinois relève-t-elle du socialisme ou du capitalisme ? Nous ne pouvons pas en juger selon les livres ou les doctrines. Nous devons nous demander si cette voie favorise le développement de la force de production, l’amélioration de la puissance nationale générale, et du niveau de vie du peuple chinois. Le parcours de l’édification socialiste en Chine a démontré que le socialisme traditionnel manque d’efficacité et de dynamisme et conduit finalement à la pauvreté. Il ne peut pas diriger la Chine vers la prospérité et le renouveau de la nation. Il nous faut ainsi tirer les leçons de l’histoire et éviter de retomber dans les mêmes pièges.”

  • (Remarque  :
  • Cette condamnation péremptoire des tenants du « socialisme traditionnel » surprendra les militants authentiquement communistes d’Europe, d’autant qu’elle voue sans ambages aux gémonies la « lutte de classes « . Cette réalité scientifique découverte par Marx, est devenue depuis 1848 le marqueur essentiel de l’idéal communiste en Europe. Et il l’est plus encore au Vingt et Unième siècle, quand notre tâche essentielle est de reconstruire nos organisations communistes, démantelées par l’électoralisme et l’opportunisme pro-libéral.
  • Toute analyse historique s’exprime par des affirmations, mais aussi par ce qu’elle ne précise pas. C’est le cas du texte-programme qui nous est proposé, qui ne répond pas à plusieurs interrogations essentielles sur la « voie chinoise », d’ordre économique et politique.
  • 1/ Le secteur capitaliste chinois est minoritaire, et supposé être soumis au secteur d’état, notamment par le biais des banques. On a vu récemment des « oligarques » chinois être remis judiciairement à leur place. Mais cette maîtrise est-elle compatible avec la présence au sein du PCC dirigeant de certains « capitalistes nationaux » ?
  • 2/ Mêmes interrogations sans réponses sur les formes du Pouvoir d’État : À quoi correspond exactement la définition plusieurs fois utilisée de « dictature démocratique populaire », ce qui semble impliquer un État ferme, sinon autoritaire, mais représentatif des citoyens ?
  • 3/ Le Parti Communiste Chinois, dont le rôle dirigeant est constitutionnel avant même l’Assemblée nationale, est certes un collectif nombreux, avec plus de 95 millions d’adhérents (soit 9 membres du PCC pour 140 habitants). Mais comment ses membres sont-ils choisis, et quel rôle y jouent les diverses classes sociales, notamment la classe ouvrière venue des régions rurales, dont le niveau de vie est le plus bas ? Quel est le rôle et le pouvoir des syndicats vis à vis des revendications salariales et de l’État ?)

L’analyse de ce texte programmatique du PCC constate des différences évidentes entre nous sur certains points. Rien de surprenant : c’est justement parce que nous rejoignons le PCC sur la nécessité d’ouvrir une perspective de Socialisme nourrie des héritages de nos histoires nationales, qui sont fondamentalement différentes.

Pour nous, Communistes de France, héritiers du passé révolutionnaire français, des combats pour la République et le suffrage universel de 1789-93 et 1848, de la Commune ouvrière et décentralisatrice de 1871, des luttes sociales de 1936 et nationales de 1941- 45, dont la tâche actuelle est la reconstruction d’un Parti Communiste de luttes réellement marxiste, l’objectif est un Socialisme structuré par la propriété collective des grands moyens de production et les services publics contrôlés par les citoyens, soucieux d’indépendance nationale et de paix contre l’Impérialisme.

Au reste, l’essentiel est ailleurs que dans nos différences d’approches : les Communistes de France ont connu suffisamment de déboires quand ils se référaient à un modèle unique pour ne plus le faire, et d’ailleurs le PCC ne cherche aucunement à jouer ce rôle de guide supranational.

L’essentiel me semble être notre solidarité militante quand la Chine met tout son poids à peser dans le sens de la paix, quand par exemple elle s’efforce de calmer les conflits en cours en Ukraine ou en Palestine, d’éteindre ceux qui menacent d’exploser par exemple entre l’Iran, l’Arabie Saoudite et le Pakistan.

Et nous sommes solidaires aussi de la Chine quand elle investit dans les « pays du Sud » en leur donnant la possibilité de construire une économie nationale libérée de l’Impérialisme.

25/01/2024

Les textes concernés :
Chine socialiste

Entretien avec Mme Chen Huaifan, responsable du Bureau Europe de l’Ouest de l’IDCPC (département international du comité central du Parti communiste chinois)

Entretien avec M. Guo Yezhou, vice-ministre de l’IDCPC

Merci à Victoire Bech (ANC) pour ces excellents rapports !

   

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