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Équateur : L’interventionnisme étasunien renaît comme le Phoenix
mercredi 16 avril 2025 par Bolivar Infos

L’Équateur représente l’un des centres les plus importants de la contre-offensive néolibérale latino-américaine. Après trois gouvernements de Rafael Correa (2007–2017), le projet de la Révolution Citoyenne a été freiné de façon abrupte sans avoir subi de défaite dans les urnes : son successeur, Lenin Moreno (2017–2021), est devenu son opposant le plus féroce. À partir de 2017, le pays montre 4 traits qui actuellement composent le cadre d’une situation qui peut s’interpréter comme un « Plan Equateur », si on la compare au Plan Colombie.
ingérence étrangère
Libéralisation de l’économie et endettement extérieur
Détérioration des institutions
Militarisation de la société et titrisation des problèmes sociaux.
1.Ingérence étrangère :
Les Gouvernements de Lenin Moreno, de Guillermo Lasso et de Daniel Noboa, ont favorisé l’intervention des États-Unis dans des aspects sensibles, comme l’économie, l’administration de la justice et la sécurité. Alors que pendant la décennie du corréisme, on cherchait un cadre d’alliances pour soutenir des décisions indépendantes de la puissance nord-américaine comme la création de l’UNASUR, Moreno l’a abandonnée et expulsée de son siège à Quito, s’est séparé de l’Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique–Traité de Commerce des Peuples (ALBA–TCP) est retourné dans l’Association Inter-américaine de Défense (JID) dans le but de reprendre le dialogue avec les États-Unis, précisément, lors du premier Gouvernement d’un Donald Trump dont tous les efforts étaient dirigés vers une offensive néoconservatrice régionale, avec comme point de mire le Venezuela, Cuba et le Nicaragua.
La alignement de la politique internationale a été dès lors soumise à l’ordre du jour des États-Unis, ce qui a conduit à la formation de nouveaux forum régionaux comme le PROSUR dont l’action a été plus dirigée idéologiquement contre les projets progressistes et les projets de la nouvelle gauche latino-américaine que dirigée par un programme propre d’intégration politique, économique et de sécurité. Cette absence se vérifie dans le renforcement d’initiatives bilatérales et une implication croissante du Commandement Sud en Equateur, en tant que pilier de sa zone de responsabilité (AOR) ainsi que dans le retour de l’assistance étrangère, grâce à des agences comme l’USAID dont le financement avait été suspendu sous le gouvernement de Correa.
2.Libéralisation économique :
Malgré la prospérité économique qui régnait avec Correa et, en particulier, pendant son mandat de 2013 à 2017, Moreno engage un processus de libéralisation qui a inclut le retour à l’endettement extérieur envers le Fonds Monétaire International (FMI) en 2019, endettement qui s’est poursuivi avec Guillermo Lasso en 2021 et Daniel Noboa en 2024. L’Equateur avait mené à bien en 2007 un audit de la dette qui avait conclu à l’existence d’anomalies dans les contrats, c’est pourquoi elle avait été déclarée partiellement illégitime, ceci étant une procédure internationale qui permet de suspendre les paiements, de renégocier et de réduire les montants.
Étant donné que le principal revenu des exportations est basé sur le pétrole, l’économie équatorienne et fortement sensible aux fluctuations internationales. Le paquet de conditions du FMI a amené le Gouvernement de Moreno à éliminer les subventions sur les combustibles comme condition préalable pour réduire les dépenses fiscales, ce qui a provoqué une augmentation des prix et une vague de protestation en octobre 2019. Bien qu’elles aient finalement été remises en place, pendant l’état d’urgence, d’autres mesures de coupe et d’ajustement fiscal ont été appliquées.
L’augmentation des combustibles, la réduction du budget public dans l’assistance sociale, les licenciement dans l’administration de l’État, en particulier dans le domaine de la santé, et la privatisation d’entreprises publiques comme la Banque du Pacifique ont marqué l’agenda économique de Guillermo Lasso à partir de mai 2021. En novembre de la même année, il a mené à bien une réforme du travail, des impôts et du régime d’investissement à travers la Loi de Création d’Opportunités, de Développement Economique et de Soutenabilité Fiscale en Équateur, une réforme qui a provoqué la flexibilisation des droits du travail et la dérégulation de l’économie.
Bien que ceci ait permis d’accéder au financement international de 1 900 000 000 de dollars par le FMI et la BID, les conséquences de la détérioration des services publics, de la cherté de la vie et de l’augmentation de la pauvreté ont provoqué de nouvelles mobilisations du peuple en juin 2022.
Bien que Danielle, Noboa soit arrivé au Gouvernement en novembre 2023 pour terminer la période de mandat de Guillermo Lasso après que celui-ci ait appliqué la « mort croisée », dissout l’Assemblée nationale et convoqué des élections générales, sa politique économique a suivi le chemin du banquier qui l’a précédé. En avril 2024, il a signé un accord avec le FMI pour 4 000 000 000 de dollars et mis en place un programme d’ajustements avec augmentation de la TVA de 12 à 15 % et élimination des subventions sur le combustible. d’autre part, il a affronté les conséquences des concessions faites par Lasso au secteur de l’énergie en subissant une crise avec de longues pannes et l’importation d’énergie. Alors qu’il encourage les associations avec le capital privé, le fils du magnat le plus important du pays n’arrive pas à sortir l’économie de la récession provoquée par les politiques néolibérales des derniers Gouvernements et la perte de souveraineté économique face aux organismes multilatéraux de crédit.
3.Détérioration des institutions :
Le principal aspect de la détérioration des institutions est l’application du lawfare, c’est-à-dire l’utilisation indue d’instruments juridiques pour persécuter politiquement des adversaires politiques, détruire leur image politique et enfin les disqualifier. La guerre juridique et le constant lynchage médiatique que cette stratégie contient ont été utilisés contre l’ancien président Rafael Correa et les principaux représentants de son courant politique dont certains ont dû s’exiler.
Le cas de l’ancien vice-président Jorge Glas est l’un des plus connus puisque il a Lenin Moreno lui-même à participe à sa persécution judiciaire, et qu’a subi la prison politique dans des conditions qui ont violé ses droits de l’homme. Depuis son arrestation en octobre 2017, Glas a fait l’objet de condamnations expresses dans trois affaires (Odebrecht en 2017, pots-de-vin en 2020 et Singe en 2021) avec des peines de 6 et 8 ans dans chaque cas. Cependant, en avril 2022, il a été libéré en vertu d’un habeas corpus à condition qu’il se présente chaque semaine aux autorités judiciaires, habeas corpus qui a été révoqué par la Cour constitutionnelle en février 2024 avec la participation active de la procureure Diana Salazar. Pour cette raison, Glas a demandé l’asile à l’ambassade du Mexique, où, en violation des normes du droit international et de la Convention de Vienne, il a été enlevé par les forces de sécurité le 5 avril de la même année.
D’autre part, la réduction des politiques de protection sociale par l’État a représenté une perte de qualité de vie qui a rendu possible la prolifération d’organisations criminelles liées au trafic de drogue. Les espaces abandonnés délibérément par les institutions publiques ont été occupés par des acteurs privés, qui sèment l’idée que l’État est faible, une idée que le Gouvernement lui-même et les agents étrangers utilisent comme justification pour la répression.
4.Militarisation de la société et titrisation [1] des problèmes sociaux :
Bien qu’il existe une séparation institutionnelle entre les rôles de sécurité et de défense en Équateur, depuis 2019, les forces armées sont de plus en plus impliquées dans la sécurité intérieure, notamment pour dissuader les manifestations sociales et, selon les déclarations publiques, pour faire face à l’avancée des organisations criminelles liées au trafic de stupéfiants. Toutefois, les indicateurs et la perception de la population en matière de sécurité ne se sont pas améliorés ; celle-ci dénonce constamment les abus des forces publiques et l’augmentation de la violence institutionnelle qui s’ajoute au taux record d’homicides : 40 pour 100000 habitants en 2024.
L’augmentation de la militarisation coïncide avec le rapprochement avec les États-Unis, sous le gouvernement de Lenin Moreno et en particulier après la signature, en avril 2018, de l’accord cadre de coopération en sécurité et la participation à des manœuvres militaires combinées avec le Commandement Sud ainsi qu’avec le retour de l’assistance étrangère de l’USAID. Sous le commandement de la général Laura Richardson, on a bien avancé dans l’intervention militaire avec la signature, le 20 juin 2023, du mémorandum d’entente entre les États-Unis et l’Equateur, également appelé plan de coopération. cet accord est basé sur trois piliers essentiel du paradigme des « nouvelles menaces » : le trafic de drogue, le crime transnational et le terrorisme. Le renforcement des capacités, pour lequel 310 000 000 de dollars seront alloués sur 7 ans, est axé sur une perspective intégrée de l’action des forces armées et de la police. Comme l’a confirmé un rapport de l’Observatoire du Lawfare, en 2022 et 2023, le Gouvernement Biden a fourni une assistance militaire à l’Équateur par le biais du Programme de financement militaire étranger (FMF) pour 310 000 000 de dollars, soulignant qu’il était le principal récepteur de la région, avant même la Colombie.
Il faut souligner que la faiblesse de l’État se traduit par le renforcement des groupes délinquants organisés (GDO) qui en arrivent à contrôler des localité comme Esmeraldas sur le littoral nord ou de Guayaquil où peuvent agir comme « une autorité bienfaisante » pour gagner leur légitimité et démontrer leur pouvoir. Par la position géostratégique de ses côtes et son économie polarisé, l’équateur est redevenu un point de localisation des routes du trafic de drogue et de conflits territoriaux. On estime qu’en plus des GDO locaux, des organisations mexicaines connues comme le cartel de Sinaloa et de Jalisco Nouvelle génération, ainsi que la mafia albanaise, y opèrent aussi.
L’accession au pouvoir de Daniel Noboa, a été accompagnée par le plan Phœnix, grâce auquel il avait promis d’en finir avec l’insécurité dans le pays. Celui-ci comprenait le déploiement des forces armées dans les rues du pays, la construction de deux méga-prisons sur le modèle de Bukele, une réforme du code organique pénal intégral (COIP) qui durcissait les peines et la restauration des bases militaires pour l’assistance étrangère des États-Unis (ce qui demande une réforme de la Constitution.)
Bien qu’une grande partie de l’ordre du jour de militarisation et été structuré sous les gouvernements précédents, c’est Noboa qui a accéléré leur mise à œuvre. Même si le 8 janvier, il avait décrété l’état d’urgence, le catalyseur des décisions exécutives fut la prise des installation de TC Television, au milieu de la transmission du journal de la mi-journée par 13 personnes armées et cagoulées, le 9 janvier 2024. Le Gouvernement a réagi en promulguant le décret 111 « qui mobilise les forces armées et la police pour neutraliser les organisations terroristes » et déclare l’existence d’un « conflit armée interne. »
Grâce à la déclaration du « conflit armée interne » et à l’identification des GDO comme menace terroriste contre l’État, on déclare que cette menace doit être combattue grâce a une stratégie militaire. À peine un mois après cette annonce, Noboa a reçu le 15 février, à Quito, la général Richardson pour ratifier deux accords de sécurité qui avaient débuté avec Guillermo Lasso : le statut des forces armées (SOFA) et un autre pour les organisations contre les activités maritimes illégales. Le premier accorde des privilèges et l’immunité diplomatique au personnel militaire et civil du département de la défense et de ses sous-traitants, alors que le second permet la surveillance, la navigation et l’opération militaire combinée entre les forces armées de l’Equateur et le service des garde-côtes des États-Unis pour affronter le trafic de drogue et le crime organisé transnational.
Noboa âgit, intensément pour restituer la concession des bases militaires aux forces étrangères déposant à l’Assemblée nationale, un projet de réforme constitutionnel, bien que parallèlement, il ait obtenu, en décembre 2024, que le conseil du régime spécial, Galapagos approuve le projet de sécurité intégral de la région insulaire qui permettrait aux troupes des États-Unis d’opérer sur les îles, probablement par le biais d’un site d’opération avancé (FOL).
Le contrôle d’une telle enclave ouvre un cadre de possibilités pour les intérêts américains dans l’Indo-Pacifique, où les États-Unis seraient en mesure d’établir un polygone de sécurité aux côtés de l’Australie (également membre d’AUKUS), de l’Inde et du Japon.
5. Poursuite du néolibéralisme armé
Les effets pernicieux de la militarisation se voient dans les agressions de la population et les graves violations des droits de l’homme. Un cas de crime d’État qui se distingue est la disparition forcée et l’assassinat de quatre mineurs, en décembre 2024, dans le secteur Las Malvinas de Guayaquil. Leurs corps ont été retrouvés près de la base aérienne de Taura, à 40 km du lieu de détention. Avec de semblables inquiétudes, on peut parler de réaction violente du Gouvernement face aux revendications sociales qui ont provoqué la mort d’au moins 20 manifestants, en particulier en 2019 et 2022.
Devenu un angle clé du polygone de sécurité dans la stratégie d’affrontement avec la Chine, est ouvert à renforcer l’ordre du jour de ce qu’on appelle la guerre contre les drogues pour justifier l’interventionnisme des États-Unis, l’équateur et plus qu’un centre géographique du monde, c’est le foyer géopolitique. Aussi bien le gouvernement que le secteur privé des États-Unis que les élites de collaboration périphérique cherchent à conserver le contrôle de ce pays, qui a actuellement une plus grande appréciation de ses intérêts stratégiques face au changement politique que connaît la Colombie. Daniel Noboa, malgré la fraude dénoncée par Luisa González et la Révolution citoyenne lors des élections du 13 avril, restera l’un des quatre fous du Trumpérialisme 2.0 en Amérique latine et dans les Caraïbes aux côtés de Javier Milei, Santiago Peña et Nayib Bukele.
Source en espagnol :
http://www.cubadebate.cu/especiales/2025/04/15/el-plan-ecuador-el-intervencionismo-estadounidense-renace-como-el-fenix/
URL de cet article :
https://bolivarinfos.over-blog.com/2025/04/equateur-l-interventionnisme-etasunien-renait-comme-le-phoenix.html
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
[1] La titrisation (securitization en anglais) est une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des actifs financiers tels que des créances (par exemple des factures émises non soldées, ou des prêts en cours), en les transformant, par le passage à travers une structure ad hoc, en titres financiers émis sur le marché des capitaux.
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Titrisation)