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Pourquoi soutenir la Russie ? Sans adhérer au discours des “valeurs traditionnelles” !

jeudi 9 novembre 2023 par Gilles Questiaux

Cet article ne reflète pas le point de vue de l’ANC, mais celui de son auteur. Nous le publions car ce point de vue existe et il est ici argumenté.

Certains se demandent pourquoi il faudrait soutenir la Russie plutôt que l’Ukraine, ou s’il ne faudrait pas endosser une position complètement neutre dans ce conflit qui opposerait deux nationalismes d’égale nocivité.

On remarquera que cette dernière position implique au minimum de s’opposer aux livraisons d’armes à l’Ukraine qui prolongent inutilement un conflit dont l’issue militaire en faveur de la Russie ne fait guère de doute, au moins pour ceux qui ne sont pas sous l’influence des médias mainstream. Et c’est triste à dire mais fort peu de ces militants de gauche qui renvoient les deux camps dos à dos atteignent ce minimum requis.

Pour les communistes, soutenir la Russie signifie aussi avaler les couleuvres que nous sert Vladimir Poutine qui ne rate pas une occasion pour manifester son aversion pour Lénine. Avec une grande ingratitude, même de son point de vue, car on peut dire que c’est grâce aux bolcheviks que l’Ukraine et la Russie sont restées liées pendant le XXème siècle, les forces séparatistes organisées de l’extérieur ayant déjà réussi pratiquement à détacher le premier pays du soi-disant monde russe dès 1919.

A propos de « monde russe », ce concept de l’intellectuel réactionnaire russe Douguine (dont la fille a été assassinée par les services ukrainiens en août 2022) n’est qu’une tentative de récupérer le patriotisme soviétique qui reste puissant dans l’ensemble de l’ancienne Union, comme le fait de récupérer le drapeau rouge comme « drapeau de la victoire » apolitique.

On peut soutenir la Russie dans la guerre d’Ukraine, sans pour autant souscrire aux discours idéologiques que la Russie a produit pour justifier cette guerre, production inutile en ce qui nous concerne puisqu’elle est déjà amplement justifiée par les provocations répétées de l’OTAN et du régime nazifié de Kiev et par les intérêts nationaux vitaux de la Russie qui doit faire face à un projet officiel de démembrement.

Il semble bien que l’objectif à long terme de la stratégie occidentale unifiée (Occident : triade monde anglo-saxon, Europe, Japon) soit de démanteler ou de dissoudre tout ensemble géopolitique susceptible d’agir de manière autonome et de contester tout ou partie de son hégémonie, donc tous les grands États à commencer par la Chine et la Russie, comme Israël l’a fait fait à son échelle longtemps avec succès en semant le chaos dans le monde arabe et musulman depuis 75 ans.

L’Empire occidental est objectivement menacé par le développement économique, social, et scientifique du Sud et cherche à conserver son hégémonie en le dissociant en entités les plus petites et les plus faibles possibles, les plus manipulables et influençables possibles, comme il a balkanisé l’Afrique au moment des indépendances vers 1960.

Il cherche aussi à le conquérir de l’intérieur en modelant ses élites. La seule chose qui l’en a empêché jusqu’à présent, c’est le profond racisme suprématiste inconscient de ses classes dirigeantes qui perce à travers leur langage moralisateur et hypocrite : les bourgeoisies du Sud et de l’Est qui ne demandaient pas mieux que de s’intégrer et de participer à la fête du meilleur des monde du libéralisme technologique sont été renvoyées dans leurs buts sans ménagement, en général en invoquant à contre-sens l’écologie, les droits de l’homme, de la femme, et des minorités sexuelles.

L’Occident du dernier stade de l’impérialisme a développé une économie parasitaire néocoloniale, en externalisant la production industrielle et la classe ouvrière avec elle. Vouloir favoriser sa domination mondiale parce que l’on croit qu’il recèle le nec plus ultra de la modernité et de la liberté des individus, dans l’espoir chimérique qu’il en sortira un dépassement du capitalisme, c’est être en retard d’une ou plusieurs révolutions.
L’Occident n’a pas d’autre avenir que le déclassement.

Les Russes, quoiqu’on pense par ailleurs de leur gouvernement, ont donc raison de vouloir mettre fin au régime de Kiev issu du coup d’État du Maidan, en 2014, qui est une sorte de « ISIS » européen à double face, bâtard de postmodernisme ultralibéral terroriste et mafieux et de nazisme assumé. Leur guerre est une guerre défensive contre un adversaire qui a foulé aux pieds tous les principes du droit et de la diplomatie, ainsi que les plus élémentaires décence et moralité et qui est très adéquatement représenté par son clown-président.

La Russie oligarchique n’est en rien équivalente moralement à son adversaire de ce point de vue, lequel est tombé dans le caniveau depuis longtemps, depuis les massacres perpétrés à Odessa et dans le Donbass en 2014 avec les encouragements et la complicité passive des médias de masse occidentaux.

Mais au niveau idéologique, les élites russes tentent de présenter leur combat non seulement pour ce qu’il est c’est à dire un combat existentiel patriotique comme beaucoup ont été menés dans le passé - et le plus souvent perdus- contre le rouleau compresseur de l’Occident néo-colonial, mais comme une croisade planétaire contre un mal « globaliste » envisagé d’une manière mystique déraisonnable.
Ce faisant elles singent la logique simpliste de la propagande occidentale en tentant simplement d’en inverser la direction, et récupèrent la théorie ad hoc de Samuel Huntington, dite du « choc des civilisations » (comme s’il y avait plusieurs civilisations actuellement sur la planète alors que c’est à peine s’il y en a une !).

Ces élites dont Poutine, Lavrov, Zakharova, Medvedev, Kadyrov, sont des représentants intelligents (on ne peut pas en dire autant des nôtres !) sont embarrassées du fait que l’amour ou la haine de la Russie qui sont fort répandues toutes les deux dans le monde n’ont qu’une seule et même cause : le souvenir encore brûlant de la grande Révolution d’Octobre.

La Russie risque bien de reperdre rapidement tout ce que les sacrifices qu’elle consent de faire aujourd’hui sur le champ de bataille lui apporteront si elle persiste à renier le point central de son histoire, qui est l’événement le plus important de l’histoire de l’humanité du dernier millénaire, et qui est la seule cause qui puisse mobiliser en sa faveur les masses, à l’intérieur et dans le monde. et il est de plus en plus évident qu’au-delà de l’épisode de la guerre en Ukraine, qu’elle ne gagnera pas la confrontation globale avec l’Empire occidental – sur l’échelle de temps de la décennie à venir – sans l’intervention des masses.

Il faut aussi noter que le principal allié de la Russie, la Chine, ne montre aucun enthousiasme particulier pour la défense des « valeurs traditionnelles » invoquées contre la décadence de l’Occident. L’affirmation du caractère socialiste de plus en plus explicite de ce pays montre la voie à suivre dans la confrontation contre l’Empire en phase terminale.

La Russie doit gagner pour l’intérêt des peuples qui luttent contre l’impérialisme et pour l’intérêt des classes ouvrières du monde mais ces dernières ne le savent pas. Elle vivent en effet dans le monde imaginaire du spectacle occidental, dans l’univers lénifiant ou pervers des Disney, des Stefen King, etc.
Ce n’est pas en inventant un récit du même tonneau qui présente la Russie comme le paladin de valeurs traditionnelles dont les masses mondiales confrontées à la réalité matérielle des crises à répétition se fichent éperdument qu’on va déchirer le voile de quatre générations de propagande de guerre froide qui ont diabolisé ce grand pays.

Le combat de la Russie n’est pas une croisade du « Bien « contre le « Mal » où on aurait simplement inversé les protagonistes habituels, c’est un combat pour le retour au réel.
C’est un combat contre le monde de la post-vérité.
C’est un combat, que ça plaise ou non à ceux qui l’ont déclenché à contre-cœur, parce qu’ils y ont été acculés par l’impérialisme, un combat contre le capitalisme à son stade ultime de décomposition.

PS Les déboires du gouvernement russe avec l’organisation Wagner montrent bien l’insuffisance de la stratégie politique en cours à Moscou – qui n’a aucun plan clair pour l’après-guerre en Ukraine. Quand on veut faire la guerre à moitié, c’est qu’on préfère à la victoire la préservation de l’ordre social.

   

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