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« Les Occidentaux sacrifieront-ils l’Arménie ? »

mardi 26 septembre 2023 par Renaud Girard

Les Arméniens du Haut-Karabakh n’avaient pour eux que le vieux principe wilsonien du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », principe à géométrie variable invoqué par les Occidentaux en fonction seule de leurs intérêts du moment.

Après avoir coupé de tout ravitaillement pendant neuf mois l’enclave arménienne du Haut-Karabakh (120.000 habitants), les forces azerbaïdjanaises sont passées à l’attaque le 18 septembre 2023. Après avoir fait plus de 200 morts, l’Azerbaïdjan a obtenu la reddition de la petite armée arménienne locale.

Ce recours à la force constitue une violation des accords de cessez-le-feu tripartites du 10 novembre 2020, signés par les leaders de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie et de la Russie. Mais ni l’Arménie (dont l’armée fut battue par l’Azerbaïdjan à l’automne 2020), ni la Russie (protectrice historique des Arméniens dans le Caucase) ne sont intervenues militairement pour sauver le Haut-Karabakh.
Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a estimé que pour sauver l’Arménie il n’avait pas d’autre choix que de sacrifier l’enclave sœur. Quant à Poutine, il a cyniquement privilégié le maintien de ses bonnes relations avec l’Azerbaïdjan et la Turquie, infiniment plus puissants dans le Caucase que la pauvre Arménie.

Les habitants de l’enclave montagneuse fuient en masse vers l’Arménie voisine. Ils estiment que la perte de leur autonomie politique les conduira fatalement aux persécutions, sinon aux pogroms. Voici comment un territoire, qui était chrétien depuis le Ve siècle, va être effacé de la carte de la chrétienté, dans l’indifférence ou les larmes de crocodile des Occidentaux.
Une enquête de la BBC a montré qu’une église située dans la portion du Haut-Karabakh prise par l’Azerbaïdjan à l’automne 2020 a été totalement rasée. La stratégie du gouvernement de Bakou est en effet d’effacer toute trace ancienne de présence arménienne dans les territoires qu’il reprend par la force.

On aurait pu espérer que le président Aliyev se montrât magnanime après son éclatante victoire de 2020. En politique internationale, c’est quand on est fort qu’on doit faire des concessions. Mais, au lieu de tendre la main aux Arméniens affaiblis, il a préféré la logique de la vengeance et de l’humiliation.

Ce conflit est très inégal. L’Arménie est un pays pauvre et enclavé de 2,5 millions d’habitants. L’Azerbaïdjan est quatre fois plus peuplé et dix fois plus riche grâce à son pétrole et à son gaz. Il jouit du soutien militaire et politique des Turcs (85 millions d’habitants) et d’une amitié ancienne avec les Israéliens, qui disposent sur son territoire de bases d’observation surplombant l’Iran. Il a le droit international pour lui, dans la mesure où le Haut-Karabakh faisait partie de son territoire durant la période soviétique.
À l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, les frontières des républiques qui la constituaient n’ont pas été modifiées.

Les Arméniens du Haut-Karabakh n’avaient pour eux que le vieux principe wilsonien du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». C’est un principe à géométrie variable, invoqué par les Occidentaux en fonction seule de leurs intérêts du moment, comme lors de leur guerre de 1999 à la Serbie, pour aider les sécessionnistes kosovars.

Il est à craindre qu’au nom du pantouranisme, les Azerbaïdjanais et les Turcs cherchent prochainement à aller plus loin. Ils lorgnent en effet le Siunik, cette région montagneuse du sud de l’Arménie, limitrophe de l’Iran. Car ils veulent relier directement, par un corridor terrestre, la Turquie, le Nakhitchevan (enclave occidentale de l’Azerbaïdjan, jadis peuplée à moitié d’Arméniens), l’Azerbaïdjan et les anciennes républiques soviétiques turcophones d’Asie centrale.

Si demain, l’intégrité territoriale de l’Arménie était attaquée par l’Azerbaïdjan et la Turquie (qui n’a toujours pas reconnu le génocide arménien de 1915), comment réagiraient les Occidentaux ?
Laisseraient-ils faire, comme ils ont laissé la Turquie s’emparer du nord de l’île de Chypre à l’été 1974 ?
Appliqueraient-ils aux éventuels agresseurs les mêmes sanctions qu’aux Russes agresseurs de l’Ukraine ?
Livreraient-ils les mêmes armes modernes à l’Arménie qu’à l’Ukraine ?

L’indifférence des Occidentaux au sort des chrétiens d’Orient est hélas un sentiment ancien. Il s’apparente à un reniement de soi-même, mais il perdure. En 1975, la France et l’Amérique ont laissé tomber les chrétiens du Liban, qui étaient agressés par les Palestiniens.

En 2003, le très chrétien président Bush décida d’envahir l’Irak, au nom de la défense des droits de l’homme. Ce n’est pas la démocratie mais le chaos qui s’installa, poussant à l’exil les quatre cinquièmes d’une des plus anciennes communautés chrétiennes d’Orient.

Plongés dans leur idéologie consumériste, oubliant leur histoire, les Occidentaux ne se voient plus guère en chrétiens. Mais c’est comme ça que les voient leurs ennemis, qui se réjouissent à chaque fois que disparaît de la carte une vieille terre chrétienne.


Voir en ligne : https://www.lefigaro.fr/vox/monde/r...


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