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LE DANGER D’EXTRÉME DROITE EST BIEN RÉEL

mercredi 7 juin 2023 par Francis Arzalier

Le printemps 2023 restera dans les mémoires comme l’un des plus forts affrontements de classes de l’histoire de France, opposant à propos du projet de recul du départ en retraite la majorité des travailleurs toutes catégories et leurs organisations syndicales au pouvoir d’État macronien, monarchie dont les discours creux cachent mal les aspirations autoritaires, incarnation d’une bourgeoisie d’actionnaires, gonflée de suffisance derrière ses profits mondialisés alors que la Nation dont elle se prétend l’élite s’effondre chaque jour un peu plus dans la destruction des services publics, les inégalités et le désespoir social de millions d’hommes et de femmes.
Ce mouvement populaire a déployé dans les rues des millions de manifestants, contre la « réforme » macronienne et sa promulgation malgré les citoyens et même sans l’approbation d’une Assemblée qui, pourtant, ne les représentait guère. À l’issue de palinodies qui auront au moins eu le mérite de convaincre enfin la majorité des Français de la nocivité rédhibitoire de la Constitution Gaulliste de la Cinquiéme République, ce carcan anti-démocratique. En ce sens, même si le recul aux 64 ans est toujours là, le bilan des deux mois de luttes populaires n’est pas nul. Mais est-il pour autant une victoire politique du prolétariat, une avancée vers cet État de démocratie politique, d’égalité sociale, de libertés publiques et d’indépendance nationale que nous appelons pour notre part Socialisme ?
N’en déplaise aux affirmations des propagandistes libéraux peuplant nos médias, le mouvement populaire contre les retraites n’a jamais prôné la violence civile, même si le mépris buté de Macron et les siens peut expliquer l’exaspération impuissante de certains militants. Mais nous savons depuis longtemps que les gestes de colère, filmés et amplifiés jusqu’au délire par les télévisions en commande, ont toujours été un argument de choix pour les pouvoirs réactionnaires.

Premier bilan de plusieurs mois de luttes

On ne peut espérer arracher des avancées politiques et sociales majeures qu’en analysant avec lucidité les conditions de la lutte aujourd’hui en France.
1/ Le massif mouvement populaire contre le recul de l’âge de retraite, s’il reflétant une colère majoritaire, était nourri aussi par bien d’autres sujets de mécontentement, tous liés aux choix macroniens de destruction des conquêtes sociales et politiques. Malgré les millions de manifestants, le retrait exigé de recul d’âge de la retraite reste un objectif à atteindre.
Reconnaissons d’emblée que seule une grève générale et reconductible, capable de bloquer l’économie du pays et des profits qu’en tire le Capital, aurait pu contraindre le Président, sa Cour, et les tenants du CAC 40 qui l’ont choisi, à retirer cette « réforme » néfaste. Or, la vague de grèves n’a pu que se limiter à une minorité ouvrière courageuse, des dépôts pétroliers et des transports notamment. Elle ne pouvait guère aller au-delà, quand la majorité des salariés ne parvient qu’avec peine à régler ses achats alimentaires quotidiens : les périodes de hausse des prix n’ont jamais été favorables aux grèves, qui coûtent cher aux salariés. D’autant que la classe ouvrière industrielle démantelée par les délocalisations n’est plus ce qu’elle était encore en 1968, date à laquelle on disait encore à juste titre « quand Renault-Billancourt tousse, la France s’enrhume ! ».
À la destruction délibérée des grandes concentrations ouvrières, se sont ajoutés le morcellement des chaînes de production des biens et des services, la précarité des statuts salariaux et la rupture des contacts et des solidarités sur les lieux de travail grâce au télétravail.
2/ Ce mouvement social, un des plus forts depuis des décennies, n’avait pas d’issue politique positive possible, pour plusieurs raisons.
La prégnance des idéologies libérales, la pression en ce sens des médias écrits et audiovisuels sur l’opinion, sont telles que les organisations critiques du Capitalisme sont très affaiblies : le PCF en crise interne permanente, camouflée en verbiage optimiste, est toujours asservi à la démagogie électoraliste (Roussel dit par exemple « comprendre les volontés populaires de sécurité et de contrôle des migrations » tout en oubliant leur besoin de paix).
Le PS et les Verts sont convertis entièrement aux dogmes libéraux. Ainsi Sandrine Rousseau qui rompt avec deux siècles de luttes ouvrières, en prétendant que le travail productif est « une valeur de Droite ». Et la France Insoumise préfère trop souvent les clashs médiatiques incohérents et la guerre des chefs à l’analyse politique et sociale rationnelle et de classe.
De ce fait, l’ensemble des partis « de Gauche » atteint péniblement dans les sondages le quart de l’électorat français, score historiquement bas.
Les mois écoulés ont démontré l’impossibilité de majorités parlementaires claires dans le Parlement actuel. Et d’éventuelles élections législatives après dissolution, ou présidentielles après démission du Monarque, ne laissent pas présager une majorité plus claire. Seule certitude annoncée dans ces cas de figure, un progrès important de l’extrême-droite RN, et la persistance d’une abstention massive, sinon majoritaire.
3/ Quelques-uns parmi nous, confondant leurs désirs et la réalité, ont clamé à tous vents que 2023 renouvelait 1789, voire 1793 ou 1871.C’est croire naïvement que la colère est en elle-même révolutionnaire, ce qui n’a jamais été le cas dans l’histoire. Le ressentiment contre les désastres de la guerre dans la Russie de 1917 n’aurait pas accouché des Révolutions de février, puis d’octobre, sans les militants socialistes, et notamment les Bolcheviks sous la direction de Lénine. Et le mécontentent fiscal et frumentaire de 1789 ne serait jamais devenu révolution politique majeure sans les jeunes tribuns cultivés du Palais Royal, de Grenoble ou de Rennes, capables d’inventer un monde nouveau, notamment par la force organisatrice des « Clubs » (Feuillants, Jacobins, Cordeliers, etc ) première forme de partis politiques démocratiques.
Plus rien de tel en 2023 en France…

Les dangers d’extrême-droite en France en 2023

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Jusqu’à présent, Macron et ses séides se faisaient élire grâce à la peur de Marine Le Pen,
et nous avons à juste titre dénoncé cette escroquerie politique. Mais aujourd’hui, le leurre fabriqué du grand méchant RN est devenu un avenir électoral plausible, qu’annoncent tous les instituts de sondage, tant la cote présidentielle est en berne et les diverses mouvances de « Gauche » affaiblies.
Tous les observateurs sérieux font la même analyse : Depuis des mois, le RN de Marine Le Pen et Jordan Bardella, fidèles à leur stratégie de « dé-diabolisation », sont étonnamment mesurés, dans le discours et l’attitude, à l’Assemblée et sur les ondes, laissant les outrances brutales à leur compère Zemmour, démentant à tout propos être d’extrême-droite, posant en « Démocrates » étrangers à toute violence. Ce qui convient d’autant mieux en ces temps de colère sociale que cela leur permet de jouer les opposants irréductibles mais pacifiques du Pouvoir d’Etat, tout en restant silencieux sur les diverses régressions sociales en cours, notamment les retraites, la Sécurité sociale, les salaires, etc.
Sachons voir aussi que ce souffle malsain d’autoritarisme et de xénophobie, sur fond de discrédit de la soi-disant « démocratie parlementaire ou présidentielle », fort peu démocratique, balaie toute l’Europe, de l’Italie de Méloni à la Finlande des « Vrais Finlandais », et même le monde entier, du Trumpisme US aux Hindouistes de l’Indien Modi. D’ailleurs, le pouvoir français actuel, aux prises avec son discrédit politique, n’hésite pas à recourir de plus en plus à de fortes répressions contre les manifestants (des centaines de gardes à vue sans preuves), et à un véritable discours de guerre civile, Macron traite ainsi Mélenchon de « factieux » pour avoir dénoncé pour la énièmes fois la « monarchie républicaine » et une démagogie indécente contre les migrants. Le Président pousse même l’incohérence jusqu’à gourmander sèchement sa Première Ministre Borne, qui s’était crue autorisée à dénoncer l’héritage vichyste du RN. Et le ministre Darmanin n’a pas hésité à reprocher à Méloni sa complaisance pour les « passeurs de frontières » depuis l’Italie, juste après avoir ordonné la destruction des campements de réfugiés à Mayotte, qui a indigné jusqu’au tribunal administratif !
Incohérences, certes, mais il devient de plus en plus évident que, Macroniens et RN, farouches opposants affichés, sont idéologiquement de plus en plus proches quand ils en ressentent le besoin électoral, et le projet en préparation sur l’immigration peut nous révéler de surprenantes accointances.
La dernière illustration de l’hypocrisie politique du RN s’est dévoilée au Havre le Premier Mai 2023.
Abandonnant sa traditionnelle fête parisienne de Jeanne d’Arc, vieil héritage du Nationalisme anti-anglais des Ligues françaises du XXème siècle, repris par le Pétainisme de 39-44 et le Front National des années 1960-80, trop connotée de nostalgies fascistes, l’équipe Marine-Bardella a rassemblé quelques milliers de militants dans cette ancienne ville ouvrière, tombée, grâce à la désindustrialisation, dans l’escarcelle de la Droite conservatrice. Oubliant les diatribes ouvertement racistes du Père fondateur, Marine a présidé un sage meeting électoral, engrangeant les colères sans distinction contre le Monarque Macron, avec l’objectif affirmé d’accéder au pouvoir les prochaines années par les scrutins législatifs et présidentiels.
Un parti comme les autres, vous dis-je. Voire…
Car si le programme économique affiché reste vague, délibérément, pour capitaliser tous les mécontentements, y compris ceux des prolétaires dépolitisés par les médias, il suffit de connaître un peu l’histoire de France et d’Europe au 20éme siècle pour repérer quelques marqueurs indélébiles : le RN nouvelle mouture ne fête plus la Pucelle brûlée par les concurrents coloniaux d’outre-Manche, ne se dit même plus nationaliste comme les nostalgiques avoués du IIIème Reich en Ukraine, mais ils organisent pour le Premier Mai « la Fête de la Nation et du Travail ». Faut-il rappeler que le Premier Mai, fondé à la fin du 19éme siècle en souvenir des grévistes assassinés à Chicago, a été proclamé dès le départ par Socialistes et syndicalistes « Fête des luttes des travailleurs pour leurs revendications ». Ce sont les Nazis allemands en 1933, puis les Pétainistes français de 1940, qui, par souci de récupération, l’ont qualifié de « Fête du Travail » devant, selon eux, réconcilier dans le culte de la Nation, salariés exploités et patronat exploiteur. Lourd héritage repris par le RN, qui dénonce Macron, mais a toujours considéré les syndicats ouvriers de classe comme ennemis à détruire. Même s’ils évitent soigneusement les outrances verbales dans leur démarche électorale, les idéologues du RN savent bien que l’essentiel de leur audience vient du racisme anti-immigrés camouflé sous les concepts de « priorité nationale « , de « migrations incontrôlées », et de « renforcement de la sécurité » pour cacher des mesures d’encadrement autoritaires contre l’ensemble de la population laborieuse
Par ailleurs, ne nous leurrons pas : la faiblesse des réactions populaires dans la France actuelle face à la marche à la guerre mondiale organisée par l’Impérialisme aggrave encore le danger d’accès par les urnes au pouvoir d’État. On a aujourd’hui l’impression d’une ankylose, d’une inertie de l’opinion dépolitisée, parce que dégoûtée par les politiciens professionnels, face à tous les périls qui s’accumulent, alors que l’apocalypse guerrière est à nos portes. Le sinistre Pétain disait que « les Français avaient la mémoire courte » : En effet, c’est en 1940 la guerre et la défaite qui ont créé les conditions de l’avilissement de la majorité des citoyens (et députés) en faveur des homélies de repentance du Maréchal, ce qui a permis l’arrivée au pouvoir de l’Extrême-droite (« la divine surprise »), alors que la majorité avait quatre ans auparavant voté pour le Front Populaire.
Aujourd’hui, se profile la même menace inattendue, sur fond de dépolitisation, d’individualisme libéral, de destruction des forces de Gauche anticapitaliste et anti-impérialistes.
La Droite xénophobe s’exprime de plus en plus fort, en France et dans les pays voisins, Italie ou Espagne, et les Macroniens, tout en faisant semblant de la combattre, la nourrissent en démantelant les conquêtes sociales et en multipliant les mesures autoritaires et régressives (la xénophobie Darmanin contre les camps de migrants vaut bien celle du RN !).
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La vague belliciste et individualiste qui menace de nous submerger va-t-elle accoucher d’une accession au pouvoir d’état par les urnes d’une nouvelle extrême-droite, d’une nouvelle « divine surprise », comme en 1940 ?
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Disons-le clairement : toute accession au pouvoir du rn ( et ses comparses ) héritiers camouflés des fascismes français d’autrefois, serait une catastrophe historique pour le prolétariat et la nation française.
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Comment prévenir le désastre ?

Rien ne justifierait de la part de membres de notre mouvance anticapitaliste et anti-impérialiste la moindre complaisance, ou alliance organisée, à l’égard de ce risque majeur, comme cela s’est produit chez quelques-uns lors des dernières présidentielles ( c’est toujours le cas des Clubs Penser la France, organisation qui se proclame pourtant « gaullo-communiste » ! ).
il nous incombe à l’inverse de tout faire pour dénoncer cette marche à l’abîme.
Encore faut-il pour cela réunir quelques conditions qui ne le sont pas aujourd’hui :
1/ travailler à reconstruire un parti des Communistes de France, qui accepte leur diversité, tout en organisant une unité militante, assurée par les principes fondamentaux du marxisme, et le fonctionnement démocratique, en éradiquant les dérives bureaucratiques et carriéristes, et la personnalisation du leadership, qui ont amené le PCF à ne plus remplir sa mission de porte-parole des intérêts prolétariens, et la dispersion actuelle des Communistes en groupes différents, et donc peu influents au-delà d’un tissu militant malgré leur dévouement quotidien. Cette Reconstruction nécessaire d’un Parti rassemblé et régénéré des Communistes de France sera le résultat d’un travail unitaire patient, dont on ne peut fixer aujourd’hui les échéances. En tout cas, il découlera plus de nos actions unitaires concrètes pour la paix, le progrès social et la démocratie que de controverses théoriques.
2/ en attendant cette renaissance, l’ANC doit renforcer son influence et son rôle essentiel, en poursuivant ses spécificités originelles :
Association des Communistes de France, l’ANC respecte leur diversité d’approche et s’efforce démocratiquement de fixer ses orientations militantes en fonction des principes marxistes essentiels, anticapitalistes et anti-impérialistes, en dehors de tout compromis électoraliste, et des choix de ses adhérents.
Organisation politique aux termes même de ses statuts, l’ANC est riche des liens de ses militants avec le syndicalisme de classe. Mais elle sait bien que le combat syndical ne suffit pas, et se fixe pour objectif de société une France socialiste, démocratique et pacifique, structurée par les services publics et libre de ses choix nationaux industriels, commerciaux et sociaux.

Dans la France d’aujourd’hui, le refus de participer aux élections sous prétexte qu’il n’y a pas de candidats représentant parfaitement nos idées, serait le meilleur moyen de faire accéder Marine Le Pen au pouvoir par les urnes lors des prochains scrutins.

3/ Les Communistes doivent individuellement contribuer à la reconstruction des organisations de gauche dont ils sont adhérents, syndicats et associations, en y répandant, par l’analyse et par l’exemple, les idéaux de lutte pour la paix, l’égalité sociale et la démocratie, et en concourant à les débarrasser des dérives carriéristes et opportunistes qui les ont souvent contaminées.
Tout autre est le contexte dans les divers partis de Gauche, dont l’orientation relève démocratiquement de leurs seuls adhérents. Mais le discours des militants communistes fidèles à leurs engagements militants, s’il a convaincu largement les classes populaires, pèsera toutefois pour ramener ces partis vers les choix anticapitalistes, anti-extrême-droite, et anti-impérialistes qui furent les leurs en 1936 ou 44. Les partis de Gauche, FI, PS et Verts, peuvent ainsi retrouver leurs racines de 1789-93, et se débarrasser pour cela de leurs dérives libérales, « Wokistes »,ou bellicistes : les militants socialistes de 1936 défilaient eux aussi en chantant ce couplet de l’Internationale : » Il n’y a pas de Sauveur suprême, ….ni César, ni Tribun, Producteurs, sauvons nous nous-mêmes ».
4/ Cela seul permettrait ce « nouveau Front Populaire », qui pourrait alors se nouer, au-delà d’un accord électoral, sur un programme dont l’objectif à terme ne pourrait être qu’une France socialiste, structurée par le Service Public, au service des citoyens et contrôlé par eux, en matière de transports, d’énergies, de santé, de médias convertis au pluralisme, etc. C’est dans ce cadre que pourraient être planifiées une reconstruction industrielle nationale, l’adaptation nécessaire de l’agriculture et du tissu urbain aux mutations climatiques, etc
5/ Des objectifs qui ne pourraient s’envisager sérieusement sans un processus de rupture avec les carcans supranationaux qui organisent la sujétion à l’Impérialisme, Union Européenne, OTAN, Alliance Atlantique...Mais aussi grâce à la mise en cause préalable devant les citoyens français de ce carcan idéologique national qu’est devenu l’appareil médiatique, qui a perdu tout contenu de service public, et de pluralisme, pour devenir une arme belliciste au profit de l’OTAN.

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SERONS NOUS CAPABLES D’ENGAGER DÉS AUJOURDHUI LES LUTTES UNITAIRES POUR CES MUTATIONS RÉVOLUTIONNAIRES ?

Francis ARZALIER, 2 juin 2023

   

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