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Propageons la colère italienne pour Gaza !

jeudi 25 septembre 2025 par Bettbeat Media

Plus d’un million de marches pacifiques ne sauraient réaliser ce que nous sommes sur le point d’accomplir : briser les chaînes de “l’impuissance acquise”, voilà ce que redoutent nos élites dirigeantes.

L’Italie a compris la vérité essentielle : les marches pacifiques sont encouragées dans un cadre acceptable parce qu’elles n’aboutissent à rien.

Ce à quoi nous assistons à Gaza n’est pas seulement l’extermination d’un peuple. C’est une expérience de laboratoire sur le conditionnement psychologique de masse, un avant-goût de la manière dont les élites dirigeantes asserviront les populations du monde entier lorsque leur heure sera venue.

La classe dirigeante sait ce que beaucoup d’entre nous refusent de reconnaître : Gaza n’est pas qu’une aberration, c’est un avant-goût. Les mêmes pouvoirs qui font pleuvoir la mort sur les enfants palestiniens aujourd’hui se retourneront contre toute population représentant une menace pour leur pouvoir à l’avenir.
Le silence des gouvernements, la complicité des institutions et la neutralité prudente de ceux qui se targuent de clarté morale servent un objectif qui dépasse la Palestine. Il instaure les paramètres de la souffrance acceptable.

La doctrine de l’escalade

Comme l’explique la militante et écrivaine Susan Abulhawa, ce processus suit un scénario prévisible, affiné au fil de décennies de mise en œuvre. Tout d’abord, commettre une atrocité qui heurte les consciences. Laisser se propager l’indignation. Laisser des millions de personnes défiler dans les rues et leur faire croire que leur voix compte. Puis, passer la vitesse supérieure. Commettre une atrocité pire encore, afin que la précédente passe pour modérée en comparaison. Voir les protestations s’estomper, les gens se replier sur leur angoisse intérieure et s’installer le sentiment d’impuissance.

Nous l’avons vu en Irak, où des millions de personnes sont descendues dans la rue pour s’opposer à une guerre illégale. La machine de guerre les a ignorées et a poursuivi son œuvre. Puis ce fut le tour de la Libye, de la Syrie et du Yémen, chaque intervention étant plus décomplexée que la précédente et rencontrant une résistance de moins en moins forte. Lorsque le tour de Gaza est venu, le conditionnement était complet. Le monde avait appris sa leçon : rien de ce que vous ferez ne les arrêtera.

Cela n’a rien d’un pur hasard, mais relève d’un projet délibéré. Les principes psychologiques qui sous-tendent cette campagne ont été étudiés, testés et perfectionnés en laboratoire. Le concept d’“impuissance acquise” est issu d’expériences psychologiques cruelles au cours desquelles des animaux ont été soumis à des chocs électriques inévitables jusqu’à ce qu’ils cessent de chercher à s’échapper, même lorsque c’était possible. Le syndrome de la grenouille en ébullition, qui consiste à augmenter progressivement la température jusqu’à ce que la victime ne détecte plus le danger, est devenu un procédé politique.

La technologie de l’asservissement, un aperçu de l’avenir ?

L’aspect le plus inquiétant actuellement est l’amplification de ces techniques de contrôle ancestrales par la technologie. L’intelligence artificielle ne se contente pas de guider les missiles qui détruisent des immeubles d’habitation à Gaza. Elle façonne également les algorithmes responsables de la diffusion des informations sur nos écrans, de la popularité de tel ou tel récit, et de l’amplification ou du silence imposé à certaines voix.

Le même dispositif de surveillance qui suit les moindres faits et gestes des Palestiniens en Cisjordanie est exporté dans le monde entier. Les systèmes de reconnaissance faciale, les algorithmes de police prédictive, les scores de crédit social : tous ont d’abord été testés sur une population prise en otage dont le monde a accepté de nier l’humanité.

Quand Abulhawa parle de Gaza comme d’une “fenêtre sur l’avenir”, elle ne se livre pas à une métaphore. Les techniques de contrôle de la population développées dans cette région — la destruction d’hôpitaux et d’écoles, le ciblage de journalistes et de travailleurs humanitaires, la famine délibérée d’enfants — seront utilisées contre toute population osant défier les systèmes qui enrichissent une minorité au détriment de la majorité.

“Nous réfrénons notre colère légitime, nous modérons notre résistance, nous surveillons notre propre langage — tout cela par scrupule moral face à des meurtriers psychopathes et des violeurs pédophiles qui ne ressentent eux-mêmes aucune contrainte de ce genre”.

Comment les psychopathes conditionnent notre jugement moral

L’aspect le plus insidieux de ce conditionnement est la façon dont il convertit les victimes en complices. Lorsque nous contrôlons notre propre langage au sujet du génocide, lorsque nous modérons notre colère devant des enfants brûlés vifs, lorsque nous acceptons l’idée que la résistance à l’anéantissement s’apparente à du “terrorisme”, nous devenons les artisans de notre propre asservissement.

Exiger “la civilité” face à l’extermination n’est pas une question d’étiquette, mais de guerre psychologique. Elle conditionne les populations à accepter l’inacceptable, à normaliser l’anormal et à trouver des explications raisonnables à l’inexplicable. Quand on nous dit que notre colère spontanée face à l’injustice est “divisive” ou “vaine”, on nous programme à renoncer à notre humanité.

Et, comble de l’ironie, c’est précisément notre humanité qui devient l’arme de notre asservissement. Nous réprimons notre colère légitime, nous modérons notre résistance et nous surveillons notre propre langage, par souci d’éthique imposé par des meurtriers psychopathes et des violeurs pédophiles qui ne ressentent eux-mêmes aucune contrainte de ce genre. Ils exploitent notre sens moral, notre décence innée et notre réticence à renoncer au discours civilisé, tout en agissant en toute impunité.

Les psychopathes génocidaires dictent les termes de l’indignation acceptable sans se sentir obligés de les respecter. Ils nous dictent ce que nous devons penser, ressentir, quelles émotions sont permises — et nous nous soumettons docilement.

La condamnation du 7 octobre, encore exigée deux ans après le début d’un génocide en cours, révèle le pouvoir de cette police morale. Ceux qui larguent du phosphore blanc sur des camps de réfugiés nous font la morale sur la violence. Ceux qui affament délibérément des enfants exigent que nous respections leurs règles d’engagement. Ceux qui filment leurs propres crimes de guerre nous obligent à modérer notre langage à propos de leurs actions.

Ce n’est pas de l’hypocrisie, mais une stratégie : l’exploitation délibérée de la décence humaine pour paralyser la résistance à l’inhumanité.

“Tout groupe qui menace l’ordre établi se verra soumis à la même déshumanisation, à la même violence et à la même indifférence mondiale que Gaza”.

Un laboratoire mondial

Gaza est un laboratoire à ciel ouvert où l’on teste un nouveau concept de gouvernance : toute population peut y être désignée comme jetable et éliminée en toute impunité, sous le regard impuissant du monde entier. Ce message ne s’adresse pas qu’aux Palestiniens, mais à toutes les populations susceptibles de devenir un jour gênantes pour les intérêts de la classe dirigeante.

Les réfugiés climatiques le découvriront lorsque la montée des eaux et les vagues de chaleur rendront leurs terres inhabitables. Les populations actives le découvriront lorsque l’automatisation rendra leur travail inutile. Les communautés autochtones qui luttent pour protéger leurs terres contre l’exploitation minière y seront confrontées lorsque les profits des entreprises exigeront leur déplacement. Tout groupe menaçant l’ordre établi sera soumis à la même déshumanisation, à la même violence et à la même indifférence mondiale que celles actuellement observées envers les Palestiniens.

Le président colombien l’a compris lorsqu’il a averti que Gaza illustre “ce que les nations riches nous feront subir si nous sortons du rang”. Il ne s’agit pas ici de religion, d’ethnicité ou de haines ancestrales. Il s’agit du pouvoir dévoilant sa véritable nature : sa portée, sa cruauté et son impunité totale.

Briser l’emprise du conditionnement

Pourtant, il est possible de s’en libérer. Les principes psychologiques à l’origine de l’impuissance acquise peuvent être contrés par des forces tout aussi puissantes capables de restaurer l’action et l’espoir. En comprendre le mécanisme est la première étape vers la résistance.

L’effet spectateur, qui consiste à ne pas agir parce que l’on suppose que d’autres le feront, disparaît lorsque quelqu’un brise cette croyance en passant à l’action. La dilution de la responsabilité qui paralyse les foules, peut être brisée par une seule personne prête à agir. L’escalade créant l’impuissance peut être combattue par une contre-escalade montrant les limites du pouvoir.

Cela nécessite d’abandonner les illusions confortables selon lesquelles le système peut être réformé par les voies appropriées, que la justice finira par prévaloir grâce aux institutions existantes ou que la modération et le compromis rétabliront l’équilibre moral. Le système fonctionne exactement comme prévu. Gaza n’est pas un dysfonctionnement, mais bien une caractéristique du système.

Le prix de la lucidité

Avoir une vision claire a un coût. Une fois qu’on réalise que Gaza n’est pas une exception, mais un avant-goût, que la violence infligée aujourd’hui aux enfants palestiniens sera infligée demain à d’autres, et que le silence des institutions révèle leur véritable nature, il est impossible de l’ignorer. Les certitudes confortables qui font supporter la vie quotidienne s’évanouissent.

Mais cette lucidité offre également quelque chose de précieux : la possibilité d’agir de manière significative. Lorsqu’on comprend que sa propre libération est liée à celle des plus vulnérables, que les victimes d’aujourd’hui sont les alliés de demain et que les forces qui détruisent Gaza finiront par s’en prendre à d’autres, la résistance devient non seulement morale, mais impérative.

Cet éveil est déjà en cours. En Italie, les salariés ont lancé une grève nationale pour la Palestine, conscients que la solidarité avec Gaza est une solidarité avec leur propre avenir. La flottille mondiale Sumud, composée de cinquante bateaux, fait route vers les côtes de Gaza, transportant non seulement de l’aide humanitaire, mais aussi un rejet des limites acceptables de l’action. Ce sont des hommes et des femmes qui prennent leur destin en main, agissant au-delà des paramètres fixés par les mêmes institutions qui ont prouvé leur faillite morale.

De telles mobilisations témoignent de la prise de conscience que les mécanismes traditionnels de contestation, tels que le vote, la pétition ou les déclarations soigneusement formulées, ne sont qu’un simulacre destiné à canaliser la dissidence vers un rituel inoffensif. Lorsque l’appareil politique officiel échoue si lourdement, les citoyens créent de nouvelles modalités de résistance qui contournent l’ensemble des mécanismes de contrôle.

Brisons les chaînes de l’impuissance acquise.

Le système repose sur notre isolement, notre désespoir et notre sentiment d’impuissance. Il attend de nous que nous croyions que notre action est vaine, que la résistance est inutile et que le mieux que nous puissions espérer est de garder la tête baissée en espérant que nos enfants ne seront pas ceux que les milliardaires choisiront de violer ou de massacrer.

Gaza nous enseigne le contraire. Dans les tunnels, sous les décombres, de jeunes combattants munis d’armes artisanales affrontent l’alliance militaire la plus puissante de l’histoire et refusent de se rendre. Ils savent ce que le reste du monde a oublié : on meurt, debout ou à genoux, mais on meurt. Et le seul dilemme est de savoir si cette mort revêt un sens.

The Global Sumud Flotilla

Leur résistance ne concerne pas seulement la Palestine. C’est la preuve que la machine de l’oppression, aussi sophistiquée, aussi largement financée et aussi technologiquement avancée soit-elle, peut être remise en cause par des êtres humains qui refusent d’accepter le rôle de victimes qui leur est assigné.

La question n’est pas de savoir si le système actuel peut être réformé ou si la justice finira par prévaloir via les procédures existantes. La question est de savoir si nous parviendrons à nous libérer de notre conditionnement avant que les méthodes perfectionnées à Gaza ne soient utilisées contre nous tous.

L’expérience en laboratoire se poursuit. Les constatations actuelles suggèrent que les populations peuvent être conditionnées à accepter n’importe quel niveau de barbarie, à condition que celle-ci soit introduite progressivement et justifiée par une rhétorique adéquate. Mais les expériences peuvent échouer. Les sujets peuvent se libérer de leur état de soumission.

Pour l’instant, le choix nous appartient encore.

— Karim

Source : https://substack.com/@bettbeat
Traduit par Spirit of Free Speech


Voir en ligne : https://ssofidelis.substack.com/p/p...

   

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