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Aides publiques aux entreprises, imposition des plus riches... Ce que pointe le livre-enquête "Le Grand Détournement"
jeudi 18 septembre 2025 par France Info
Pour une fois que la réalité du capitalisme est dévoilé au public profitons-en !. Une seule solution : la Révolution et faire payer les ultra-riches !(JP)
Selon l’ouvrage de deux journalistes du "Nouvel Obs", les entreprises françaises reçoivent chaque année 270 milliards d’euros d’aide de l’Etat. Un chiffre bien supérieur à toutes les estimations connues jusqu’ici.
C’est l’histoire d’un "hold-up", assènent les auteurs dès l’incipit.
Dans un livre-enquête publié jeudi 11 septembre, deux journalistes du Nouvel Obs, Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, s’attaquent à la question sensible des aides publiques accordées aux entreprises, et s’interrogent sur les montants qui leur sont alloués, alors que les gouvernements successifs alertent sur le déficit public et l’endettement de la France.
Selon leur enquête, le soutien aux entreprises coûte chaque année 270 milliards d’euros à l’Etat, sans que l’efficacité de cette politique soit réellement contrôlée. Franceinfo vous résume les principales révélations de cet ouvrage qui fait grand bruit.
Des entreprises ont profité de la réponse à la crise du Covid-19 pour s’enrichir
C’est le premier constat dressé par le binôme de journalistes : la crise du Covid-19 a été une aubaine pour les entreprises. D’abord parce que la Banque centrale européenne (BCE) a injecté jusqu’à 3 000 milliards d’euros dans le système pour garantir, par le biais des banques, leur financement. La BCE a également mis sur pied, en 2020, un programme d’achats de titres à hauteur de 1 000 milliards d’euros pour limiter la hausse des taux d’intérêt.
De quoi créer un "fabuleux appel d’air" pour les grands groupes.
Les deux journalistes font un lien avec le constat qu’entre mars 2020 et fin 2021, "la fortune des milliardaires français a augmenté de 86%, soit un gain de 236 milliards d’euros, davantage que sur toute la décennie précédente."
Bernard Arnault, Françoise Bettencourt-Meyers, François Pinault et Alain et Gérard Wertheimer – les cinq principales fortunes nationales – ont même doublé leur patrimoine sur cette période, estiment-ils.
Le gouvernement français a contribué à cet enrichissement, avec "des milliards distribués sans aucune contrepartie et sans poser la moindre condition", estiment les auteurs, qui pointent notamment les 145 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat (PGE), dont 38 milliards restaient encore à rembourser fin 2024.
De nombreuses entreprises ont aussi eu recours au chômage partiel mis en place durant cette période, pour un coût total de 27 milliards d’euros en 2020 selon la Dares, poursuivent-ils. S’appuyant sur les travaux du média en ligne L’Observatoire des multinationales, les journalistes affirment que des sociétés de premier plan "n’ont pas hésité à mettre des milliers de leurs salariés au chômage, tout en continuant à distribuer des dividendes à leurs actionnaires".
Au sein du CAC 40, 14 entreprises seraient concernées, dont Veolia et Carrefour, selon l’ouvrage.
Or, une partie du chômage partiel a été financée par l’Unedic. Ces dernières années, les conditions d’indemnisation de l’Assurance-chômage "ont été durcies à trois reprises afin – entre autres – de payer la dette Covid", analysent les deux journalistes. Les demandeurs d’emploi trinquent donc pour rembourser des avances dont ont bénéficié des multinationales."
Les aides publiques aux entreprises atteignent 270 milliards par an, selon une estimation inédite
Ils parlent de "l’un des secrets les mieux gardés de la République" : le montant total des aides publiques aux entreprises n’est pas communiqué par les services de l’Etat. Les dispositifs étant nombreux, "les chiffres sont trop difficiles à articuler", justifiait Bruno Le Maire devant les députés en 2023.
Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre ont donc réalisé leurs propres calculs, additionnant les exonérations de charges, les subventions, les abattements fiscaux et autres primes à l’apprentissage... L’addition s’avère salée : ils estiment que 270 milliards d’euros d’aides publiques sont accordés aux entreprises chaque année.
En ajoutant à ce calcul les niches fiscales déclassées, la barre des 300 milliards est dépassée, poursuivent-ils. A titre de comparaison, les dépenses de santé représentaient un peu moins de 249 milliards en 2023 selon l’Insee.
Les deux journalistes aboutissent à un total encore plus élevé que celui de la commission d’enquête du Sénat sur le sujet, conduite par le communiste Fabien Gay et le LR Olivier Rietmann, qui estimait le montant total de ces aides à 211 milliards pour l’année 2023, dans un rapport rendu en juillet.
"C’est un trou noir sur lequel travaillent les chercheurs depuis plusieurs années. Ce sont des estimations et c’est pour cela qu’on en arrive à une querelle de chiffres » , s’est justifiée Caroline Michel-Aguirre dans Libération.
L’ouvrage décrit une explosion de ces montants au cours des trois dernières décennies. Dans les années 1990, ces aides représentaient autour de 30 milliards d’euros courants par an. La hausse débute en 2001, et le total atteint plus de 100 milliards en 2008, et le double en 2019, selon leurs calculs.
Le résultat d’une "politique de l’offre", reposant sur l’idée qu’aider les entreprises stimule la croissance, qui a "transformé l’Etat en un guichet qui signe des chèques à l’aveugle", dénoncent les deux auteurs. Aucun réel contrôle n’est en effet effectué sur l’efficacité de ces aides, affirment-ils, avant de s’interroger :
"Produisent-elles des emplois, de l’activité, de l’innovation – ou ne font-elles qu’alimenter des profits déjà mirifiques ?"
Les journalistes s’attardent également sur le montant des aides publiques perçues par les plus grandes entreprises, et révélés lors des travaux de la commission d’enquête parlementaire. Ainsi, le groupe LVMH a touché de 275 millions d’euros en 2023, alors que le groupe réalisait un bénéfice net de 15,2 milliards cette même année.
Michelin a pour sa part reçu près de 130 millions d’euros en subventions et autres avantages fiscaux la même année. En 2017, le groupe industriel avait déjà touché une aide de 4,3 millions d’euros spécifiquement pour relancer le site de La Roche-sur-Yon (Vendée), qui a finalement été fermé deux ans plus tard. [1]
Bruno Le Maire s’est inquiété d’un soupçon d’insincérité de l’exécutif sur la gravité du déficit
L’enquête des deux journalistes du Nouvel Obs évoque aussi les soupçons d’insincérité politique concernant la gravité de la dégradation de la dette. Pour rappel, en novembre 2024, les Français apprennent tardivement que le déficit va finalement dépasser 6% du PIB, loin des 4,4% prévus dans le projet de loi de finances initiale.
Le gouvernement de Gabriel Attal avait-il conscience de ce dérapage et a-t-il manqué de transparence ? Les deux auteurs révèlent l’existence d’une lettre confidentielle adressée à Emmanuel Macron par le ministre de l’Economie et des Finances d’alors, Bruno Le Maire, dès le 6 avril 2024.
"La dégradation à grande vitesse de la dette de la France risque d’exploser à la face du gouvernement, prévient ce dernier. Nous risquons de nous faire accuser de cacher notre copie." "Les oppositions nous accuseront d’insincérité", ce qui entraînerait "un risque constitutionnel", avertit-il encore.
Il souhaite alors mettre sur pied un projet de finance rectificatif pour corriger la copie. Une demande qui restera lettre morte.
Quelques jours plus tard, contraints de présenter devant le Haut Conseil aux finances publiques des prévisions budgétaires qualifiées d’"irréalistes" par les auteurs du livre, certains hauts fonctionnaires de Bercy "en avaient les larmes aux yeux", raconte aux deux journalistes Pierre Moscovici, qui dirige cette institution en tant que premier président de la Cour des comptes.
Les milliardaires les plus riches paient relativement peu d’impôts
La question de l’imposition, autre sujet au cœur du débat politique, prend également une place importante dans cet ouvrage. L’Etat accorde des dizaines de milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales, détaillent ainsi les journalistes. En 1993, pour un salarié payé au Smic, les cotisations patronales représentaient près de 45% du salaire brut. Elles sont tombées à 6,9% en 2024, selon leur démonstration.
Simultanément, le nombre d’employés concernés par ces exonérations a explosé. Après de multiples réformes,"fin 2024, seuls 2% des actifs échappaient à ces mesures", d’après un rapport de France Stratégie cité dans cet ouvrage. Et, alors que le poids de l’imposition des foyers dans les recettes fiscales de la France a doublé entre 1990 et 2023, selon l’OCDE, l’impôt sur les sociétés diminue, pour ne représenter que 5% des recettes, d’après ce même organisme.
Les auteurs se reposent également sur une étude d’ampleur de quatre économistes datant de 2023, pour affirmer que, pour les 370 familles les plus riches de France, l’impôt devient "régressif". Ces derniers ont en effet calculé le revenu des foyers les plus aisés en comprenant les actifs professionnels et pas uniquement les salaires.
Ainsi, Bernard Arnault, PDG du groupe de LVMH s’est versé un salaire de 9,3 millions d’euros en 2023, mais la même année, "lui et sa famille ont empoché quelque 2,9 milliards d’euros en dividendes", relèvent Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre.
Plus globalement, le livre démontre que les pratiques d’optimisation fiscale "se banalisent". Est notamment citée la délocalisation des revenus ou encore la création de holdings qui permettent aux plus riches de ne pas se verser de rémunération personnelle et ainsi d’échapper à l’impôt.
Or, selon le binôme d’enquêteurs, le manque à gagner pour l’Etat est conséquent.
Le coût des niches sorties du recensement officiel, qui comprennent les mécanismes associés aux holdings, a largement dépassé les 40 milliards d’euros en 2021, d’après leurs estimations. Soit presque le montant d’économies que le gouvernement démissionnaire cherchait à réaliser sur le budget 2026.
Voir en ligne : https://www.franceinfo.fr/economie/...

