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Asie Occidentale : De l’agression à la résistance – Quelques leçons
mardi 15 juillet 2025 par Taher Al-Mouez
L’agression américaino-sioniste contre l’Iran a provoqué des destructions massives, ainsi que l’assassinat de nombreux intellectuels, militaires et civils iraniens. Cependant, la réplique de la société iranienne (y compris les forces d’opposition) a été marquée par le patriotisme, l’opposition à l’agression et le rejet d’un changement de régime – marqué par l’oppression et l’absence de démocratie – par une intervention étrangère (comme le coup d’État contre le gouvernement de Mohammed Mossadegh, organisé par les Etats-Unis et la Grande Bretagne en 1953).
La réaction de la population iranienne contraste avec celle de la société coloniale de peuplement sioniste, terrifiée par les réactions de la résistance palestinienne, libanaise ou yéménite et par les missiles iraniens qui ont atteint des sites militaires au centre, au nord et au sud de la Palestine occupée, ainsi que des centres urbains de grande et moyenne taille comme Tel-Aviv, Haïfa, Jérusalem, Bir Assabâ et Askalan.
La panique et la peur des colons découlent de la fin du sentiment de sécurité et de réconfort depuis la Nakba et l’établissement de cette entité coloniale il y a près de 80 ans. Des décennies plus tard, la thèse de la sécurité des colons « grâce à » la supériorité militaire absolue sur toutes les armées arabes s’est effondrée. La panique a entraîné l’émigration de centaines de milliers de colons sionistes.
Après la fermeture de l’espace aérien, le coût de la location des bateaux transportant ceux quittant les ports de la Palestine occupée vers Chypre a été multiplié par dix. Le nombre de nouveaux colons a diminué, causant un solde migratoire négatif (nombre de sortants supérieur au nombre d’arrivants). Les investissements étrangers et le nombre de touristes ont également diminué, la Palestine occupée devenant le lieu le plus dangereux pour les colons et les touristes, malgré la puissance militaire américano-sioniste et malgré le soutien impérialiste et la complicité des régimes arabes.
En revanche, la population autochtone, c’est-à-dire les Palestiniens, les enfants et petits-enfants de ceux qui sont restés sur leurs terres et dans leur patrie pendant la Nakba, n’ont pas cédé à la panique, la terreur et l’émigration. Ils représentent à peine 20 % de la population des territoires occupés en 1948.
Il convient de noter la rareté, voire l’absence, d’abris dans leurs zones résidentielles en Galilée, dans le Triangle et dans le Néguev, ce qui accroît le nombre de morts et de blessés parmi eux en raison de ces conditions, lorsque des roquettes provenant du Liban, de Gaza, du Yémen ou d’Iran attérissent près de leurs quartiers ou de leurs villages.
Malgré le racisme qui s’est intensifié depuis le début de l’agression d’octobre 2023, et malgré l’exclusion et la pauvreté, les Palestiniens de 1948 n’ont pas eu recours à la fuite et à l’émigration de leur terre occupée. L’émigration s’est limitée aux colons sionistes conscients de n’avoir aucun lien historique ou familial avec la Palestine. Il s’agit plutôt d’occupants étrangers venus d’une centaine de pays pour coloniser la Palestine...
Coûts de l’agression
La Fondation pour la culture stratégique (Russie) a publié le 28 juin 2025 une étude sur les coûts de l’agression, tant pour l’agresseur (l’entité sioniste et l’impérialisme américain) que pour la victime (l’Iran). L’importance de cette étude réside dans son analyse de documents et de déclarations officiels visant à explorer les sources de financement de la guerre lancée par l’entité sioniste, qui se poursuit depuis octobre 2023 contre les peuples palestinien, libanais, yéménite, syrien et iranien.
Cela représente un changement de stratégie pour l’entité occupante, qui a été (et continue d’être) surarmée. L’armée sioniste de l’air privilégie des agressions rapides et soudaines, en évitant les guerres d’usure ou de longue durée. Sans le soutien économique, militaire, politique et médiatique « occidental, sans le soutien inconditionnel des impérialismes américain et européen, en plus de la complicité des régimes arabes, l’entité sioniste n’aurait pas été en mesure de supporter le fardeau de cette agression continue pendant 21 mois.
L’étude, basée sur des déclarations officielles et des données publiées par le magazine The Economist, a estimé le coût de l’agression contre l’Iran à environ 725 millions de dollars par jour ( x 12 jours). Ce montant comprend les coûts directs, les munitions, le carburant d’aviation et d’autres dépenses, à l’exclusion des dommages ou pertes économiques indirects résultant des bombardements iraniens.
L’étude russe s’appuie sur plusieurs sources, dont une analyse publiée par le site italien Antidiplomatico, qui souligne la taille disproportionnée de l’économie sioniste (PIB d’environ 500 mds $ par an), incapable de supporter une agression à grande échelle et à long terme.
Les recettes fiscales de l’appareil d’État sioniste ne dépassent pas 200 mds $, mais les dépenses consacrées aux opérations militaires dans le cadre de l’agression actuelle ont dépassé 70 mds $. Rien qu’en 2024, le déficit budgétaire sioniste a dépassé 8 % et le ratio de la dette publique a augmenté de plus de 15 points en deux ans. Par conséquent, l’entité sioniste ne peut (sur la base de ces chiffres et d’autres) compter sur ses propres ressources pour mener l’agression.
Au contraire, le soutien extérieur (soutien des gouvernements américain et européen, prêts à faible taux d’intérêt auprès de banques et de fonds d’investissement américains et européens) constitue une ressource essentielle.
L’étude a estimé la valeur de l’aide militaire américaine directe ( officielle) à plus de 130 mds $ depuis 1948 ( en réalité entre 180 et 200 mds $), soit environ 15 % des dépenses militaires sionistes, auxquelles s’ajoutent 3,8 mds $ par an, l’aide et les dons collectés aux États-Unis et envoyés pour soutenir les colons, en plus des incitations et des privilèges douaniers, qui ont porté le volume des échanges commerciaux entre les États-Unis et l’entité sioniste à environ cinquante mds $ par an, ainsi que d’autres aides et subventions.
Les États-Unis s’engagent officiellement et publiquement à garantir et maintenir la supériorité militaire sioniste, car elle constitue une extension de l’hégémonie américaine. L’entité sioniste est un « partenaire commercial privilégié » de l’Union européenne et bénéficie de relations bilatérales très avantageuses avec des pays comme l’Allemagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas, la Hongrie et la Pologne, entre autres.
L’agression sioniste contre Gaza, la Cisjordanie, le Liban, le Yémen, la Syrie et l’Iran a démontré que cet « État voyou » fait partie d’un système impérialiste américain et européen, et que ses propres ressources ne peuvent financer cette agression, qui dure depuis octobre 2023.
La résistance palestinienne, yéménite et libanaise, ainsi que la riposte iranienne, ont révélé les limites de la cohésion du front interne de la communauté des colons sionistes, malgré le soutien américain et européen sans faille. La Palestine occupée n’est plus un endroit sûr pour les sionistes.
La résistance a réussi à pousser des centaines de milliers d’entre eux à quitter la Palestine, à dissuader les nouveaux candidats à la colonisation, à dissuader les investisseurs, les touristes…
Iran – Entre action humanitaire et sécurité nationale
L’Iran a annoncé l’arrestation de plusieurs « agents ayant fourni des données, des cartes et des informations aux services de renseignement sionistes, qui en ont recruté certains pour mener des opérations terroristes à Téhéran, notamment pendant la période d’agression sioniste-américaine du 13 au 14 juin 2025 ».
Des sites web russes ont publié des détails sur les circonstances de l’espionnage, des actes terroristes et des arrestations, notamment la plateforme Military Review, datée du 18 juin 2025, qui rapporte que la plupart d’entre eux sont d’origine indienne et afghane (province de Kandahar, peuplée de Pachtounes), selon Andreï Serenko, directeur du Centre d’analyse de l’Association russe des politologues…
Il convient de noter que l’Iran accueille le plus grand nombre de réfugiés au monde (plus que tous les pays de l’Union européenne réunis), depuis le début du XXIe siècle, et surtout depuis le retour au pouvoir des talibans après le retrait de l’armée américaine en 2021. Les données iraniennes indiquent que leur nombre dépassait 4,5 millions à la fin de 2024, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés - HCR.
La plupart d’entre eux sont entrés illégalement, en raison de l’oppression, des persécutions, du chômage et de la pauvreté en Afghanistan. Les employeurs iraniens les exploitent pour les employer à bas salaires, et les propriétaires immobiliers les exploitent pour louer des chambres insalubres ou des logements à des loyers élevés, où les réfugiés sont entassés. En gros l’économie iranienne ( sous embargo) profite de ces réfugiés qui aident l’Iran à supporter l’embargo et le siège.
Les autorités iraniennes indiquent que les services de renseignement étrangers, notamment américains et sionistes, ont exploité la misère de ces réfugiés pour les transformer - parfois à leur insu - en informateurs et en espions. Par conséquent, le parlement iranien a approuvé, fin 2024, une loi permettant l’expulsion d’environ deux millions d’immigrants afghans en situation irrégulière, et depuis la mi-juin 2025, le gouvernement a lancé une campagne d’arrestations à grande échelle dans tout l’Iran, et « la construction d’un mur frontalier de 900 kilomètres pour protéger son territoire du flux continu de migrants », selon la chaîne iranienne Al-Alam ( العالم ), en langue arabe.
Des réfugiés afghans, revenus de l’Iran voisin, se rassemblent dans un camp temporaire à la frontière d’Islam Qala, province d’Herat, Afghanistan, le 10 juillet 2025. SAMIULLAH POPAL / EPA/MAXPPP
L’agression américaino-sioniste a fourni l’occasion d’accélérer l’expulsion des Afghans, car ils « ont transmis les coordonnées des installations gouvernementales à des entités étrangères ». Le nombre d’arrestations et d’expulsions de personnes sans permis de séjour légal a augmenté et atteint 25 000 à 30 000 par jour, en moyenne.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a estimé à environ 1,4 million le nombre d’Afghans expulsés d’Iran vers l’Afghanistan, où environ 23 millions de citoyens souffrent d’insécurité alimentaire, entre le 1er janvier et la fin juin 2025.
Les médias iraniens ont exacerbé l’hostilité envers les Afghans accusés d’espionnage pour le compte de l’entité sioniste et des États-Unis, leur permettant de cibler des installations nucléaires et d’assassiner des scientifiques et des officiers iraniens.
Contexte de cette campagne
La nature oppressive du régime iranien s’est accentuée avec la crise économique et le chômage causés par le blocus et les sanctions américaines. Les Afghans sont désignés comme boucs émissaires et subissent de plein fouet la crise. À cela s’ajoute l’incapacité de l’Iran à assurer les services essentiels ( ou de base) à ses citoyens et aux réfugiés, selon des organisations humanitaires telles que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
L’OIM n’a pas reçu de financement d’urgence pour soutenir les réfugiés en Iran ou les personnes expulsées vers l’Afghanistan. Le HCR a annoncé son incapacité à fournir une assistance en raison de l’épuisement des ressources disponibles pour les soutenir, compte tenu du manque d’abris, de services de santé, d’eau potable et d’opportunités d’emploi.
Pendant ce temps, les personnes expulsées d’Iran exercent une pression supplémentaire sur le gouvernement taliban, dans un pays déjà en proie à un effondrement économique, à la détérioration des infrastructures, à la pauvreté et au chômage, en raison des guerres qui durent depuis quatre décennies et des sanctions internationales.
Les médias iraniens indiquent que les services de renseignement sionistes et américains ont exploité la situation des immigrants et des réfugiés pour infiltrer la société iranienne. Ils ont également exploité la situation économique pour attirer les Iraniens souffrant du blocus imposé au pays depuis 1979.
De leur côté, les autorités iraniennes ont exploité cette situation pour détourner la colère des citoyens, l’attention de l’opposition internes et concentrer l’attention sur les groupes marginalisés, dépourvus de moyens de défense.


