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Argentine : Les dangereuses conséquences de l’amnistie mise en place par Milei

jeudi 22 mai 2025 par Raùl Kollman

Face au manque de devises, le Gouvernement va permettre à l’Argentine de redevenir un paradis fiscal et délictueux. L’avertissement des spécialistes, les précédents dans le pays et les règles locales et internationales que le blanchiment violerait.

« Allons nous rafraîchir ». Cette phrase apparaît sans cesse dans les discussions téléphoniques du trafiquant de drogues colombien Ignacio Alvarez Meyendorff, un des chefs du Cartel du Nord de la Vallée.
« Se rafraîchir » signifie placer de l’argent en Argentine, un pays froid par rapport aux terres chaudes colombiennes. Meyendorff a été extradé aux Etats-Unis en 2013, un an après que l’Argentine ait réussi à sortir de la liste grise du Groupe d’Action Financière International (GAFI) qui rassemble les pays recherchés par les criminels -trafiquant de drogues, d’êtres humains, d’armes- pour investir de l’argent sale et échapper aux impôts.

Pour l’Occident, cette question est importante parce que le capitalisme ne tolère pas la concurrence entre argent légal et argent illégal parce que ce dernier n’a aucun coût : il vient du délit. Alors, ils commencent à acheter des propriétés, des entreprises, à avoir un pouvoir économique et ainsi, un pouvoir politique et judiciaire.

La proposition de blanchiment de Javier Milei ouvre la porte à ce que l’Argentine redevienne un paradis fiscal et délictueux. Le président a dit :
« Le trafic de drogues est un problème qui concerne la Sécurité, on ne le combat pas grâce à l’économie. »
Un juge de Comodoro Py a dit à Página/12 que Milei peut être accusé d’incitation au délit de blanchiment d’argent :

  • « Les règles disant qu’il faut rapporter l’origine de l’argent et que les notaires, les comptables, les banques doivent dénoncer les opérations suspectes, sont fixées par la loi. Et le délit est qualifié. C’est à dire que le fait de se soustraire à cette obligation met celui qui le fait en situation de participant nécessaire à l’infraction. Et cela n’est pas évité par une règle d’un organisme quelconque, la Banque centrale, ARCA, ou quoi que ce soit. »

L’ancien directeur de l’Unité d’Action Financière (UIF), sous le gouvernement de Cristina Kirchner, Jose Sbatella, rappelle l’énorme bataille qu’a nécessité le fait de sortir de la liste grise. Ils exigeait tout des Gouvernements non alignés sur Washington, comme celui de Cristina Kirchner, pour les sortir de la liste des suspects. Mais, en outre, ils pesaient les faits objectifs : des cas trafiquants de drogues qui plaçaient de l’argent sale dans l’économie.

Le ROS de l’avocat trafiquant de drogues

Carlos Alberto Salvatore en est venu à être considéré comme le principal trafiquant de drogues du pays en 2012. Il était avocat et vendait ses services aux trafiquants de drogues et, évidemment, il faisait le trafic de la cocaïne. C’est par cette voie qu’il en est arrivé à être le chef et le cerveau de l’exportation de 1200 kilos de cette drogue en Espagne.
L’opération au cours de laquelle il s’est fait prendre s’appelait Charbon Blanc.

Mais le réseau a été mis en évidence quand on a découvert que l’argent était investi dans des champs de la province de Buenos Aires, dont certains de plus de 150 hectares, des Porsche et des Mercedes Benz, des propriétés dan la Capitale Fédérale et à Mar del Plata et déposé sur des comptes bancaires dans différentes banques ou sociétés en Argentine et en Uruguay.
Le coup de pied initial a été donné par un notaire qui a fait un Rapport d’Opération Suspecte (ROS) : l’achat d’une maison à Lomas de Zamora pour 350.000 dollars.
Milei parle justement, en ce moment, d’en finir avec les Rapports d’Opération Suspecte (ROS).

Concurrence déloyale

« Pour le capitalisme, l’entrée d’argent illégal sur le marché est une concurrence déloyale -dit Sbatella- Ce sont des fonds qui n’ont aucun coût, comme ceux qu’on vole dans une banque. Par exemple, Pablo Escobar, en Colombie, a été député national suppléant pour le Parti Libéral. Il y est entré à force de répartir de l’argent et de faire des travaux dans les quartiers défavorisés de Medellín. C’est à dire que le principal trafiquant de drogues avait commencé à se diriger vers ce qu’il se proposait : être président.

C’est pourquoi le capitalisme ne tolère pas l’argent qui vient du délit : il perturbe tout et finit par accumuler du pouvoir politique et judiciaire. Nous, de 2011 à 2014, avons lutté pour sortir de la liste grise du Groupe d’Action Financière International (GAFI), ce qui signifie être presque un paradis fiscal. Nous y avons réussi en octobre 2014. L’année dernière, nous avons fait des démarches et des démarches pour qu’on ne remette pas l’Argentine sur cette liste : il y avait des doutes, surtout à cause de la lenteur de la justice. Ces mesures de Milei nous remettent sur la voie de la liste grise. »

A la Maison Rose, en revanche, on est sûr que Donald Trump viendra à nouveau à la rescousse, comme il l’a fait pour le nouvel accord de fonds par le FMI.

Blanchiment d’argent et voie fluviale

Carlos Cruz, qui a aussi été » directeur de l’UIF sous le gouvernement d’Alberto Fernández, dit que
« nous avons une grosse absence de contrôle dans des domaines comme le Corridor Littoral (voie fluviale) sur lequel la chronique journalistique enregistre de perpétuels mouvements de contrebande de drogues, d’huile et d’aliments qui se répercutent de façon négative sur les prix, sur l’emploi et sur l’approvisionnement de la population. C’est à dire que cette entrée de dollars sans contrôle va faire augmenter les préjudices non seulement au système économique financier mais aussi à l’économie quotidienne des Argentins. En d’autres termes, les fonds provenant des affaires illégales entrent en compétition avec les affaires légales et perturbent tout.

Cruz insiste sur le fait que
« permettre l’entrée d’une monnaie étrangère dans le circuit légal sans aucune analyse de son origine ouvre les vannes non seulement au trafic de drogues, à l’argent de la vente illégale d’armes, au trafic d’êtres humains, à la contrebande de céréales et de minerais rares, aux mouvements de fonds du terrorisme. Aujourd’hui, les banques, les compagnies d’assurance, les notaires ou les fournisseurs de services virtuels sont obligés de rapporter à l’UIF les opérations suspectes dont ils ont connaissance. C’est un élément clef dans la lutte contre le délit.

Ce qu’on dit à Comodoro Py

Ce journal a parlé avec des juges de Comodoro Py qui sont justement ceux qui traitent les affaires de blanchiment d’argent.
« Si une personne arrive avec une bourse pleine de dollars dans une agence immobilière, dans une concession automobile, dans l’étude d’un notaire, dans une banque, les professionnels sont obligés d’émettre un ROS. C’est établi par la loi. Et ne pas le faire est considéré comme un délit. De sorte que le président frise l’instigation au blanchiment d’argent. C’est une infraction reconnue par le code pénal. D’autre part, le pays a des obligations internationales, ce qui fait que c’est aussi un non-respect de l’ordre international. Aucune des règles dont parle le président ne peuvent se fixer autrement que par la loi parce que c’est la seule façon d’abroger les règles antérieures fixées par la loi. »

L’enquête criminelle est décisive

Pour l’ancien ministre de la Sécurité de Santa Fe, Marcelo Saín, la clef, c’est l’enquête criminelle. Ensuite, l’achat de propriétés, les investissements et les mouvements immobiliers - comme le boom qui existe à Rosario- « servent de preuves, de confirmation du délit. N’oublions pas que le moitié de l’économie est gérée dans l’ombre, y compris le commerce des céréales, par exemple. La voie que je préconise est d’identifier d’abord l’organisation de trafic de drogues ou l’organisation délictueuse dont il s’agit. Si l’argent de cette organisation est blanchi sans qu’on demande d’où viennent les dollars, cela servira de preuve pour une éventuelle condamnation. »

Le cas de l’ancien sénateur Edgardo Kueider en est un bon exemple. Il a été arrêté par la douane du Paraguay avec les 250 000 dollars inexpliqués qu’il avait sur lui. Il a essayé de les blanchir en. achetant des appartements. Il a fait la même chose à Paraná, Entre Ríos. Aujourd’hui, les preuves de ces blanchiments, les achats et les tentatives d’achat d’appartements seront décisifs pour les charges retenues contre lui.

Entourés de dangers

Pendant ces dernières années, deux organisations brésiliennes qui dominent le trafic de drogues ont pris de l’ampleur dans la région : le Primer Comando da Capital (PCC) et le Comando Vermelho (CV). Le bateau du nom de Ceci transportait 470 kilos de cocaïne, appartenant apparemment au PCC. A Nordelta, on a découvert plusieurs propriétés de cette organisation dans le quartier La Isla, blanchies par un couple de Brésiliens du CV.

Malgré les interminables dénonciations concernant la Triple Frontière, on n’y a jamais trouvé d’armes ni d’explosifs en relation avec le terrorisme islamique. Mais on a vérifié les mouvements financiers entre Ciudad del Este et le Liban. Il est tout à fait possible que le fait de ne pas demander l’origine des fonds provoque un passage des frontières vers des sociétés financières domiciliées du côté argentin.

Désespéré par la manque de dollars, Milei semble décidé à faciliter l’entrée de fonds obscurs. Comme le disent les magistrats : ce sera illégal. Mais, de plus, cela aplanirait le terrain, ouvrirait les portes, pour qu’il en vienne d’autres.
Et d’autres… et d’autres.

Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/05/21/argentina-luz-verde-a-los-narcos-las-peligrosas-consecuencias-de-la-amnistia-que-impulsa-milei/

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine-Bolivar Infos


Voir en ligne : https://bolivarinfos.over-blog.com/...

   

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