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Assange : Ils ont réussi à lui faire partager leur indignité
jeudi 27 juin 2024 par L.G.O/Scott Ritter
Il faut voir les choses plus dialectiquement, car les USA ont quand même perdu la face mais ce n’est pas non plus une vraie victoire.(BD-ANC)
Photo : Julian Assange, bouffi par l’enfermement et les drogues dont il lui va falloir nettoyer son organisme dévasté, montant dans l’avion qui l’emmène courber la tête dans le Pacifique sous occupation US.
Après douze ans d’enfermement dans des conditions aussi horribles (les 5 dernières années) que dégradantes (la violation de sa vie privée par des moyens abjects pendant les 7 ans précédents), ils ont réussi à lui faire avouer une chose que le monde entier sait être une invention de circonstance, c’est-à-dire à devenir leur complice en paroles pour sauver sa peau.
On ne peut douter que le soulagement de Julian Assange soit fortement teinté d’amertume, et que cette amertume ne le quittera jamais, aussi longtemps qu’il vive encore.
Pour résumer : comme les Palestiniens, le prisonnier de Belmarsh a compris, sans équivoque, que personne ne viendrait jamais à son secours, qu’il était seul avec sa femme, son père, son frère, Craig Murray et quelques autres, comme les Palestiniens le sont avec leurs jeunes défenseurs du Hamas, qui ne sont qu’une extension encore debout d’eux-mêmes.
Et il a décidé de vivre, en étant seul à payer le prix de ce contrat mafieux.
Cette tache sur son intégrité est un crime de plus commis à son encontre.
Pour des raisons bassement utilitaires (autant qu’inutiles), à deux jours de l’affrontement de Titans que promet d’être le « presidential debate » Biden-Trump.
Contrairement à ce que voudraient se faire croire les exclamations de joie délirante tous azimuts, c’est un jour très noir. Le jour où l’espèce humaine a reconnu et admis, voire revendiqué, son apathie et son indifférence pour ce qui n’est pas sa satisfaction personnelle immédiate, quel qu’en soit le prix pour ceux qui valent infiniment mieux qu’elle.
Il n’y a pas de quoi pavoiser.
Qui sommes-nous pour la juger puisque nous en faisons partie ?
Pendant que Julian vole vers un recoin obscur et lointain de pouvoir US illégitime pour y échanger son respect de lui-même contre sa vie :
n’oublions pas tout de suite le soldat américain qui s’est fait brûler vif, parce cette forme abominable de suicide a été le seul moyen qu’il ait trouvé d’exprimer sa fraternité envers les Palestiniens calomniés et massacrés ;
n’oublions pas les manifestants tabassés partout où ils essaient de manifester leur fraternité autrement qu’Aaron Bushnell, mais toujours par des moyens non violents à l’égard d’autrui ;
n’oublions pas non plus ceux qui, tout au long de ces années, ont essayé de faire de même en soutien d’Assange et qui l’ont parfois payé cher, au premier rang desquels M. Rafael Correa, ex-président de l’Équateur, qui a payé d’un prix très élevé le fait d’accorder ses actes à ses principes.
Pouvons-nous nous permettre de dire que nous sommes fiers qu’il ait quelquefois trouvé asile sur notre sol en dépit de nos lamentables « élites », et que les Équatoriens auront bien de la chance, le jour où – il faut l’espérer – il reviendra occuper sa place et réassumer ses responsabilités à leur service.
Le jour sombre de l’Amérique
En permettant au gouvernement américain de contraindre Julian Assange à plaider coupable d’un crime qu’il n’a pas commis, l’Amérique s’est condamnée à être un pays où dire la vérité est un crime.
- « La presse devait servir les gouvernés, pas les gouvernants. Le pouvoir du Gouvernement de censurer la presse a été aboli afin que la presse reste à jamais libre de censurer le Gouvernement. La presse a été protégée afin qu’elle puisse dévoiler les secrets du gouvernement et informer le peuple. Seule une presse libre et non bridée peut dénoncer efficacement la tromperie d’un gouvernement. Et la plus importante parmi les responsabilités d’une presse libre est le devoir d’empêcher toute partie du gouvernement de tromper le peuple et de l’envoyer dans des pays lointains pour y mourir de fièvres étrangères et de balles et d’obus étrangers. »
- Juge Hugo Black, Le New York Times contre Les États-Unis d’Amérique, 1971
Julian Assange doit bientôt comparaître devant un tribunal américain sur l’île de Saipan, où il devrait plaider coupable d’une seule violation de la loi sur l’espionnage, à savoir conspiration pour obtenir et divulguer des informations sur la défense nationale.
Assange n’est coupable d’aucun crime. C’est le gouvernement des États-Unis qui agit en violation de la loi et, en supprimant le devoir qu’a Julian Assange en tant qu’éditeur de dénoncer la tromperie de la part du gouvernement sur les crimes de guerre commis par les militaires américains en Irak et d’autres mensonges et tromperies perpétrés par le département d’État et le ministère de la Défense, au mépris flagrant du premier amendement de la Constitution des États-Unis.
En soumettant Julian Assange à cinq ans d’emprisonnement dans des conditions horribles dans une prison britannique de haute sécurité, où il était détenu à l’isolement 23 heures par jour, le gouvernement américain a brisé l’esprit et la volonté d’un homme dont la cause en était venue à personnifier la question fondamentale de la liberté d’expression.
Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme, Juan E. Mendez, a déclaré que « [l]’isolement forcé, [en tant que rétribution] ne peut être justifié par aucune raison, précisément parce qu’il inflige une douleur et des souffrances mentales aiguës, qui vont au-delà de toute rétribution raisonnable, même dans le cas d’un comportement criminel et constitue par conséquent un acte défini [comme]… torture ».
Tout Américain, qu’il agisse en qualité de journaliste ou simplement en citoyen qui croit au droit fondamental à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, doit comprendre l’importance de ce que signifie l’accord forcé de plaidoyer d’Assange : c’est une attaque frontale contre la liberté d’expression, qui annule de facto la décision historique de la Cour suprême dans l’affaire New York Times contre États-Unis d’Amérique, celle, précisément, qui a engendré les mots d’Hugo Black en défense de cette liberté américaine fondamentale.
Qu’il n’y ait aucun doute : Julian Assange est libre, mais la liberté d’expression et la notion d’une presse libre sont mortes en Amérique aujourd’hui, tuées par notre passivité collective face à la brutalisation de Julian Assange par le gouvernement américain pour le « crime » d’avoir exposé ses crimes aux yeux du monde entier.
La vérité ne nous rend plus libres.
Au contraire, faire la lumière sur une vérité qui dérange est devenu un crime.
L’Amérique est un endroit bien pire aujourd’hui qu’il ne l’était avant que notre gouvernement n’oblige Julian Assange à se soumettre à cet accord de plaidoyer.
C’est un sombre jour dans l’histoire de notre pays.
Voir en ligne : http://blog.lesgrossesorchadeslesam...