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L’ANC salue la mémoire de l’historien communiste Michel Vovelle.

mardi 9 octobre 2018

Un texte de Francis Arzalier, suivit d’un article de Pierre Sernat concernant les travaux de Michel Vovelle.

Michel Vovelle vient de mourir, et c’est une part de mon passé qui s’en va avec lui. D’autres retraceront mieux que moi sa carrière universitaire, son apport innovant au récit de cet événement fondateur que fut pour la France la Révolution de 1789-99.

Je l’ai pratiqué à partir des années 80 du siècle dernier, quand il animait à La Sorbonne un Séminaire fréquente par des étudiants et chercheurs de tout âge, et de nationalités diverses : j’y ai connu des historiens français, bien sûr, mais aussi nord-américains, mexicains, japonais, russes, africains, etc.

Les débats y étaient d’une grande ouverture, et nourris de convictions progressistes. C’est ainsi que grâce à Vovelle nous fûmes quelques uns à lancer un groupe de recherches sur les questions coloniales bien occultées jusque là dans l’historiographie de la Révolution française, notamment par les Radicaux de la IIIeme République, qui en étaient restés à l’abolition de l’esclavage aux colonies antillaises par les Jacobins français, en oubliant qu’ils y furent contraints par le soulèvement libérateur des esclaves haïtiens.

Vovelle parrainait ces travaux jugés par les autorités universitaires iconoclastes avec un flegme souriant, quitte à se faire insulter par certains de ses collègues : l’un d’eux me dit un jour qu’il était " porteur de deux maladies mortelles, dont l’une d’être atteint de communisme". Successeur de Soboul à la chaire d’Histoire de la Révolution en Sorbonne, il fut pour beaucoup d’entre nous un modèle de scientifique marxiste, étranger à tout sectarisme, et ardent défenseur des idéaux démocratiques de Robespierre.

C’était un rude combat militant vers 1991, quand les idéologues anticommunistes comme Furet et Courtois faisaient de 1789 et 1917 confondus l’origine des "crimes du Communisme", et que leurs compères d’Outre-Atlantique annonçaient " la fin de l’histoire" par la victoire définitive du Capitalisme.

Michel Vovelle assumait cette tâche en historien respectueux des faits et en communiste.
Fidèle à cet engagement jusqu’à sa mort, Il mérite notre respect.

Francis Arzalier.

L’œovre de Michel Vovelle reste avec nous.

Par Pierre Sernat : historien et professeur à la Sorbonne, rend un hommage sensible à un grand contributeur de l’histoire moderne.

C’était en 1984, à la Fête de l’Humanité, où des amours et des amitiés peuvent se tisser pour une vie entière. J’étais venu écouter Nina Hagen et j’ai entendu Michel Vovelle. Le choc intellectuel fut immédiat. L’admiration pour une intelligence si vive, si pointue, fut spontanée. La prise de conscience de son érudition impeccable de toutes les Révolutions depuis le XVIIe siècle jusqu’au XXe siècle fut une évidence.

Son communisme, courageusement affiché, avec liberté et indépendance, en toute conscience, fut pour moi la marque de son intégrité à un moment où une partie de la gauche commençait à tourner le dos à la Révolution et à ses fondements d’égalité, de fraternité et de liberté.

Parmi ses chefs-d’œuvre, la Mentalité révolutionnaire

Michel Vovelle commençait la bataille de sa vie. Celle de fêter dignement le bicentenaire de la Révolution française, et de rendre à la République démocratique tout son lustre, en rappelant son origine, en étudiant cette décennie à nulle autre pareille dans l’histoire de France : 1789-1799.

C’est là que Michel Vovelle expliqua en toute simplicité son entrée en communisme. En bon historien, il la liait aux événements de sa jeunesse. Appelé en Algérie, jeune normalien, il prit conscience des ravages du colonialisme et s’engagea dès lors dans le seul parti qui avait construit son combat pour l’Algérie indépendante comme son fer de lance. Les plus récents événements et les plus originaux des travaux actuels lui donnent raison.

Avant d’être élu en 1982, à la suite d’Albert Soboul, professeur de la Révolution à l’université de Paris-I, il fut un des plus grands inventeurs de l’histoire moderne, celle qui part de 1492 pour terminer avec le début de l’Empire, en 1804.

Michel Vovelle attaqua l’histoire par le versant le plus difficile du marxisme scientifique, celui de la superstructure. Il fut convaincu de suite que l’histoire sociale et l’histoire économique demeuraient fondamentales, et ses travaux sur les paysans de la Beauce le démontrent amplement, mais il eut la conviction de l’idéologie royale de l’État par la culture catholique, la culture nobiliaire et la sociabilité des élites qui étaient des outils aussi puissants de domination.

De fait, après avoir lu plus de 12 000 testaments, il fut convaincu que, de façon silencieuse mais réelle, le XVIIIe siècle avant la Révolution commença à s’éloigner des dogmes de la religion, ce qu’il appela la déchristianisation, concept ­appelé à de longues polémiques, mais qui l’installa comme un des historiens les plus inventifs de sa génération.

Avec sa première épouse disparue trop tôt, Gabrielle Cerino-Vovelle, il ouvrit le chantier sur l’histoire de la mort, livrant en 1983 une œuvre majeure la Mort et l’Occident de 1 300 à nos jours, traduite en plusieurs langues, et initiant une série d’autres ouvrages sur ce thème.

Cependant, Michel Vovelle, pour tous ceux qui ont eu la chance de l’approcher, aimait par-dessus tout la vie, possédait un humour ravageur et un art de conteur unique. Il participa donc au chantier de l’histoire de la Fête et des émotions qui mènera à un autre chef-d’œuvre, la Mentalité révolutionnaire, en 1986, ciselant le concept de culture révolutionnaire, dans l’invention de son néologisme « Homo revolutionarus », comme un défi lancé à tous les conservateurs, comme un programme de recherche pour le futur et toujours aussi fécond.

À ce moment-là, il était directeur de la mission scientifique du Bicentenaire, dont il fut le missionnaire infatigable.

Le message cosmopolite d’une révolution universelle

Stratège, il avait compris que les médias français n’en avaient que pour François Furet et son histoire critique, surfant sur la réduction jusqu’à l’absurde : la révolution, c’est la violence ; la violence, c’est la guillotine ; la guillotine, c’est Robespierre.

Michel Vovelle comprit la manœuvre et, convaincu que nul n’est prophète en son pays, il décida de contourner l’écueil et s’engagea dans plusieurs tours du monde pour se rendre en Amérique, en Asie, en Afrique, en Europe, auprès des universitaires et des étudiants, sur le « terrain de la recherche » comme il le disait, pour expliquer, comprendre l’événement. Il participa et dirigea près de 550 colloques, ne refusant jamais par ailleurs une invitation dans la plus petite ville de France.

Il organisa au mois de juillet 1989 un congrès mondial qui réunit en Sorbonne près de 300 historiens venus du monde entier travailler sur l’image de la Révolution française. Il savait que l’important se jouait sur le message cosmopolite d’une révolution universelle, portant les droits de tous les humains, visant un message de fraternité laïque, capable d’être entendu aux quatre coins du monde.

Pour cela, il avait ouvert l’immense chantier des images, de façon radicalement originale et poursuivant sa réflexion incessante entre idéologie et culture. Il en sortit un troisième chef-d’œuvre édité aux éditions Messidor, chères à son cœur avec les Éditions sociales, la Révolution française. Images et récit fort de cinq volumes – 1 800 pages et 3 000 images –, monument toujours présent sur les tables de travail des étudiants.

Aujourd’hui la « galaxie Furet », comme on disait, est plus que dispersée, il n’en est rien du triple sillon creusé par Michel Vovelle au travers de l’histoire des images, de l’histoire des émotions et des études sur l’impact international de la Révolution.

À Aix-en-Provence, à Paris, sa générosité, son humanité, son intelligence firent l’unanimité. Monique, sa seconde épouse, normalienne et professeur de géographie, l’accompagna dans la bataille harassante du bicentenaire. Leur maison fut le lieu de discussions passionnantes, réellement fraternelles, où se croisaient des chercheurs du monde entier, de toutes les générations, partageant les traits du maître, les avis de l’ami, avec ses deux filles Sylvie et Claire.

Ses derniers combats rappelèrent ce que fut la Bataille du bicentenaire de la Révolution française (la Découverte) avec sa volonté indéfectible de défendre la Révolution qu’il aimait, non de façon aveugle mais au contraire parce qu’il se rendait compte du défi qu’elle posait aux siècles à venir.

Enfin ses Mémoires vives ou perdues. Essai sur l’histoire et le souvenir (Éditions de Paris), parues en 2018, livrèrent un dernier regard réflexif sur le parcours d’un historien d’une inventivité unique, fidèle communiste, mémoires d’un homme ayant mis sa vie au service de la recherche, ayant fait rayonner dans le monde entier les idéaux les plus forts de démocratie sociale, de république laïque et, plus que tout, d’espoir indéfectible en la perfectibilité de tous les êtres humains.

Le maître et l’ami disparu, le temps de porter son héritage et de le faire partager aux jeunes générations est venu. « En avant ! » disait-il avant les moments difficiles !

   

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