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Rojava : l’ONU accuse la Turquie de violations massives des droits de l’homme à Afrîn

mercredi 19 septembre 2018 par Institut Kurde de Paris

Le rapport de juin du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) publié le 8 juillet, accuse la Turquie de violations massives des droits de l’homme à Afrîn [1]. Dressant un tableau effrayant de la situation dans la région, il caractérise la situation sécuritaire comme « instable », avec des combats internes entre groupes, des « niveaux élevés de criminalité violente », et « des civils victimes de vols, de harcèlement, d’enlèvements et de meurtres ».

« Des civils ont informé le HCDH qu’un certain nombre de membres de groupes d’opposition armés opérant dans la région sont d’anciens criminels, contrebandiers ou trafiquants de drogue bien connus ». En outre, le rapport confirme que les pillages à grande échelle, entamés dès la prise de la région, se poursuivent, les biens pillés étant ensuite revendus à Azaz, ville sous contrôle turc.

Le HCDH recense aussi au moins 11 enlèvements contre rançon de civils, le sort de certains restant inconnu. Par ailleurs, le rapport mentionne des discriminations contre ceux soupçonnés de liens avec les forces kurdes. Il confirme aussi l’installation de milliers de combattants, de membres de leurs familles, et de civils déplacés d’autres régions syriennes dans les maisons de Kurdes ayant fui les Turcs, qui refusent de rendre leurs demeures à leurs propriétaires légitimes.

Ceux-ci sont souvent refoulés aux points de contrôle quand ils tentent de revenir, incarcérés sur soupçon d’appartenance aux forces kurdes, voire emmenés vers un lieu inconnu. L’accusation d’appartenance aux forces kurdes sert aussi de prétexte à confisquer les biens. Exprimant son inquiétude face à cette politique de nettoyage ethnique, le HCDH demande à Turquie de « veiller à ce que tous les groupes armés sur lesquels elle exerce un contrôle à Afrîn […] respectent strictement leurs obligations en vertu du droit international humanitaire ». Une demande qui a toutes chances de rester lettre morte…

Le 18, un communiqué de la Société allemande pour les peuples menacés (Gesellschaft für bedrohte Völker, GfbV) a aggravé le tableau déjà sombre de l’ONU : 120 enlèvements, 7 meurtres, 10 vols et 27 raids ayant détruit des biens civils, 4 champs incendiés entre le 1er et le 15 juillet. Une source fait état par ailleurs de la disparition de 3.000 à 7.000 Kurdes.

La peur incite les familles restantes à rester discrètes. Les soldats turcs et les islamistes saisissent les téléphones portables pour découvrir qui rapporte leurs attaques. Enfin, l’éviction des Kurdes passe au niveau juridique : le « Conseil local » (pro-turc) d’Afrîn contrôle les titres de propriété… (ANF). Par ailleurs, il y a des témoignages de meurtres délibérés, comme pour 2 frères de Jindiris, blessés gravement par des pillards pro-turcs. Découvert le lendemain attaché à un arbre devant sa maison, l’un d’eux, père de 4 enfants, est mort à l’hôpital faute de médicaments.

Un autre groupe a avoué le meurtre de 2 jeunes Kurdes, dont la famille a refusé une compensation financière (SCF). Enfin, le 14, l’administration du Rojava a annoncé que les occupants avaient brûlé 4.000 arbres, dont de nombreux oliviers, plus de 1.000 à Khouziana, dans le district de Mobate (Maabatli), et plus tôt dans la semaine à Rajo 3.000 oliviers, chênes et arbres à grenades. Le 27, des miliciens ont coupé à Bulbul 68 arbres qu’ils ont vendu en Turquie (ANF). Détruire les oliviers, principale richesse des habitants, c’est aussi du nettoyage ethnique…

Cependant, la résistance continue. Si le 1er juillet, l’armée turque a pilonné les positions des YPG autour des villes de Malkiyah et Anab, près de Manbij, tuant 3 combattants, le 10, les YPG ont annoncé avoir mené plusieurs attaques du 5 au 8. Le 5, un combattant pro-turc gardant une base militaire a été tué par un sniper, le 6 juillet, 3 autres ont été tués dans une embuscade tendue sur la route Rajo-Afrîn, et un important commandant, Mohammed al-Souleiman, a été tué le 7 à Bulbul, tandis qu’un engin explosif tuait 2 combattants pro-turcs sur un poste de contrôle près de Shara. Les FDS, qui ont le 24 renvoyé de l’Est 2.000 soldats vers Afrin, ont appelé le 31 les citoyens à la vigilance : des soldats turcs en uniformes YPG volés attaquent les civils pour déconsidérer les FDS.

A Manbij, ville à majorité arabe située à 30 km de la frontière turque, la situation demeure tendue. Après la conclusion courant juin d’une « feuille de route » turco-américaine, qui définit autour de la ville une zone-tampon séparant forces turques et FDS, les militaires turcs ont commencé à patrouiller près de la ville, tandis que les YPG annonçaient un « retrait » très largement cosmétique de leurs « conseillers militaires ». Le 2, deux sénateurs américains, l’un républicain, l’autre démocrate, sont arrivés en ville. Lors d’une rencontre avec le Conseil militaire, l’un d’eux a souligné l’importance du maintien de la présence américaine (AFP).

Ce même jour, l’agence Fars a rapporté l’arrivée de nouveaux contingents américains. Le 3, le commandant du Conseil militaire, Xelîl Bozî, a indiqué que si les militaires turcs tentaient d’entrer en ville, ils seraient ciblés par des tirs (Spoutnik). Le 5, un rassemblement de protestation contre l’invasion turque d’Afrîn a été visé par une bombe qui a blessé 22 personnes et fait au moins 1 mort (ANF, Ahval). Le 15, les FDS ont indiqué que les derniers membres des YPG avaient quitté la ville, une annonce confirmée le 17 par son Conseil militaire, mais réfutée par la Turquie, selon laquelle le retrait n’est pas terminé.

Le 21, le journal pro-régime Al-Watan a annoncé que, selon une source de l’administration locale, le Conseil militaire comme la majorité des habitants, instruits par l’exemple d’Afrîn, préféreraient que la ville repasse sous contrôle syrien plutôt que de tomber aux mains des envahisseurs turcs (Spoutnik). Aucune confirmation de cette affirmation n’est venue de Manbij.

Parallèlement, les FDS ont poursuivi leur offensive contre Daech sur la rive est de l’Euphrate, progressant lentement en raison des nombreux engins explosifs placés par les djihadistes. Le 6, selon l’OSDH, un attentat à la bombe contre le bureau des FDS à Bsayra (province de Deir Ezzor) a tué 11 combattants et 7 civils dont 3 enfants. Vu son mode opératoire, l’attaque, non revendiquée, pourrait provenir de Daech.

Les FDS ont cependant capturé les villes de Madina et Qabrata, au Sud-Est de l’ancien fief du groupe, Dashishah (Hassaka). Le 10, la télévision turque TRT a rapporté que la coalition avait fourni aux FDS 200 camions d’armes et de munitions. Une livraison similaire (250 camions) le mois précédent avait déjà provoqué la colère de la Turquie…

Le 13, les FDS ont annoncé le début des opérations contre Hajin, l’un des derniers bastions de Daech. La veille au soir, une frappe aérienne près du village d’al-Soussa, à 25 km au sud-est de Hajin, avait tué 26 djihadistes mais aussi 28 civils utilisés comme boucliers humains (OSDH). La coalition a annoncé l’ouverture d’une enquête sur cette éventuelle « bavure », qui pourrait aussi être le fait d’avions irakiens…

Le 14, l’artillerie de la coalition a pilonné plusieurs positions de Daech dans et autour de Hajin. Le 24, les FDS ont annoncé avoir pris d’autres villages dans la région de Rodah, tandis que le secrétaire d’État américain Mike Pompeo vantait dans un communiqué leur « bravoure » et leur « sacrifice ».

Autre évolution dans la situation, politique cette fois, des contacts ont débuté entre l’administration autonome du Nord-Syrien et le régime de Damas. Le 2, après que le gouvernement ait rencontré des délégués kurdes à Damas et à Qamishli, Al-Masdar News a annoncé un accord entre l’armée syrienne et les YPG. Ceux-ci auraient accepté de retirer des rues et des zones sous leur contrôle à Hasaka toutes les affiches d’Abdullah Öcalan et de permettre l’ouverture en ville de bureaux de recrutement pour l’armée.

En échange, le YPG aurait demandé que Damas introduise la langue kurde dans l’éducation, prenne en compte comme temps de service militaire le temps au sein des YPG, et nomme un Kurde à un poste de responsabilité au Ministère du pétrole. Le 10, quelques jours après une nouvelle réunion tenue à Qamishli, l’armée de Damas a bien hissé le drapeau syrien sur le quartier de Nishwah à Hassaka, tandis que les photographies d’Öcalan étaient retirées des murs. Les autorités kurdes ont cependant démenti tout accord avec Damas.

Le 13, la municipalité de Tabqa, dépendant de la Fédération du Nord Syrien, a accepté que les employés de la société d’État gérant le barrage situé à 50 km de la ville puissent y accéder pour en faire la maintenance, ce qui revient à une gestion partagée entre Fédération et Damas. Pris par Daech début 2014, repris par les FDS en mai 2017, le barrage, très endommagé par les frappes aériennes de la coalition, nécessite des réparations. « La coopération existe dans ce cas parce que le barrage appartient à tous les Syriens », a déclaré Hamid al-Faraj, membre de l’administration de Tabqa.

Un autre accord conclu il y a quelques mois concerne le pétrole des sites de Rmeilan et Jabsah (province d’Hassaka), contrôlés par les Kurdes. Ceux-ci en transfèrent un tiers vers la raffinerie d’Homs, raffinant eux-mêmes le reste (Spoutnik). Mais l’agence russe remarque que ce tiers se base sur une production officielle de 38.000 barils/jour, alors qu’avant-guerre elle était de 160.000…

Le 16, le Conseil démocratique syrien (CDS), émanation politique des FDS, a entamé à Tabqa son 3e Congrès, rassemblant pour 2 jours 240 personnalités, des élus locaux, mais aussi des représentants de l’opposition tolérée par Damas. Ces participants doivent décider d’une plate-forme de négociation avec le régime (AFP). Le 19, Ilham Ehmed a annoncé que le CDS ouvrirait des bureaux dans les provinces de Lattaquié, Damas, Hama et Homs, avant de confirmer le 20 les négociations de Tabqa.

Le journal pro-régime al-Watan a annoncé le 20 que, en plus des éléments déjà publiés par Al-Masdar, les forces kurdes remettraient au gouvernement la ville de Raqqa et plusieurs champs pétroliers et gaziers, et que les FDS seraient incorporées dans l’armée de Damas… Ces affirmations ont été réfutées le 30 par Salih Muslim, ancien co-président du PYD et responsable des relations extérieures des FDS, qui a précisé être prêt à négocier avec Damas, mais en présence de médiateurs internationaux et avec certaines garanties.

Prenant soin de différencier organismes d’État (comme la société gestionnaire du barrage) et institutions affiliées au régime, il a indiqué que l’accord de Tabqa était dicté par l’intérêt général et n’avait pas de signification politique. Il a par ailleurs estimé les informations trompeuses diffusées par al-Watan prouvaient que Damas n’était pas sincère dans les négociations. Le contenu de cette publication n’avait d’ailleurs pas été confirmé côté kurde. Les FDS ont précisé le 24 qu’elles conservaient le contrôle du barrage.

Le 26, selon l’AFP, une délégation du CDS comprenant responsables civils et militaires est arrivée à Damas à l’invitation du gouvernement. Omar Oussi, un député kurde au Parlement de Damas, a confirmé son arrivée, déclarant que les pourparlers porteraient sur le fait de « faciliter l’entrée de l’armée dans les territoires à majorité kurde à l’est du fleuve Euphrate et le retour des institutions étatiques ». En échange, les Kurdes obtiendraient une « reconnaissance par la Constitution de [leurs] droits culturels ».

Le 28, le CDS a déclaré dans un communiqué qu’il avait été décidé de former des comités conjoints devant poursuivre les négociations « visant à la décentralisation de la Syrie », selon Sihanouk Dibo, un membre du CDS (PYD). Le régime de Damas n’a pas commenté ces déclarations. Les discussions pourraient durer un an, tant la distance reste grande entre les demandes du CDS et la pratique centralisatrice du régime.

En fin de mois, les regards se tournaient vers Idlib, contrôlée par le Front Al-Nosra – ancienne filiale d’Al-Qaïda – et des troupes turques. Cette dernière région rebelle est la cible désignée de la prochaine attaque de Damas et ses alliés. Le 26, Ilham Ehmed a laissé entendre que les FDS pourraient assister Damas. De son côté, Aldar Khalil, co-président du TEV-DEM (Mouvement pour une Société démocratique), a déclaré que l’une des étapes pour reprendre Afrîn était de faire pression sur la Turquie pour qu’elle quitte le sol syrien (Rûdaw).


Voir en ligne : https://www.institutkurde.org/publi...

   

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