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Loi Pacte : le gouvernement privatise jusqu’à l’absurde

mercredi 27 juin 2018 par Mathieu Paris pour l’Obeservatoire des Multinationales

Avec la loi Pacte, le gouvernement va pouvoir lancer une nouvelle vague de privatisations pour « faire rentrer du cash ». Engie, Aéroports de Paris et la Française des Jeux sont dans le viseur. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un non-sens économique et souligner les risques sociaux et économiques de ces cessions.

Depuis plus de six mois, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, annonce l’intention du gouvernement de réaliser des « opérations de cessions d’entreprises publiques ». En d’autres termes, de privatiser, au moins partiellement, des entreprises dont l’État est actionnaire. Le principe en sera soumis au Parlement avec la loi dite « Pacte » (acronyme de « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises », lire notre article).

Pour l’instant, légalement, l’État ne peut pas du tout céder des parts de la Française des jeux (FDJ), ni descendre sous certains seuils de détention (50% et 33% respectivement) dans le capital d’Aéroports de Paris (ADP) et d’Engie.

Ce sont ces règles que la loi Pacte va modifier. Elle va également ménager la possibilité d’ouvrir une partie du capital de GRTgaz, la filiale d’Engie en charge des réseaux français de gazoducs : une semi-privatisation inquiétante dans un contexte où les lobbys du gaz au niveau européen poussent très fort au développement de nouvelles infrastructures contestées, comme le projet MidCat en France (lire notre enquête).

Le portefeuille de l’État réduit comme peau de chagrin

La vague de privatisations à venir est la plus importante depuis plusieurs années, même si elle s’inscrit dans la continuité d’un mouvement de désengagement progressif de l’État, amorcé il y a trente ans. En septembre 2017 encore, celui-ci avait déjà cédé 4,1% du capital d’Engie, pour un montant de 1,5 milliard d’euros. Désengagement qui ne se traduit pas seulement par des privatisations proprement dites, mais aussi par des contrats de concession au secteur privé (comme pour les autoroutes) et par la transformation d’anciennes entreprises publiques en sociétés anonymes.

En ce sens, que l’on croie ou non les assurances gouvernementales que la privatisation de la SNCF n’est pas à l’ordre du jour, la réforme ferroviaire récemment adoptée visant à préparer la libéralisation du rail participe du même mouvement. Confronté au mouvement social suscité par cette réforme, le gouvernement a paru hésiter pendant un temps à inclure le programme de privatisations dans la loi Pacte. « Si la grève à la SNCF dégénère, on ne mettra pas la privatisation d’ADP et de la FDJ dans le texte, on ne va pas mettre de l’huile sur le feu », avait affirmé une source de Bercy au quotidien Le Monde. Finalement, les cessions figurent bien dans le projet de loi.

Le terrain avait été préparé dès début 2017, durant la campagne présidentielle. En janvier 2017, un rapport de la Cour des comptes préconisait la reprise de 10 milliards d’euros en produits de cession (option 1) ou bien plus clairement, un « désengagement massif - mais ’progressif et ordonné’ - de l’État actionnaire » (option 2). Au même moment ou presque, l’Institut Montaigne, think tank néolibéral financé par les groupes du CAC40, publiait un autre rapport encore plus à charge, signé de l’ancien patron de l’Agence des participations de l’État lui-même, David Azéma. Le gouvernement alors en place a répondu en critiquant une « négation du rôle déterminant joué par l’État actionnaire » et un « risque de déstabilisation majeure ». Le gouvernement actuel, au contraire, a pris la préconisation à la lettre. Le but affiché de ces cessions d’actifs est d’alimenter un fonds pour « l’innovation de rupture » qui devrait être doté à terme de… 10 milliards d’euros.

Sans entrer ici dans le débat sur la nature de « l’innovation » promue par le gouvernement (les nanotechnologies par exemple), cette justification semble surtout viser à rendre plus acceptables des privatisations voulues pour des raisons principalement idéologiques.

Ces 10 milliards ne vont pas être directement injectés dans des projets. L’argent récupéré des privatisations « sera placé auprès du Trésor public pour rapporter de 200 à 300 millions d’euros par an, soit un rendement de 2 à 3 %. Cette démarche fait tomber l’argument de Bruno Le Maire qui estime que l’État dispose d’un patrimoine ’immobilisé’ dans ces entreprises qu’il faudrait mieux utiliser ailleurs », relève Romaric Godin pour Mediapart.

Privatisation de la FDJ : un risque économique et moral

La première entreprise dans le viseur du gouvernement est la Française des Jeux. Une privatisation que n’avait pas osée Nicolas Sarkozy lorsqu’il avait brisé le monopole de la FDJ dans les jeux en 2010. La réforme avait surtout profité à ses amis et aux grandes fortunes françaises. Quatre ans plus tard, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, avait essayé d’y pousser François Hollande, sans succès. L’économie des jeux est en effet un secteur sensible et bien particulier, où se mêlent risques de blanchiment, d’addictions, de fraudes...

Christian Eckert, ancien ministre du Budget, qui s’était justement opposé à Macron en 2014, rappelait sur son blog que l’État actionnaire joue un rôle de « garant du respect [d’] indispensables règles ». Citons par exemple le Rapido en 2014, ce jeu très rentable, mais que la FDJ avait dû abandonner car trop addictif. Des financiers, avec pour seule logique celle de la rentabilité et du profit, auraient-ils fait de même ? Quels pouvoirs aura la nouvelle autorité indépendante de régulation des jeux, aux contours encore flous, que veut créer le gouvernement ?

À ces considérations éthiques s’ajoute les questionnements sur l’intérêt financier de l’opération, sinon à très court terme. Les jeux de loterie et à gratter étant un monopole et un placement sans risque pour les investisseurs, la privatisation n’a aucune sorte de justification économique. La vente de la Française des Jeux ne rapportera qu’entre 1 et 2 milliards d’euros au mieux, tandis que l’État se privera de plus de 130 millions d’euros de dividendes par an.


Voir en ligne : http://multinationales.org/Loi-Pact...

   

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