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8 mai 1945, le massacre de Sétif

mardi 8 mai 2018 par Jean Penichon

Pour mémoire...
Un article de Charles Silvestre publié dans l’Humanité du 5 mars 2005
« Je veux parler des massacres du 8 mai 1945, il y a bientôt soixante ans : une tragédie inexcusable. Fallait-il qu’il y ait sur cette terre un abîme d’incompréhension entre les communautés pour que se produise cet enchaînement d’un climat de peur, de manifestations et de leur répression, d’assassinats et de massacres », a déclaré, dimanche 27 janvier, l’ambassadeur de France en Algérie. Hubert Colin de Verdière s’exprimait à Sétif même, à l’université Ferhat-Abbas.

C’est la première fois, en tout cas à notre connaissance, qu’un représentant officiel des autorités françaises reconnaît le massacre de Sétif et emploie le qualificatif d’inexcusable qui désigne sans ambiguïté la France. Ce 8 mai 1945, en effet, reste comme un moment particulièrement sombre du traitement réservé aux Algériens, sur la longue route, souvent sanglante, de la colonisation.

À l’appel du mouvement de Messali Hadj, leader nationaliste, une manifestation importante se déroule dans le cadre de la victoire sur le nazisme pour réclamer le droit à la liberté des Algériens eux-mêmes, revendication d’autant plus légitime que nombre d’entre eux se sont sacrifiés pour la libération de la France. Des pancartes apparaissent « Indépendance pour l’Algérie », des drapeaux verts sortent qui seront ceux du pays. Des heurts s’engagent avec la police qui tente de s’emparer des uns et des autres.

La violence policière provoque une véritable émeute au cours de laquelle sont tués des Européens. Alors se met en place une répression par l’armée, commandée par Paris, d’une sauvagerie inouïe jusqu’au bombardement de populations civiles et qui fera, selon les sources, entre 10 000 et 45 000 morts.

On peut dire que, si la conquête de l’Algérie n’a jamais réellement cessé depuis 1830, la guerre d’Algérie a commencé ce 8 mai 1945, à Sétif, Guelma et Constantine. C’est si vrai que le général Duval, celui-là même qui avait commandé l’impitoyable répression, pourra écrire dans un document adressé à ses supérieurs : « Je vous ai donné la paix pour dix ans. Mais il ne faut pas se leurrer. Tout doit changer en Algérie. »

On ne changea rien à l’Algérie et il ne se passa même pas dix ans avant que l’insurrection éclate, le 1er novembre 1954. Tous les éléments du drame étaient donc en place et l’entêtement des gouvernements français, notamment celui de Guy Mollet qui, en 1956, s’était fait élire pour faire la paix, à s’enfoncer dans la guerre aura été vraiment meurtrier.

La question posée est maintenant de savoir jusqu’où ira la reconnaissance du crime de Sétif et, forcément, des crimes qui suivirent, à commencer par celui de la torture sur lequel les autorités ont été interpellées, par l’Appel des Douze, en octobre 2000. Dans la déclaration de l’ambassadeur de France, une autre phrase mérite que l’on s’y arrête : « Le 8 mai 1945 devait être l’occasion de célébrer l’issue tant attendue d’une guerre mondiale, pendant laquelle tant des vôtres avaient donné leur vie pour notre liberté, cette liberté qui devait être celle de tous les Algériens. Ce fut hélas ! un drame. Celui-ci a marqué profondément, nous le savons bien, les Algériens qui, dès cette époque, rêvaient de liberté. »

Les Algériens, car c’est d’eux d’abord dont il est question, seront certainement heureux de lire au travers de ces mots, soigneusement pesés, la reconnaissance de leur aspiration historique à la « liberté » même si le mot national n’apparaît pas encore. Sans doute resteront-ils encore perplexes devant cette analyse de l’événement attribué à l’incompréhension entre les communautés.

Les communautés se comprenaient d’autant moins qu’elles étaient dans un insupportable rapport d’inégalité : un petit Algérien sur dix allait à l’école et la liberté du suffrage était une sinistre comédie.

Il faudra bien, un jour, devenir logique : s’il y avait un rêve algérien de liberté, notoirement affirmé le 8 mai 1945, si la tragédie devient officiellement inexcusable, comment pourra-t-on encore ne pas condamner l’usage de la torture qui se prolongea longtemps après ? Comment pourra-t-on ne pas reconnaître le caractère liberticide de la guerre et de la colonisation ? Continuer à jouer sur les deux tableaux en érigeant, à Marseille, un monument rendant hommage à l’empire colonial, ou en célébrant la fin de la guerre le 5 décembre, c’est un leurre.

Le rendez-vous annoncé pour cette année, et que l’initiative de l’ambassadeur à Alger annonce manifestement, a tout pour devenir un enjeu très important pour les rapports franco-algériens et la mémoire française de la guerre réveillée ces dernières années : les deux présidents, Jacques Chirac, pour la France, et Abdelaziz Bouteflika, pour l’Algérie, s’apprêtent à signer, sans que la date soit fixée, un traité d’amitié entre les deux pays, dont on a été jusqu’à dire qu’il rappellerait le traité qui scella la réconciliation franco-allemande.

L’amitié franco-algérienne répond au vœu de beaucoup d’Algériens, qui n’ont jamais entretenu de haine pour un pays qui, pourtant, leur a fait tant de mal, celui de l’extrême violence qui a présidé à la naissance de leur nation et qu’ils auront payée cher, comme de beaucoup de Français, qui ont souffert d’avoir été mêlés, et leur pays avec eux, à cette sale guerre qui n’osait même pas dire son nom.

L’amitié ne peut se sceller durablement que dans la vérité dite sur les épreuves qui l’ont entravée. Cela ne viendra pas tout seul. Dès le 8 mai 2005, qui sera celui du soixantième anniversaire, on devine qu’il va en être question d’une façon un peu plus que rituelle.

   

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