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Le virage ?

lundi 7 mai 2018 par Charles Hoareau

Et si les 4 et 5 mai constituaient un virage d’importance dans le bras de fer entre le grand capital et le monde du travail qui secoue la France depuis des années ? La question en tous cas mérite d’être posée.

Depuis des années « le peuple d’en bas » comme aurait dit Jack London est confronté à des attaques incessantes contre les droits sociaux, protection sociale en général et assurance chômage en particulier, bas salaires, licenciements, discriminations de toutes sortes, droit du travail, droit au logement…la liste est longue et il n’est pas nécessaire ici de détailler nous la connaissons toutes et tous pour la vivre de près.

Depuis des années, face à ces attaques, nous résistons comme nous pouvons et si nous obtenons des résultats parfois remarquables pris isolément (Fralib, La Fabrique du Sud…) le mouvement général est un recul social qui semble très difficile à enrayer. Avec Macron président les attaques se sont multipliées donnant l’impression d’un rouleau compresseur anti social aggravé par un mépris de classe affiché par celles et ceux qui nous gouvernent allant jusqu’à nous narguer et nous insulter.

Depuis des années nos résistances apparaissent comme empilées, juxtaposées mais très peu coordonnées et le dernier épisode des ordonnances n’a fait que renforcer cette sensation. Combien de journées interprofessionnelles de toutes les luttes impulsées au plan national ? Très peu, trop peu.

Il y a bien sûr au plan local d’autres stratégies que celle d’accepter le saucissonnage des luttes (un jour le public, un jour le privé, les syndicats d’un côté, les autres organisations de l’autre…) mais cela restait pour le moment des cas isolés et non une démarche nationale. Et la fameuse convergence des luttes tant évoquée restait comme un slogan, une invocation guère réalisée dans les faits par manque d’impulsion nationale.

Au plan syndical alors que le clivage se marquait fortement entre syndicats décidés à ne pas laisser faire et syndicats complices de tout, il en était dans les directions pour s’obstiner au « syndicalisme rassemblé » et rejetant toute alliance avec le politique.

Au plan politique la désunion, les querelles de leadership semblaient l’emporter sur l’intérêt commun.

Pour autant dans les Bouches du Rhône, depuis 2014 à l’initiative de la CGT, un processus départemental était engagé qui réunissait à l’origine 18 organisations syndicats, partis, associations et qui n’a cessé de grossir depuis l’origine. La lutte contre la loi El Khomri l’avait un peu éclipsé, mais ce printemps l’UD CGT 13 l’a remis à l’honneur et le 14 avril était une démonstration de l’efficacité de cette stratégie.

Dans ce processus qui est tout le contraire d’accord de sommet sur une plate-forme minimum mais où chacune et chacun vient avec ses raisons de combattre, chacune et chacun se renforce et se nourrit du combat de l’autre. Ce processus non seulement permet des victoires grâce aux forces rassemblées mais aussi élargit le regard de chacune d’elles jusque dans la dimension internationale des enjeux.

Dans d’autres départements (31, 94, région centre…) un processus comparable est enclenché et les manifestations de ces dernières semaines en ont été le signe prometteur.

Pour celles et ceux chagrins (Krasucki en son temps aurait parlé de syndicalistes atteints de « sinistrose ») qui ont ignoré ces signes et disaient que le peuple n’est pas prêt, que les luttes ne sont pas au niveau ou tout autre argument qui ne pousse pas à l’action mais à l’attentisme, deux évènements devraient servir de leçon.

Le 4 mai

Alors que nombre de médias annonçaient le contraire, le vote des salarié-e-s d’Air France à plus de 55% contre les propositions de la direction (avec une participation à plus de 80% sans commune mesure donc avec l’élection présidentielle) vient donner un démenti cinglant à celles et ceux qui contestaient le soutien du personnel sur cette question et plus généralement la représentativité des syndicats. Ce résultat est d’autant plus significatif qu’en face ils ont mis le paquet : soutien de la CGC et de la CFDT, médiatisation sur le thème de la prise d’otages par des pilotes surpayés, menace de démission du PDG et…sondages annonçant une large victoire du OUI aux propositions de la direction ! [1].

Surtout ce vote a une portée qui va bien au-delà d’Air France tant le président Macron s’est personnellement engagé médiatiquement contre les salarié-e-s. C’est en fait le coup du boomerang ! La direction qui voulait contourner les syndicats, a permis par ce référendum de mettre en évidence que l’unité des travailleurs est un concept bien plus efficace que les tripatouillages de sommet.

L’état actionnaire voulait contester la légitimité des syndicats et plus particulièrement celle de la CGT et du coup c’est la sienne qui est contestée ! La presse ne s’y trompe pas et cache mal son dépit [2] en estimant que les syndicats sortent renforcés [3] et le communiqué unitaire des organisations syndicales dit assez toute leur détermination à poursuivre une lutte qui a coûté plus cher à la compagnie que si cette dernière avait cédé aux revendications. Cette intransigeance passe d’autant moins que par la CGT les salariés ont eu connaissance du scandale des rémunérations des cadres dirigeants. [4]

Le 5 mai

Il en est pour contester la façon dont a été décidé le 5 mai, la forme festive annoncée du rassemblement voire une certaine personnalisation (dont on observera qu’elle est essentiellement le fait de la presse qui nous est hostile), mais en tout état de cause, force est de constater que ce 5 mai est l’expression d’une grande volonté populaire de s’opposer aux choix du gouvernement. A n’en pas douter c’est une grande contre-offensive associant militantes et militants ou simplement sympathisant-e-s politiques, syndicaux et associatifs. La première depuis le début du quinquennat, initiative attendue avec impatience par nombre de militantes et militants du quotidien.

Loin d’enlever au 1er mai, le 5 mai a ajouté à la mobilisation une dynamique, un espoir d’enfin faire reculer ce gouvernement autoritaire et hautain, la marée humaine était là.

En à peine un an de règne celui qui se prend pour Jupiter a réussi à soulever un pays entier dans une grande diversité des causes. Le mérite du 5 mai a été de les réunir et de les rendre visibles. Celles et ceux qui y ont participé en reviennent plus forts pour mobiliser encore davantage autour d’eux et faire grandir le mouvement.

Au lendemain de ces deux initiatives le gouvernement Macron a beau vouloir rester droit dans ses bottes il apparaît fragilisé par ces deux événements, d’autant que d’autres initiatives s’annoncent tout au long du mois de mai dont le 22 mai qu’il faudrait inter professionnaliser et non pas le cantonner à la fonction publique si on veut peser dans le rapport de forces et si on retient les leçons de ce qui se construit dans plusieurs départements et de la réussite du 5 mai.

Et puis bien sûr il y a le 26 (dont on peut observer que personne ne déplore sa proximité avec le 22 !) qui est bien parti pour constituer le point d’orgue (mais non le point final) de ces semaines de luttes. Avec le 4 et le 5 mai la confiance et la dynamique se sont sans doute inversées et l’incertitude a sans doute changé de camp.

L’histoire dira si ces deux jours auront constitué un virage décisif pour la lutte globale mais en tous cas ils sont d’ores et déjà un tremplin dont grand patronat et gouvernement doivent tenir compte.


[2Le Monde du 5 mai titre une partie de poker perdant-perdant

[3La Croix, Le Figaro

[4quatorze « hauts dirigeants » de la compagnie aérienne ont bénéficié en 2017 d’une augmentation de 67 % de leur rémunération soit un total de de 5 millions d’euros pour 357 143 euros chacun.

   

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