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Syrie : l’Occident ne veut pas entendre les témoins de Douma.

dimanche 6 mai 2018 par Jonathan Cook

La réponse des USA, du Royaume-Uni et de la France au briefing de mardi de l’OIAC, à La Haye, a été perverse, pour dire le moins. La Russie avait présenté 17 témoins de Douma, qui ont déclaré qu’il n’y avait pas eu d’attaque chimique – le prétexte à des frappes illégales contre la Syrie par trois États occidentaux.

Les témoins, des victimes et les médecins qui les avaient soignés, ont donné des explications qui confirmaient le reportage ramené de Douma, la semaine dernière, par le journaliste d’investigation britannique Robert Fisk [lire article ci-contre] – un reportage, faut-il noter, qui a presque entièrement été occulté par les médias occidentaux. Selon leurs témoignages à l’OIAC, les victimes montrées dans la vidéo de l’attaque alléguée souffraient d’hypoxie due à l’inhalation de fumée et de poussières après un bombardement, et non de gaz.

La première chose étrange à noter est que les USA, le Royaume-Uni et la France ont boycotté la rencontre, dénoncé la Russie pour avoir présenté les témoins et appelé l’événement « une mascarade obscène » et du « théâtre ». Cela suggère que ce trio, qui se comporte comme les trois singes chinois, pensent que ces témoignages vont disparaître s’ils les ignorent. Ils n’ont aucun intérêt à écouter des témoins, sauf s’ils s’accordent avec la version occidentale utilisée pour justifier les frappes de missiles en Syrie. [Leur boycott de l’événement et leur a priori, avant même qu’ils les aient entendus, contre les témoins prouve également qu’ils savaient d’avance ce que ces gens allaient dire, et pour cause… NdT]

Le témoignage des gens présents au moment des faits est sûrement déterminant pour comprendre ce qui s’est réellement passé. Les USA, le Royaume-Uni et la France sont sûrement obligés d’écouter les témoins d’abord, et ensuite seulement de tenter de les discréditer s’ils pensent que leur histoire n’est pas plausible ou qu’il ont été intimidés. Les preuves ne peuvent pas être évaluées ou réfutées si elles ne font pas l’objet du moindre examen.

La deuxième est que les médias se font l’écho de ce mépris déplacé envers les éléments de preuve. Eux aussi semblent avoir jugé d’avance de la crédibilité des témoins avant mêmes d’entendre ce qu’ils avaient à dire (tout comme dans le cas de Fisk). De façon symptomatique, le Guardian a décrit ces témoins comme des « témoins supposés » , ce qui n’est pas une formulation encourageante quant à son degré d’impartialité dans cette affaire.

Remarquons que, quand le Guardian se réfère à des témoins qui soutiennent la version des USA-Royaume-Uni-France, souvent des gens qui vivent sous la coupe de djihadistes violents, le journal ne les désigne pas comme des « témoins supposés » ou comme des gens intimidés. Pourquoi est-ce que, pour le Guardian, quelques-uns des témoins ne font qu’affirmer être des témoins, alors que d’autres sont des vrais témoins ? La réponse semble dépendre de l’accord du témoignage avec la version officielle occidentale. Il y a un mot pour cela, et ce n’est pas « journalisme ».

Le troisième problème et le plus important, toutefois, est qu’aucun des membres du trio de pays occidentaux ne nie que ces « témoins supposés » aient été présents à Douma, et quelques-uns d’entre eux figurent dans la vidéo. La ligne adoptée par le Guardian et d’autres est que « La véracité des déclarations des témoins triés par les Russes sera remise en question, puisque leur capacité à parler librement est limitée. »

Ainsi, la question n’est pas de savoir s’ils étaient présents au moment des faits, mais si ils sont forcés de raconter une histoire qui contredit la version officielle, et du même coup la raison douteuse de l’attaque contre la Syrie.

Mais cela nous laisse une autre difficulté. Personne, par exemple, ne semble douter que Hassan Diab, un garçon qui a témoigné à l’audience, soit bien le garçon montré dans la vidéo, qui avait censément été gazé avec un agent innervant trois semaines plus tôt. Comment expliquer qu’aujourd’hui, il resplendisse de santé ? Ce n’est pas comme si les gouvernements américain, britannique et français n’avaient pas eu le temps de procéder à leur propre enquête. Son père et lui disent la même chose depuis au moins une semaine à la télévision russe, qu’il n’y a pas eu d’attaque chimique à Douma.

Au lieu de quoi, nous avons des révisions qui s’ajoutent aux révisions dans une histoire qui nous avait été présentée comme si limpide qu’elle justifiait un acte d’agression militaire par les USA, le Royaume-Uni et la France contre la Syrie, sans autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU – en d’autres termes, un crime de guerre de premier ordre.

Il est utile de noter le bref reportage de la BBC. Il a suggéré que Diab était là, que c’est le garçon de la vidéo, mais que ce n’était pas l’une des victimes de l’attaque chimique. Il implique qu’il y avait deux types de victimes dans la vidéo de Douma : ceux qui étaient victimes de l’attaque chimique, et à côté, des victimes d’hypoxie.

Ce qui représente un sérieux rétropédalage par rapport à la première version.

Il est concevable, je suppose, qu’il y ait eu une attaque chimique contre ce voisinage de Douma, dans laquelle des gens comme Diab étaient certains d’avoir été gazés alors que ce n’était pas le cas, mais que d’autres à côté aient pu être réellement gazés. Il est également concevable que les effets de l’inhalation de fumée et de poussières et de gaz chimiques soient si similaires que les Casques blancs ont filmé les « mauvaises victimes », montrant des victimes comme Diab qui n’avaient pas été gazées. Il est également possible, j’imagine, que Diab et sa famille soient forcés de mentir sous la pression des Russes, et de dire qu’il n’y a pas eu d’attaque chimique.

Mais même si chacun de ces scénarios est possible en lui-même, sont-ils plausibles ensemble ? [Et surtout, pourquoi les trois pays occidentaux, qui sont si sûrs de leur fait, n’ont-ils pas demandé à interroger eux-mêmes les témoins et, s’ils pensent que ces gens mentent sous pression russe, pourquoi n’ont-ils pas demandé à l’ONU de prendre des mesures pour à les mettre à l’abri de toute possibilité de coercition, par exemple en exigeant un statut de témoin protégé pour eux ? NdT].

Ceux d’entre nous qui avons préféré ne pas nous précipiter pour juger et attendre les preuves d’une réelle attaque chimique avons invariablement été traité de « complotistes ». Mais qui propose la théorie du complot la plus fantaisiste ici, ceux qui veulent des preuves, ou ceux qui créent une série élaborée de révisions pour tenter de maintenir la crédibilité de leur version originelle ?

S’il y a quelque chose de certain dans tout ceci, c’est que la vidéo censée représenter la preuve formelle d’une attaque chimique s’est avérée n’être rien de tel.


Jonathan Cook, né en 1965 dans le Buckinghamshire en Angleterre, est un écrivain et journaliste britannique indépendant, qui vit à Nazareth.

   

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