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Moyen-Orient. L’Iran au cœur des tensions régionales

lundi 30 avril 2018 par Pierre Pahlavi pour le Diploweb

Le Moyen-Orient est une vraie poudrière et la situation plus délétère que jamais. Comment en est-on arrivé là et la guerre est-elle inévitable ?

La montée en puissance de l’Iran

PARMI les nombreuses raisons qui sous-tendent l’aggravation des tensions régionales, l’une des principales est la montée en puissance de la République islamique iranienne et son retour au centre de la scène régionale. Totalement isolé sur le plan diplomatique et marginalisé par ses capacités conventionnelles au sortir du conflit avec l’Irak (1980-1988), l’Iran du début des années 1990 adopte une stratégie multifacette et hybride qui lui a permis de progressivement s’enraciner au Liban, de satelliser la Syrie et de créer par ce biais une frontière virtuelle avec Israël.

Durant cette période, son influence reste cependant cloisonnée par l’Irak de Saddam Hussein, le Conseil de coopération du Golfe (GCC) et le régime des Taliban [1]. Autant de cadenas que les Occidentaux font sauter dans les années 2000 en délogeant tour à tour Saddam et les Taliban et en permettant à l’Iran de développer son influence en Irak et en Afghanistan.

En 2011, le Printemps arabe offre de nouvelles opportunités d’expansion de la sphère d’influence iranienne en entraînant la chute des régimes arabes laïques et anti-iraniens et en favorisant l’éclosion de régimes mieux disposés à l’égard de Téhéran (c’est notamment le cas de l’Égypte de Mohamed Morsi). Le repli des Saoudiens, la bunkerisation des Israéliens et l’annonce, par le président B. Obama, de la volonté américaine de se désengager de la région pour se reconcentrer sur le fameux « pivot asiatique » offrent une marge de manœuvre accrue aux stratèges iraniens et un bac à sable considérablement élargi pour les Pasdarans désormais plus actif que jamais au Levant et en Mésopotamie mais également dans la péninsule arabique, en Afrique du Nord, à la pointe de l’Afrique et au Sahel.

L’accord nucléaire de 2015 vient couronner le tout en ouvrant la possibilité d’une réintégration de l’Iran au sein de l’échiquier régional et d’un rapprochement avec l’Occident. À partir de là, les observateurs n’hésitent plus à qualifier l’Iran de superpuissance régionale et à évoquer une « Pax iranica » pour décrire la nouvelle configuration de pouvoir au Moyen-Orient. Mais, en même temps que l’influence iranienne atteignait son paroxysme, une ligne rouge venait d’être franchie aux yeux des rivaux régionaux de l’Iran : Israël et les pétromonarchies arabes du GCC.

Selon une logique de jeu à somme nulle, ces puissances estiment que tout gain de la partie iranienne s’accompagne nécessairement d’une perte sèche pour leurs propres intérêts. Très vite il devient urgent pour elles de contrecarrer le rapprochement irano-occidental et l’expansion de l’influence régionale de Téhéran.

Le point tournant : l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis

L’élection de Donald Trump (novembre 2016) rebat les cartes et amorce un revirement spectaculaire de la situation au détriment de la réintégration de l’Iran dans le concert des nations. Dès son investiture en janvier 2017, le nouveau locataire de la Maison-Blanche opère un virage à 180° en rompant le dialogue avec l’Iran et en amorçant un rapprochement avec Israël et l’Arabie Saoudite. Particulièrement hostile à l’égard de l’accord de 2015, Trump le « dé-certifie » en attendant, pensent les experts, de l’abroger, très prochainement, au cours de l’année 2018.

Le ton de Washington à l’égard de Téhéran se durcit d’autant plus que l’on passe d’une administration « populiste » (début 2017), à une administration « conservatrice » (fin 2017), pour finir en avril 2017 avec une équipe de plus en plus néo-conservatrice composée d’individus comme M. Pompeo et J. Bolton qui ne cachent pas leur détestation du régime iranien, voire leur volonté de s’en débarrasser. À nouveau perçu comme un État voyou et – pire – comme une extension de l’impérialisme russe, l’Iran doit être neutralisé et cantonné à sa sphère d’influence pré-2011.

Sur le terrain, l’adoption de ce que l’on pourrait appeler la « doctrine Trump » s’accompagne d’un réalignement et d’une polarisation marquée de la configuration géopolitique. D’un côté, l’Iran et l’allié russe qui s’efforcent de consolider les positions acquises en Syrie et, dans une moindre mesure, en Irak à l’aide d’une stratégie hybride appuyée sur des proxies (Hezbollah et autres milices chiites ou pro-iraniennes). De l’autre, les puissances du GCC et Israël qui, forts du soutien désormais indéfectible de Washington, oscillent entre une politique d’endiguement de l’Iran et une stratégie de « rollback » plus appuyée. C’est dans ce contexte qu’il faut analyser l’escalade croissant de la tension régionale depuis le mois de juin 2017.

L’Arabie Saoudite change de ton… et bombarde au Yémen la minorité chiite des Houtis alliés de Téhéran

Relativement contenue jusqu’à l’élection de Trump, l’intransigeance saoudienne à l’égard de l’Iran s’exprime désormais au grand jour. D’abord, sous la forme d’une guerre des mots, le prince héritier Mohammed ben Salmane, étant allé récemment jusqu’à comparer le Guide suprême à Hitler et le régime islamique à l’Allemagne expansionniste des années 1930. Au-delà de la joute verbale, l’escalade des tensions entre Téhéran et Riyad est bien réelle depuis l’adoption de la « doctrine Trump » et la rupture avec le Qatar (2017). Jusqu’ici limitée au Yémen et à la Syrie, la rivalité entre la République islamique d’Iran et le Royaume wahhabite est manifeste aux quatre coins de l’échiquier régional.

Suite de l’article Ici.


Voir en ligne : https://www.diploweb.com/Moyen-Orie...


Professeur titulaire au Collège des forces canadiennes de Toronto (Ontario), Pierre Pahlavi est actuellement directeur du département de la sécurité et des affaires internationales et directeur adjoint du département des études de la défense. Également membre de l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de la Chaire Raoul-Dandurand, UQAM (Québec).


[1Taliban est le pluriel de « taleb » (instruit, dans le sens coranique) et ne prend donc jamais de « s » NDLR.

   

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