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Le retour des perdants ou les bégaiements de l’histoire

mardi 11 avril 2023 par Francis Arzalier (ANC)

Depuis 80 ans, l’histoire des nations, prétendument chaotique, obéit en fait à une rationalité profondément ancrée dans le rapport des forces fluctuant entre l’impérialisme et les résistances des peuples. Ce qui s’est traduit par 4 épisodes séquences successives de l’histoire contemporaine, en apparence contradictoires, mais relevant de la même logique.

Séquence 1

En 1945, la Deuxième Guerre mondiale s’est conclue par l’écrasement militaire du Nazisme en Europe, et de ses divers alliés en Europe, Italie fasciste, Autriche nazifiée, dictatures fascistes de Croatie, Roumanie, Finlande, Pays Baltes et même des partisans du dictateur polonais Pildsudski, du Pétainisme pro-allemand en France et des Nationalistes pro-Nazisme en Ukraine ou au Caucase (à l’exception toutefois du Franquisme espagnol, épargné par les USA et leurs laquais occidentaux).

Ce basculement par les armes fut l’œuvre d’abord et avant tout des millions de combattants soviétiques, qui ont permis le débarquement anglo-saxon en Europe, et parallèlement la défaite en Asie du Japon impérial allié de Hitler.

1945 fut un véritable tsunami historique, un basculement partiel du rapport des forces en faveur des progrès sociaux et politiques : grâce à cette inflexion, les peuples de France et d’Italie en Europe occidentale ont pu engranger de profondes réformes (Sécurité sociale, services publics, etc) ; la partie Est de l’Europe, sous l’égide de l’Armée rouge, a entamé des expériences de socialisme étatique (réformes agraires et civiles, de RDA en Yougoslavie). Profondément marquées par leur défaite, Autriche et Finlande proclament leur neutralisme, alors que même les peuples allemand et japonais limitent drastiquement leurs dépenses militaires. Mieux encore, les décennies 50 à 70 du vingtième siècle ont connu l’effondrement des Empires coloniaux et l’aspiration grandissante des peuples d’Asie, d’Afrique et Amérique à construire une souveraineté nationale véritable.

Ce qui s’est traduit par des changements de condition de vie d’une ampleur que l’histoire n’avait jamais vécue, comme le disent les sources Onusiennes compilées par le sociologue Emmanuel Todd. : allongement de la durée moyenne de la vie, hausse du niveau d’éducation et de consommation, bien sûr d’abord dans les pays développés industriellement d’Amérique et d’Europe, mais aussi dans ceux de la « périphérie » en Asie, Afrique, malgré de fortes inégalités (ainsi l’espérance de vie pour les femmes du début 21éme siècle dépasse largement 80 ans aux USA et en Europe occidentale, mais a aussi grimpé à 78 ans en Chine et 76 au Moyen-Orient ).

Cette nouvelle séquence historique du monde libéré du nazisme ( 1945-90 ) fut pour les peuples celle de l’espoir, malheureusement rapidement déçu par la contre-offensive de l’Impérialisme, dirigé par son chef de file états-unien.

Séquence 2

La Deuxième Guerre Mondiale n’avait fait en effet que renforcer le poids de l’État impérialiste majeur, les États Unis d’Amérique, seul des protagonistes à n’avoir pas subi de combats destructeurs sur son sol. Au contraire, la guerre amena pour ce pays une croissance industrielle massive, et installa le règne mondial du dollar, devenu monnaie de change et de réserve universelle. Le seul ennemi conséquent, vu le déclin des puissances coloniales d’Europe, de cette domination mondiale états-unienne était le bloc soviétique et ses alliés en quête de souveraineté nationale, de la Chine en Asie à d’autres en Afrique et Amérique latine.

Les USA construisirent alors un système mondial « d’endiguement du péril communiste », qu’on nomma de « guerre froide » selon la formule de Winston Churchill, même s’il inclut des conflits sanglants (en Corée, au Vietnam, etc…). L’objectif était surtout d’empêcher toute extension du socialisme et des indépendances nationales, grâce à d’énormes dépenses militaires (des centaines de bases surarmées et de flottes équipées d’avions et fusées nucléaires autour d’un « camp socialiste », des milliers d’actions subversives organisées par les services secrets occidentaux).

Ce dispositif ne pouvait fonctionner que grâce à des alliés sur tous les continents, ceux de l’OTAN en Europe occidentale, OTASE en Asie, etc…, accueillant les bases US (de Turquie en Corée du Sud) et secondant les États-Unis sur la base d’intérêts communs (défense du capitalisme) malgré leurs intérêts concurrents (avec les colonialistes français par exemple).

C’est dans ce cadre que les USA ont remis en selle les perdants de 1945 grâce aux milliards du Plan Marshall, pour en faire des alliés de poids contre le « camp socialiste » : Allemagne de l’Ouest, Italie, Japon, mais aussi, les nationalistes vaincus en 1949 sur le continent chinois et regroupés dans l’île de Taiwan, devinrent les « remparts du monde libre » anticommuniste par ce biais.

Séquence 3

La décennie 90 du 20éme siècle remodela le rapport de forces mondial, par l’implosion de l’URSS et du « camp socialiste » européen qui en dépendait, à l’issue certes des pressions, notamment militaires, de l’impérialisme états-unien et ses alliés occidentaux, mais plus encore de la décrépitude de ses élites politiques et sociales, engluées peu à peu dans le bureaucratisme et un cariérisme suicidaires.

Les mêmes dérives, par contrecoup, entraînèrent une destruction progressive des organisations révolutionnaires dans le reste du monde, phénomène aggravé aussi par les délocalisations industrielles organisées par des Capitalistes en quête de bas salaires et de profits élevés. Ce faisant, ils démantelaient dans les « vieux pays industriels » occidentaux, notamment européens, les classes ouvrières, support social essentiel depuis deux siècles des partis révolutionnaires.

Cet effondrement de la fin du 20éme siècle suscita l’euphorie des idéologues tenants du Capitalisme, qui clamaient alors « la fin de l’Histoire », la victoire définitive de leur modèle social, et, de ce fait, un monde pacifié faute d’ennemis le contestant.

Ce qui était d’autant plus irrationnel que les inégalités croissaient entre les peuples « du Sud » soumis à la domination et l’exploitation des Impérialistes. En fait, cela ne pouvait qu’entraîner en retour des mouvements populaires multiformes pour l’indépendance nationale et le droit au développement autonome.
La volonté de maintenir ou d’étendre la domination impérialiste s’est traduite dès la fin du siècle 20 et le début du 21éme par de multiples guerres, organisées et nourries par les Impérialistes dominants, États-uniens, et leurs alliés-subalterne d’Europe occidentale ou d’Asie.

Pour ne citer que les plus importantes :

  • / Guerres en Yougoslavie, redevenue capitaliste, avec l’aide de nationalismes locaux. (1991-2001)
  • / Guerre et invasion de l’Irak par l’armée US et ses supplétifs (2003)
  • / Guerre et destruction de l’État national de Libye par la France de Sarkozy pour l’OTAN (2011)
  • / Guerre et occupation de l’Afghanistan, sous direction US (2001-2021)
  • Etc…

Dans chaque cas, l’intervention militaire impérialiste a su utiliser des subversions internes contre les États nationaux jugés par les dirigeants occidentaux coupables de ne pas accepter la férule impérialiste occidentale, quels que soient par ailleurs leurs qualités ou leurs défauts mis en avant : Saddam Hussein l’irakien, Khadafi en Libye, et Hafez El Assad en Syrie (2011-21).

Et cet interventionnisme impérialiste occidental direct et indirect s’est poursuivi tout au long de la période par le financement et l’armement de mouvements subversifs locaux, lors des « révolutions arabes » (Égypte, etc…) ou des « révolutions de couleur », dans les pays de l’est européen et du Caucase (Géorgie, Ukraine, etc…), et par l’extension de l’OTAN comme alliance anti-russe dans l’Europe orientale et centrale « libérée du communisme ».

Un jeu parfois dangereux : les insurgés intégristes islamistes soutenus par les USA en Afghanistan où au Moyen Orient ont donné naissance au terrorisme islamiste qui a détruit les tours de Manhattan en 2001 et nourri Daesh en Irak et Syrie (à partir de 2006, jusqu’en 2020).

Séquence 4

Les deux premières décennies du 21éme siècle ont entamé un nouveau basculement progressif du rapport de forces mondial, au détriment de l’Impérialisme à direction États-unienne, cette évolution est révélée par deux ou trois événements essentiels.

Les guerres menées ou suscitées par les États Unis et leurs alliés sont nombreuses, mais plusieurs d’entre elles se terminent en défaite militaire :
C’est notamment le cas en Afghanistan, que les troupes US et alliées ont dû évacuer en catastrophe malgré 20 ans de combats, en livrant le pays aux Islamistes Talibans, devenus grâce à leur occupation les représentants de la cause nationale.

C’est aussi le cas en Syrie, où l’objectif occidental de destruction de l’État national dirigé par El Assad a échoué, malgré dix ans de conflit meurtrier et d’alliances hypocrites avec les subversions islamistes, et cela essentiellement grâce à l’aide militaire et économique apportée au régime de Damas par la Russie redevenue une puissance indépendante de l’Occident sous la direction de Poutine.
On peut même y ajouter la déconfiture de l’armée française engagée au Sahel africain comme gendarme mandaté par l’Occident, et réduite en 2022 à faire place à la milice privée russe Wagner du Mali au Burkina et Centrafrique.

Parallèlement, la pratique constante durant quatre décennies des Capitalistes occidentaux de transférer leurs capitaux vers les pays à bas salaires d’Asie et Afrique au détriment de leur implantation dans les « vieilles » puissances industrialisées a permis une croissance fulgurante des industries asiatiques, et notamment de l’immense marché qu’est la Chine et son milliard 400 000 d’habitants.
À tel point qu’au début de ce siècle, une bonne partie des élites dirigeantes des USA et de leurs alliés-supplétifs d’Europe se sont convaincues que la compétition avec la Chine et autres concurrents était d’ores et déjà perdue sur le plan économique, et que la primauté de l’Impérialisme occidental ne pouvait être pérennisée que par la guerre.

Ce fut donc, contrairement aux engagements pris il y a 30 ans, l’extension de l’OTAN comme alliance anti-russe, et des alliances militaires anti-chinoises en Asie, le soutien aux nationalismes antirusse en Europe de l’Est et anti-chinois dans le Pacifique.

Et finalement la guerre contre la Russie en Ukraine, commencée dès 2014 par les bombardements ukrainiens du Donetsk, et élargie en conflit de haute intensité par la réplique russe en 2022, dont l’issue est pour l’instant imprévisible, puisqu’une partie de l’Establishment occidental, de Washington à Varsovie, n’envisage aucun compromis, mais seulement la défaite russe.

D’autant que parallèlement à cette guerre, l’hégémonie mondiale de l’impérialisme occidental semblait continuer de s’effriter, comme le montrent les votes à l’ONU, révélant le rétrécissement des partisans du bellicisme « pro-ukrainien », jusques et y compris en Europe et Moyen-Orient (Hongrie, Bulgarie, Turquie).

Le plus significatif est de voir le Royaume pétrolier d’Arabie Saoudite, qui fut depuis presque un siècle la créature armée des USA dans la sous-région, se réconcilier avec l’ennemi iranien de Washington sous l’égide de la Chine, en négociant avec elle des contrats payables en monnaie chinoise à la place du dollar. Alors que les sanctions occidentales ne parviennent guère à « détruire l’économie russe », comme souhaité par le belliciste français Lemaire.

Il reste que la guerre continue à ravager l’est de l’Europe, sans issue proche, mais avec des risques toujours présents d’extension incontrôlée par les menées des plus bellicistes du camp occidental, de Washington à Varsovie, de Tokyo à Taipeh.

Et l’issue pacifique nécessaire est d’autant plus imprévisible pour l’instant que le mouvement populaire anti-guerre, anti-impérialiste, est depuis un an largement insuffisant dans nos pays (USA, France, Allemagne, Pologne, etc…) responsables du conflit par leurs livraisons d’armes et de combattants qualifiés aux nationalistes ukrainiens.

Il est vrai que la pression belliciste qu’exercent les médias de nos pays sur l’opinion n’a jamais atteint une telle intensité, et une telle efficacité dans le formatage des esprits. Le troupeau des chiens de guerre, de TF1 à BFM, FR3, et autres chaînes de télévision, se contentent habituellement de répéter les dires des Nationalistes de Kiiv, et de l’OTAN, assurés ce faisant d’exercer la liberté de la presse, qui consiste selon eux à ne confier la parole qu’à leurs partisans, dont les affirmations sont la vérité, qui ne saurait être contestée que par d’odieux complotistes.

Certains vont jusqu’au délire irrationnel, comme l’ineffable Raphaël Gluksmann, invité de la 5éme chaine durant le récent week-end de Pâques, en tant que philosophe post-moderne des beaux quartiers parisiens. Fort de ses certitudes (« la Russie nous fait la guerre » !), il éructe sa haine de cet ennemi séculaire (« Nous sommes la démocratie, Ils sont les barbares »).
Arguant de ses ancêtres juifs martyrisés, en toute malhonnêteté, il énumère les crimes russes dignes de Hitler, déportation d’enfants, massacres d’innocents, etc…), en oubliant au passage ce constat historique, tout nationalisme incite au crime, surtout en contexte de guerre ouverte.

C’est bien pourtant, sur les champs de bataille, et dans les discours médiatiques justificatifs, du retour des Perdants de 1945 qu’il s’agit, si nos peuples ne savent l’empêcher.

10 avril 2023

   

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