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Le grand conflit idéologique français

vendredi 21 octobre 2022 par Francis Arzalier (ANC)

Le paysage idéologique en France a toujours été contradictoire, seule une lecture dialectique peut en exprimer les multiples visages à un moment donné de l’histoire.

Des milliers d’historiens ont décrit ses traditions et héritages révolutionnaires, nés des avant-gardes militantes dès le 16éme siècle, relecture des auteurs antiques dynamitant la scholastique médiévale, rationalisme cartésien et Lumières rousseauistes, Révolution de 1789-94 qui accouche de la Nation française, Révolutions de 1848 et 1871 qui intronisent la classe ouvrière comme acteur structurant l’histoire de la France, luttes de classe pour l’égalité sociale, l’indépendance nationale et la paix tout au long du 20éme siècle, des grèves de 1936 aux combats de la Résistance antinazie, des foules manifestantes contre les guerres coloniales et l’arme nucléaire à celles de mai 68 : avec un axe central incarnant ces héritages séculaires, la cohorte des militants communistes, ouvriers, employés, écrivains et artistes…

Oui, la Nation française a des héritages rationalistes et révolutionnaires indiscutables, même si, comme le chantait Jean Ferrat, nos dirigeants « républicains », colonisateurs et Impérialistes, en ont « usurpé le prestige » en allant conquérir et piller les peuples d’Afrique et d’Asie. Comme le disait Marx, le peuple français a tout au long des siècles 18 à 20 su régulièrement « poursuivre les luttes de classes jusqu’au bout », et même au-delà des possibilités incluses dans la réalité sociale, en 1794, 1848, 1871, 1936 et 45, et jusqu’en 1968 : elle a ainsi souvent été un lieu privilégié d’expériences historiques ouvrières et lyriques, dont les acteurs, plus souvent martyrs que vainqueurs, serviront de modèle aux révolutions mondiales du futur.

Car la France a toujours eu parallèlement une autre tradition, celle portée depuis des siècles par une bourgeoisie dirigeante agressive à son peuple et aux autres, une tradition de pouvoir et de répressions sanglantes, de richesse et d’inégalité sociale égoïste, de conquête militaire et de pillage des autres peuples.

L’État royal a ainsi organisé la colonisation française dès le seizième siècle, par le biais de la traite esclavagiste des Africains, qui a fort enrichi la bourgeoisie côtière, puis fait la conquête de son Empire africain et asiatique au 19éme. Et ces quatre siècles de colonialisme se sont accompagnées d’idéologie raciste et de xénophobie (il est plus facile de justifier à ses propres yeux l’exploitation de peuples jugés inférieurs), qui persistent encore aujourd’hui : le mépris des Africains au 18ème siècle a été relayé par le racisme prétendument « scientifique » au 19éme, par la xénophobie antisémite du début 20ème, et se poursuit en haine anti-musulmane tout au long du 20ème et encore aujourd’hui.

Car cette idéologie au service des dominants a imprégné toute une partie des prolétaires qu’ils exploitent, par le biais de « médias » toujours plus efficaces pour modeler l’opinion : moyens « d’information » ou de fiction, écrits et surtout audiovisuels, publicités et séries télévisées, mais aussi réseau éducatif sont des vecteurs de l’idéologie des possédants. Faut-il rappeler que l’on a enseigné l’inégalité entre les races dans les écoles françaises laïques jusqu’après 1945 ?

Quatre siècles d’histoire de la Nation française, quatre siècles d’opposition constante et parsemée d’épisodes brutaux, entre deux mouvances idéologiques antagonistes, celle révolutionnaire et rationaliste, et celle de pouvoirs, d’exploitation, de répression et de manipulation.
La nation française est à la fois héritière de l’une et de l’autre : il suffit pour s’en convaincre de noter qu’elle fut à la fois une puissance coloniale durant un demi-millénaire, et le premier pays dans lequel les Révolutionnaires Robespierristes ont osé prononcer l’abolition de l’esclavage en 1794, avec une telle avance sur l’opinion qu’il faudra l’abolir une deuxième fois définitivement en 1848.

Le grand basculement idéologique français

Puis est venue cette fin de 20éme siècle et ce début calamiteux du 21éme, dont on constate chaque jour un peu plus les effets délétères sur l’histoire de notre pays.

Le monde bascula vers 1990, quand, après de longs soubresauts exprimant sa décrépitude, le « camp socialiste » adossé à l’Union soviétique, qui avait incarné l’espoir de jours meilleurs pour des milliards de « spoliés de la terre », disparut sans gloire et presque sans résistance populaire, plus souvent par la démission des « élites » supposées le diriger, que par la défaite économique ou militaire.

Cet effondrement suicidaire des pouvoirs communistes à l’Est entraîna celui des forces organisées d’inspiration révolutionnaires dans l’Occident capitaliste et notamment la France. Progressivement asséchées par la destruction des « forteresses ouvrières » des grandes entreprises industrielles délocalisées par leurs actionnaires, engluées chaque année un peu plus dans le carriérisme et l’électoralisme de leurs dirigeants, politiciens plus que militants, ces mouvances révolutionnaires et rationalistes ont perdu en trois décennies leur ancrage dans les luttes populaires, et chaque année un peu plus de leurs repères fondateurs ; de « Mutation » en « Union des Gauches », qui se traduisait en allégeance à une Social-Démocratie convertie aux dogmes libéraux, la mouvance révolutionnaire a glissé peu à peu à un humanisme bêlant au lieu d’anti-impérialismes, aux compromis sociaux et politiciens en guise de luttes de classe.

Comme en Europe de l’Est, la confrontation idéologique séculaire qui était une spécificité de la France s’est délitée au fil des ans par l’effondrement progressif du camp rationaliste et révolutionnaire. Car son concurrent idéologique lié à la bourgeoisie possédante et dirigeante ne cesse à l’inverse de se renforcer, notamment par le développement inouï de la technologie médiatique, qui lui assure un pouvoir démesuré de manipulation de l’opinion.

Et cette manipulation de masse est d’autant plus forte qu’elle se double, grâce à l’affaiblissement des organisations anti-impérialistes en France, de modes successives venues des USA, ce pays né d’une colonisation exterminatrice et esclavagiste, devenu grâce aux deux guerres mondiales qui ont ravagé les nations d’Europe au 20ème siècle la puissance mondiale dominante, économique et militaire. Ces modes qui peuvent paraître anodines quand elles sont vestimentaires ou culinaires, instillent un poison durable et redoutablement efficace dans le domaine idéologique.

L’exemple le plus nocif et récent est l’importation catastrophique dans la jeunesse française de modes caricaturales MEE-TOO et WOKE nées aux USA, alors que notre pays a été à l’avant-garde des luttes pour l’égalité entre hommes et femmes et entre Noirs et Blancs il y a plus de deux siècles grâce à des militants-héros comme Olympe de Gouges ou l’Abbé Grégoire.
Voir ces combats toujours nécessaires submergés par une dérive démagogique faite de délations médiatisées en dehors de la loi et organisant la division des victimes selon leur sexe, leurs préférences sexuelles ou leur couleur de peau, est une régression historique évidente.

Parmi des milliers d’autres indices de cette débandade idéologique, comment ne pas noter le commentaire récent « consensuel » et consternant d’un dirigeant du PCF après que les citoyens de Donets et Loubiansk, annexés malgré eux et bombardés par l’Ukraine nationaliste, aient exprimé par référendum leur désir de réintégrer la nation russe :
« En franchissant ce nouveau seuil de l’inacceptable, le Président Poutine vient de rendre encore plus difficile le chemin vers l’indispensable cessez-le-feu ». (le fil rouge, 7 octobre 2022).

Un inacceptable transfert de responsabilités, dans la bouche d’un militant qui se battait il y a des décennies pour le droit du peuple algérien d’arracher son indépendance à la France qui prétendait l’absorber, et le droit intangible de tout peuple de choisir son destin. (« la France, de Dunkerque à Tamanrasset », disait le ministre social-démocrate Mitterrand ! ).

Car ces inflexions de l’idéologie se traduisent très vite par des conséquences politiques majeures, au profit des politiciens conservateurs, d’extrême-droite, et l’affaiblissement des luttes populaires.

L’ensemble de ces effondrements idéologiques depuis quarante ans des héritages rationalistes et révolutionnaires en France, au profit du conglomérat idéologique libéral, de plus en plus imprégné d’autoritarisme, d’individualisme brutal et méprisant les plus faibles (ils mériteraient leur sort selon nos privilégiés de la richesse et du pouvoir !).

Ces effondrements qui n’ont pour but qu’épuiser les revendications de tous ceux qui n’ont que leur force de travail pour assurer leur subsistance quotidienne ont un nom : c’est une véritable Contre-révolution idéologique libérale qui pèse encore très fort sur le niveau des luttes sociales et politiques.

Notre pays a déjà vécu plusieurs fois ces vagues régressives, ainsi celle dite de Restauration qui tenta sans succès durables de 1815 à 1830 d’effacer les conquêtes de 1789-94.
Avant que les luttes populaires ne les réinstallent en 1848.

Les luttes sociales actuelles sont-elles les prémices d’une reconstruction de l’héritage français révolutionnaire ?
Nous ferons en tout cas tout pour qu’elles en soient le début.

Le 20/10/2022

   

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