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Un nouveau Sommet des Amériques : pour quoi faire ?

dimanche 12 juin 2022 par Atilio Borón

En parcourant les pages du journal argentin pagina12, je suis tombé il y a quelques jours sur cet article écrit par le sociologue Atilio Borón au sujet du Sommet des Amériques. Or, bien qu’il ait été publié avant la tenue du sommet en question, il me semble qu’il s’agit d’un article d’un certain intérêt.(RT-ANC)

A cinq mois d’un scrutin de mi-mandat, qui revêt une importance cruciale dans le mesure où il pourrait mettre fin, de facto, au mandat du président Joe Biden (au cas où les républicains obtiendraient la majorité à la Chambre de représentants et remporteraient quelques sièges au Sénat), celui-ci fait face en ce moment à des difficultés majeures.

La violence déchaînée (fusillades incontrôlées presque tous les jours) unie à la prolifération de milices armées partout dans le pays, installent les États-Unis dans une situation que certains analystes comme le professeur Jason Stanley ont désigné sous le nom de « phase légale du fascisme ».
Il s’agirait de la phase qui, dépendant de l’évolution globale du pays (économique, politique et sociale), précéderait la consolidation pure et simple d’un régime fasciste de parti unique.

Concernant la situation économique du pays, il n’est pas vain de rappeler que la pauvreté ne cesse d’y augmenter et que les prix (en tête desquels se trouvent ceux de l’énergie et des aliments) grimpent en flèche, en raison de l’absurdité de l’application contre la Russie de sanctions économiques qui, par un « effet boomerang », sont en train de faire sombrer les économies du monde entier dans un cauchemar inflationniste.

L’incapacité à garantir aujourd’hui du lait infantile auprès de millions d’enfants –question uniquement envisageable dans des pays sous-développés– ne fait qu’accentuer un mal-être économique qui se reflète dans ces faibles 39% d’approbation de la gestion présidentielle, selon un récent sondage de l’Associated Press.

Voici maintenant une liste non exhaustive mais qui en dit long sur la périlleuse situation politique étasunienne :

  • - des doutes sur la capacité mentale du président pour continuer à occuper son poste ;
  • - une politique étrangère calamiteuse qui, plutôt que de privilégier une solution diplomatique à la crise en Ukraine, n’a eu de cesse d’alimenter l’escalade militaire entre les belligérants (faisant au passage le jeu des voyous propriétaires du complexe militaro-industriel) ;
  • - une incohérence politique envers la Chine qui frise la folie et que même Kissinger s’est permis il y a quelques semaines de remettre en question.

À tous ces problèmes s’ajoutent les craintes des dirigeants démocrates de voir revenir un « Trump Rechargé » face auquel il n’existe aucun leader alternatif parmi les Démocrates. Ainsi, nous pouvons affirmer que l’arrière plan du Sommet des Amériques est pour le moins sombre.

Déclin inéluctable

Mais pourquoi un président assiégé par tant de problèmes décide d’organiser une telle réunion ?
Tout simplement parce que la manière dont les États Unis lisent cette partie du monde qu’ils ont contrôlée pendant la majeure partie du XXe siècle est simpliste, voire réductrice. En effet, ils n’ont pas pris l’ampleur réelle des changements survenus suite à l’irruption d’Hugo Chavez dans l’arène politique.

Cela a changé -de manière drastique dans certains pays- la perception que les gouvernements de la région avaient des États-Unis ; pays dont le déclin sera à partir de ce moment-là reconnu et assumé comme inéluctable. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’une projection erronée mais bien d’une réalité dont nous sommes aujourd’hui les témoins privilégiés et qui marque le début d’une nouvelle ère géopolitique.

Ce changement de perception est essentielle car il a permis de déceler ce qui se cachait derrière les promesses « non tenues » des États-Unis : rien de plus que la sauvegarde de leurs propres intérêts.
Du Sommet du Québec, célébré en 2001, jusqu’à aujourd’hui, l’objectif précédemment évoqué reste le même. C’est à partir de cette lecture, pour le moins simpliste, que l’establishment diplomatique de ce pays a cru pertinent d’organiser, avec l’exclusion inacceptable de Cuba, du Venezuela et du Nicaragua, un nouveau sommet dont le seul but est d’aligner les gouvernements de l’Amérique Latine et des Caraïbes sur les guerres de l’empire : cette fois-ci contre la Russie et, demain, dans celle qu’il faudra, selon le Secrétaire d’État Américain, le médiocre Anthony Blinken, mener contre la Chine.

Néanmoins, ce projet fait face à un écueil majeur : le géant asiatique est aujourd’hui le premier ou le deuxième partenaire économique et commercial de pratiquement tous les pays de la zone concernée, et même des pays clairement enclins à suivre les directives tracées par Washington refusent de mordre la main qui les nourrit.

C’est pourquoi dans une récente interview le président du Venezuela, Nicolas Maduro, affirmait que le Sommet n’a ni agenda ni plan ni projet, rien !

Son seul et unique objectif étant celui de perpétuer l’exclusion de Cuba, du Venezuela et du Nicaragua. Rien d’autre. Il va sans dire qu’il n’y aura pas de déclaration commune mais tout au plus un débat très sérieux sur les problématiques que nos différents pays traversent.

Cependant, nous pouvons supposer que les pays membres de la CELAC exigeront des nouvelles définitions, et il est fort possible que cette responsabilité de dire haut et fort ce que beaucoup de dirigeants de la région pensent de notre relation avec les Etats-Unis soit assumée par le président argentin, Monsieur Fernandez, président pro tempore de la CELAC [1].

Par exemple, que Washington mette fin aux pratiques d’intervention et déstabilisation des pays de la région (pratiques mille fois avérées par les documents déclassifiés par le gouvernement des États-Unis). La liste serait interminable et tout le monde la connaît.

Un autre sujet important : en finir avec le double discours que Washington a l’habitude de pratiquer en matière de droits de l’homme. Autrement, comment expliquer que les États-Unis (comme le Canada) ne fassent pas partie de la Convention américaine relative aux de droits de l’homme ou qu’ils refusent de reconnaitre la compétence de la Cour interaméricaine de droits de l’homme et même de la Cour pénale internationale ?

Est-il possible que le soi-disant champion mondial en matière de droits de l’homme s’enferre dans de telles contradictions ?

Ou encore : si l’Amérique latine et les Caraïbes se sont autoproclamés des « zones de paix », alors comment expliquer l’existence de 76 bases militaires dans nos pays d’après le « Commandement sud des États-Unis » ?

  • Ce sont des bases pour lutter contre qui ?
  • Où se trouve en ce moment l’armée ennemie rendant impérative la présence d’autant de bases militaires étasuniennes ?
  • Il n’y a aujourd’hui dans la région aucune force militaire extracontinentale. Ni la Russie, ni la Chine, ni l’Iran n’ont débarqué avec leurs troupes sur notre continent. Alors, si de tels rivaux sont inexistants, quelle est la véritable raison de cette présence militaire ?
  • Garantir l’accès exclusif à nos ressources naturelles stratégiques ?
  • Contrôler les peuples de la région au cas où ils prendraient des décisions allant à l’encontre des intérêts étasuniens ?

Libre échange

Rappelons d’emblée que lors des sommets successifs il a toujours été demandé de plus en plus d’ouverture commerciale, tout en vantant, au même temps, les vertus d’un libre échange sans subventions ni pratiques déloyales. Cependant, l’économie étasunienne est, pour de nombreux items commerciaux, hautement protectionniste, imposant des barrières douanières et non-douanières ainsi que de « quotas d’importation » utilisées dans le seul but de discipliner les pays aux économies les plus fragiles.

Mais lorsque dans les années 90 les pays de la région ont adopté les directives du Consensus de Washington, les résultats ont eu comme conséquence un véritable holocauste social aux dimensions gigantesques. C’est Monsieur Biden lui-même qui a répété à plusieurs reprises que le ruissellement ne marche pas et que ce type de fonctionnement de l’économie a contribué, même aux États-Unis, outre la perte de compétitivité de son économie, à une concentration obscène de la richesse.

Nous nous demandons alors pourquoi ils exigent de nous d’appliquer des recettes qui ont fait chez eux la preuve de leur inefficacité. En Argentine, le gouvernement de M. Macri a montré les effets dévastateurs corrélatifs aux politiques de libéralisation, de privatisation et d’ouverture totale de notre économie. Nous ne pouvons pas nous permettre de reprendre encore une fois ce chemin.

En ce qui concerne Cuba, on devrait exiger, au plus vite, la fin du blocus criminel que ce pays subit et qui est à ce jour le plus long de l’histoire universelle.

Aucun pays, aussi rebelle qu’il fût, n’a jamais subi de la part d’un empire le blocus que ce petit pays doit supporter depuis déjà soixante douze ans, tout simplement parce qu’il a décidé un jour de prendre son destin en main. Le blocus est un crime contre l’humanité et les États Unis doivent y mettre fin au plus vite.
Pourtant, il a été renforcé pendant la pandémie, rendant ainsi les politiques de l’empire encore plus immorales et cruelles. Et nous pouvons dire la même chose au sujet du Venezuela et du Nicaragua : il faut mettre fin aussi bien au blocus qu’aux agressions permanentes lancées contre ces deux pays-là.

Car il s’agit d’une politique qui ne provoque pas seulement de la souffrance chez les agressés mais qui mine aussi les bases morales de l’ordre politique à l’intérieur de l’empire.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Jason Stanley, précédemment cité, voit planer l’ombre terrifiante du fascisme sur les États-Unis. Le crime commis par ce pays en instaurant le blocus devient, dialectiquement, le poison qui ronge et détruit son âme.

Atilio Boron est un politologue et sociologue argentin.
Lien vers le texte original : https://www.pagina12.com.ar/427896-la-sinrazon-de-una-nueva-cumbre-de-las-americas

Traduction( RT-ANC)

   

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