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L’Islamophobie, une passion à la française. (Chapitre 2)

jeudi 4 novembre 2021 par Badia Benjelloun (ANC)

La notion de l’islamophobie, reconnue comme un préjugé envers l’Islam, est ancienne. Cette prévention a été identifiée, il faut le préciser d’emblée, chez l’Occidental envers le musulman qui résiste à la conquête armée. Dans son acception actuelle, le terme réapparaît dans les années quatre-vingt du XXème siècle. Nous admettons ici qu’il désigne non pas une aversion ou une critique de l’Islam mais l’ensemble des faits sociaux où des personnes de confession musulmane ou simplement supposées l’être qui subissent des discriminations, de l’humiliation, des brimades et de la violence.

Le 11 septembre 2001

Un troisième temps allait venir consolider cette construction purement idéologique où vont être emprisonnés les hommes, piégés dans une réalité fabriquée par les médias, bien plus réelle que la faim qui peut les assaillir ou le travail abrutissant qu’ils accomplissent pour la tromper.

Le 11 septembre 2001, alors que la crise des dot.com battait son plein de faillites de fonds spéculatifs qui avaient misé sur le vent de l’autoroute de l’information et de ses start-up, deux avions d’une ligne aérienne ont percuté les deux tours jumelles du World Trade Center à New York, les ont fait s’effondrer alors que, sans avoir été heurtée, une troisième tour voisine connaissait un collapsus similaire quelques heures plus tard.

Autre symbole de l’hégémonie étasunienne, le Pentagone, fut touché par un autre avion, l’aile qui abritait les archives a été calcinée. L’attentat n’a jamais été revendiqué. Mais très vite, on a fait savoir que des passeports de terroristes arabes et musulmans, les présumés auteurs de l’attentat, ont été retrouvés parmi les ruines à Manhattan, sous les poutrelles d’acier en fusion et les décombres fumants.

Dès lors, la chasse fut ouverte. Les desperados des bidonvilles des pays arabes recrutés pour faire le sale boulot de la CIA en Afghanistan, embrigadés à Kandahar, ont été promus comme les représentants officiels de l’Islam parti en guerre contre la civilisation occidentale.
Al Qaïda, organisation faite de mercenaires et de militants islamistes sincères, créée par la CIA, armée par le Pakistan, financée par les Ibn Saoud, pour combattre l’Armée rouge est devenu le prototype de l’ennemi de l’Occident. Le prétexte existait désormais pour lancer la mise en œuvre d’une guerre sans fin prétendument contre une idéologie, alors qu’elle était bien réelle, sanglante et destructrice de pays et de peuples musulmans et le plus souvent arabes.

Fabrication de terroristes 2.0 après l’occupation de l’Irak

C’est dans un Irak dévasté après l’occupation et le saccage par l’armée d’occupation des Usa qu’eut lieu la deuxième fabrique de terroristes.
Les images des prisonniers de guerre irakiens dans la prison d’Abu Ghraïb répandues dans le monde entier dès avril 2004, insoutenables, sont devenues iconiques de l’agression américaine sur le peuple de Mésopotamie.

Les interrogatoires ne produisaient aucune information pertinente, il fallait ‘assouplir’ les hommes capturés, le plus souvent de simples citoyens sans aucun engagement politique, c’est-à-dire redoubler de cruauté, perpétrer des crimes de guerre.
La photographie de l’homme nu au sol tenu en laisse par une femme souriante, celle de l’homme cagoulé hissé sur un carton, les bras en croix noué à des fils simulant une électrocution imminente, celle encore du monceau d’hommes nus empilés les uns sur les autre, chacune est authentique, nul n’a songé à les contester.

Dès juillet 2003, Amnesty International avait alerté sur les nombreuses violations de droits de l’homme perpétrés par l’armée américaine en Irak. Détenus enfermés dans des tentes par grande chaleur sans eau et sans vêtement de rechange pour plusieurs semaines. Privation de sommeil, positions douloureuses prolongées, agressions sonores et lumineuses. Rapidement, le nombre de prisonniers était passé de 700 à 7 000 sans augmentation de l’encadrement pénitentiaire.

Dès mai 2004, des fuites émanant d’anciens responsables du Pentagone parues dans la presse ont établi l’existence d’un programme ultra-secret (special Access program), disposant de fonds illimités et non traçables, et reposant sur un nombre réduit de personnes.

La règle en matière de traitement des prisonniers, c’est l’absence de règle.

Ce programme appliqué à Abou Ghraïb avait été mis en place quelques semaines après le 11 septembre en Afghanistan. Torture et humiliation, singulièrement sexuelles, sont recommandées pour obtenir des renseignements. La résistance vigoureuse des Irakiens occupés, de plus en plus active, semble avoir surpris l’occupant, censé pourtant avoir amené la démocratie avec ses bombardements.

Le programme a été mis en place sous l’œil vigilant de Rumsfeld qui a créé un poste inexistant avant son arrivée à la Défense, celui de sous-secrétaire à la Défense pour le Renseignement qu’il a attribué l’un de ses affidés, Stephen Cambone, néoconservateur à souhait, partisan depuis toujours de la destruction de pays ‘voyous’.

D’avoir shunté les officines habituelles, trop précautionneuses à l’égard du droit alourdies de procédures bureaucratiques qui remontent les chaînes de commandement et juridiques selon lui, a permis les confidences d’anciens et de membres toujours en activité de la CIA et du NSA.

Quelques soldats réservistes ont payé de quelques années de prison leur ingénuité d’avoir posé pour un portait près de leurs victimes. Ils étaient en bout de chaîne d’une doctrine dûment élaborée, inspirée par l’ouvrage de 1972 d’un rabbin anthropologue d’origine hongroise, Raphael Patai, qui en quelques pages décrivait la mentalité de l’Arabe, ne comprenant que la force et très susceptible aux humiliations sexuelles.

Abou Ghraïb n’était que l’un des quatre centres de détention où l’armée de l’occupation entreposait des hommes et quelquefois des femmes destinés à recevoir un traitement d’ « assouplissement ».

Le camp de Bucca, à la limite du désert, près de la frontière koweïtienne, a accueilli en six ans près de 100 000 prisonniers dans des conditions inhumaines. Là, sous l’œil des geôliers étasuniens et à portée de leurs systèmes de surveillance et d’écoute, une école de djihadistes s’est créée.

Parmi les enseignants et les maîtres recruteurs, on peut recenser Muhammad al Khifaoui dit Haji Bakr, ancien colonel d’État-major de l’armée irakienne et le personnage connu sous le nom d’Abou Bakr El Baghdadi, un sunnite enseignant de théologie à Bagdad jusqu’à l’invasion de son pays.

El Baghdadi fera un séjour de quelques mois dans les prisons d’Adder et de Bucca avant d’être relâché par la puissance occupante en décembre 2004. Il rejoindra alors la branche irakienne d’al Qaïda pour devenir par la suite le dirigeant de l’éphémère proto-État islamique d’Irak et du Levant et finalement « khalife », doté de plus de véhicules blindés que la France.

La filiation est certaine et attestée, Al Qaïda est bien la création de la CIA, en témoignent les affirmations filmées de H. R. Clinton. L’État islamique d’Irak, puis d’Irak et du Levant de même que le Front Al Nosra, organisation dont l’ancien ministre Fabius a proclamé qu’elle faisait du bon boulot, sont des rejetons nés de scissions de cette même Al Qaïda.
Les attentats commis en France et dans différents pays africains en leurs noms sont donc à mettre au crédit d’opérations occidentales.

Le contexte français, matrice d’une variété de l’islamophobie

Le contexte français a favorisé la montée du rejet de l’Islam en raison d’un ressentiment persistant contre les anciens colonisés d’Afrique du Nord, phénomène qui n’existe pas par exemple au Royaume-Uni. Ce sont des Français anciens colons en Algérie, recyclés pour certains dans l’aide à la CIA pour fomenter des actions sous faux drapeau, qui ont discrédité la gauche et l’extrême gauche en Europe (Réseaux Gladio).

L’armée a conservé sa mentalité de conquérante des colonies. Des manuels à l’usage des officiers à Saint Cyr font encore à ce jour l’apologie de la Coloniale. Une nostalgie tenace de l’époque impériale imprègne ce grand corps et nourrit son département de communication.

Les Pieds Noirs sont organisés en lobbies qui négocient avec tous les candidats à la présidence de la République mais également aux élections locales dans le Sud de la France. Mitterrand leur a fait des promesses qui ont été tenues, comme l’amnistie aux anciens condamnés de l’OAS qui furent réintégrés dans l’armée avec émoluments rétro-actifs.

Cette manœuvre politicienne de la part des sociaux-démocrates arrivés au pouvoir en France a renforcé leur but inavoué, l’effacement du Parti communiste. La montée de l’extrême droite figurée par un ancien tortionnaire des Algériens, Le Pen, en a été facilitée. On lui a fait endosser le rôle de repoussoir, pour qu’ils apparaissent comme un rempart contre les relents nazis.

Petit à petit, au fur et à mesure que des figures de l’extrême droite ouvertement xénophobes ont été complaisamment accueillies sur les médias de grande audience, une sorte de cooptation s’est faite dans l’opinion, les propos visant les Français musulmans se sont banalisés.

Ceci ne disculpe pas l’absence sur ce terrain idéologique du principal parti de gauche, le PCF. Il n’a pas su traiter contre les énormes charges médiatiques à l’époque de ‘Touche pas à mon pote’ antiracistes, quand le PCF luttait contre l’importation d’ouvriers d’Afrique du Nord, faite pour concurrencer la classe ouvrière autochtone.

Le PCF subissait par ailleurs l’offensive de la nouvelle droite représentée par la génération de « philosophes pour télévision », Lévy et Glucksman qui ont aidé à la désaffection du communisme réduit à une antichambre pour le goulag. Les charges contre les théories révolutionnaires du marxisme, abondantes, multiformes, sont d’abord issues d’un travail de propagande systématique du Congrès pour la liberté de la culture fondé en 1950 à Paris par la CIA.

Elles se sont amplifiées après les interventions successives de l’URSS en Hongrie puis en Tchécoslovaquie. Le PCF ne s’est jamais affranchi de la tutelle du parrain soviétique, il s’est laissé déporter, particulièrement depuis Khrouchtchev, dans un réformisme timoré, abandonnant la nécessité d’une révolution prolétarienne qui abolirait exploitation et discrimination.

Les mises en gardes faites par Georges Marchais au début des années quatre-vingt contre l’importation d’ouvriers étrangers en période de chômage structurel massif pour concurrencer la classe ouvrière locale ont été interprétées ultérieurement comme racistes.
Pourtant, il décrivait bien là un processus objectif mis en place par le patronat français.

La position des communistes n’était d’ailleurs pas de discriminer les travailleurs immigrés déjà présents sur le territoire, encore moins de les renvoyer chez eux. Ils avaient conscience que grossir la masse des demandeurs d’emploi a pour conséquence immédiate une pression sur les salaires, les conditions de travail et les droits sociaux.

Admettre la réalité d’une stratégie que la bourgeoisie a de tout temps mis en œuvre n’est en aucun cas la validation d’une quelconque hiérarchie de ‘races’ ou de ‘civilisations’ humaines.

L’anticléricalisme français est profondément enraciné dans une société restée majoritairement paysanne plus longtemps que celle du Royaume Uni. L’Église, gros propriétaire agraire et foncier de l’Ancien Régime, s’était considérablement enrichie grâce à la rente féodale par les taxes, les redevances et le travail servile. Cette institution a alimenté la haine des citoyens, des fidèles par obligation. Elle assurait l’essentiel de l’instruction publique et la tenue de l’État-civil en enregistrant naissances et mariages.

Son rôle d’éducateur et d’administrateur civil lui conférait une fonction d’embrigadement idéologique et de surveillance étroite de la population. Le curé contrôlait tous les aspects privés et publics de la vie villageoise. C’est au prix d’une déchristianisation du peuple français que la Révolution contre la monarchie absolutiste a pu avoir lieu.

L’inconscient collectif a tendance depuis à confondre religion et clergé et toute une partie du peuple français, athée convaincue, rejette toute expression religieuse comme du prosélytisme en faveur d’une idéologie et de dogmes oppressifs.
Or la religion musulmane est dépourvue d’un appareil clérical et interpréter le rôle de l’imam, simple ‘conducteur’ de la prière en commun, comme un prêtre appartenant à un appareil ecclésiastique est un véritable contresens.

Le corps des savants musulmans a joué des rôles divers selon les pays et les époques. En général, il oriente ses interprétations des questions religieuses qui lui sont adressées selon les vues du pouvoir temporel en place. Ce n’est qu’en Iran que s’est formé tardivement un clergé qui a fini par prendre le pouvoir en renversant avec l’aide du Parti communiste iranien (le Toudeh) et des Fedayins du Peuple le régime des Pahlawis, création des Britanniques.

Une autre particularité historique individualise la France parmi les États européens chrétiens. Si les guerres de religion ont marqué durant plus de deux siècles cette sphère culturelle occidentale, c’est bien en France que l’intolérance religieuse s’est exprimée avec le plus de vigueur et de cruauté.

L’Édit de Nantes signé en 1598 après huit guerres est un édit de tolérance qui accorde en théorie aux protestants la liberté de conscience et l’égalité civique. Il instaure un État catholique où le protestantisme reste défavorisé.
Il sera révoqué en 1685 par Louis XIV par un édit qui oblige les huguenots à se convertir ou s’exiler.

Il faudra attendre la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 pour que cesse la discrimination civique à l’encontre des protestants. Ce long conflit est une remise en cause du pouvoir monarchique par des partis nobiliaires où sont directement intervenues l’Espagne et l’Angleterre et au cours desquelles les deux parties ont eu recours à des mercenaires européens.

Sans véritable contenu théologique, il recouvrait des enjeux économiques et politiques. Il a imprimé à l’entité française cette tendance à l’uniformisation qui sera retrouvé plus tard dans le jacobinisme, opposé aux particularismes quels qu’ils soient, qui associe toute expression particulière à une tentative de division.

Ainsi, les traces du traumatisme des guerres de religion, les séquelles d’un anticléricalisme activé par la dénonciation publique des crimes sexuels de certains membres de l’Église, le passé colonial de la France et l’effondrement du communisme qui aurait pu contrer l’émergence d’une idéologie discriminante sont à la racine de la variante française de l’islamophobie globalisée, comme l’est l’économie capitaliste.

À suivre ...

   

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