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L’alimentation selon Macron : une dose de communication, un soupçon d’ambition et des incohérences en quantité

samedi 24 février 2018 par Sophie Chapelle pour Bastamag

Puisqu’il y a le Salon de l’Agriculture, parlons alimentation où la loi du profit maximum règne sans partage.

Emmanuel Macron a fixé un cap pour sa politique agricole à commencer par une loi garantissant un revenu pour les paysans. Plusieurs mesures sont aussi proposées allant dans le sens d’une amélioration de la qualité des produits. Or, le discours présidentiel du 11 octobre est en contradiction totale avec les récents actes posés par le gouvernement : suppression des aides au maintien de l’agriculture biologique, recul sur l’interdiction du glyphosate, accord de libre-échange qui menace les filières locales… Comment savoir ce que nous mangerons demain ?

L’équation n’est pas simple. D’un côté, faire en sorte que les paysans arrivent à vivre de leur métier, alors que c’est loin d’être le cas : un agriculteur sur trois perçoit un revenu inférieur à 350 euros par mois. De l’autre, garantir à tous les citoyens l’accès à des aliments « sains », sans qu’ils ne soient découragés par les prix affichés.

Lait : des grandes fortunes et des éleveurs au RSA

Prenez l’exemple du lait : les produits laitiers ont généré 25,5 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2012, soit 1 % du PIB français ! Pourtant, cette richesse créée est bien mal répartie entre les acteurs de la filière, de l’éleveur au supermarché en passant par les usines de transformation. Les grandes entreprises du secteur – Lactalis, Danone, Sodiaal, Bongrain, fromagerie Bel – tirent parfaitement leur épingle du jeu et participent à l’accumulation de fortunes considérables.

Celle d’Emmanuel Besnier, propriétaire de Lactalis, est estimée par le magazine Forbes à plus de 11 milliards de dollars, ce qui en fait la 8ème fortune française. Celle d’Antoine Fiévet et des propriétaires de la fromagerie Bel dépasse les 2,7 milliards d’euros, selon Challenges, ce qui en fait la 34ème fortune française.

De l’autre côté, les éleveurs touchent des rémunérations parmi les plus basses du secteur agricole : 26 000 euros par an avant impôt. Parmi eux, il n’est pas rare de trouver des éleveurs devant vivre du RSA malgré des troupeaux d’une centaine de vaches. Comment remédier à ces inégalités ?

A l’issue d’une kyrielle d’ateliers réunissant différents acteurs – producteurs, industries agroalimentaires, distributeurs, élus, ONG, associations caritatives, banques... – Emmanuel Macron a présenté le 11 octobre les mesures retenues à mi-parcours des États généraux. Un discours salué par le patron des magasins Leclerc comme par les différents syndicats agricoles, voire certaines ONG. Comme le président a-t-il réussi ce grand écart ? Encore une fois en entretenant le flou sans craindre de contredire dans les discours la réalité des politiques menées.

Mettre fin au low cost qui ruine les agriculteurs ?

Le prix du litre de lait acheté au paysan en 2016 correspond à celui de 1986... Pas étonnant, dans ces conditions, que nombre d’éleveurs soient en grandes difficultés alors que les revenus générés sont de plus en plus monopolisés par quelques-uns. L’année dernière, pour enrayer la crise, un accord est signé entre les producteurs laitiers et l’un de leurs principaux collecteurs, Lactalis (Lactel, Président, Bridel, Salakis...). Le lait sera cette année-là acheté en moyenne 0,27 euros par litre, alors même qu’il faut au moins 0,35 euros pour couvrir les coûts de production et rémunérer le travail.

Si les revenus des producteurs de lait n’ont pas augmenté depuis trente ans, le consommateur, lui, paie le litre de lait plus cher. Le demi-écrémé est ainsi vendu 75 centimes d’euros en grande et moyenne surface en 2015, quand il est acheté environ 30 centimes aux éleveurs. La marge financière dégagée depuis bénéficie exclusivement à l’industrie qui transforme le lait – en vert dans le graphique ci-dessous – et aux distributeurs – en rouge –, comme le montrent les données de l’Observatoire de la formation des prix et des marges alimentaires.

Pour changer la donne, Emmanuel Macron propose d’inverser la construction des prix : il ne s’agit plus de partir de la marge que souhaitent dégager les transformateurs et les distributeurs, mais de partir des coûts de production pour garantir un revenu aux paysans. Ce sera désormais aux agriculteurs de proposer à l’industriel un contrat avec un prix tenant compte des coûts de production. Le coût de revient, et non la volatilité des marchés, assurerait un plancher au prix. Cette nouvelle « philosophie de la négociation commerciale » devrait être inscrite dans une loi « au premier semestre de 2018 », a t-il précisé.

Comment aider des filières locales à se structurer ?

L’aval de la filière agroalimentaire se concentre aujourd’hui autour de quatre centrales d’achat commune à plusieurs grandes enseignes (Intermarché avec le groupe Casino, Carrefour avec Dia, Auchan avec Système U et celle des magasins Leclerc). Elles détiennent 90 % du marché. Pour arriver à peser dans les négociations commerciales avec ces centrales d’achat, Emmanuel Macron demande aux 450 000 agriculteurs de renforcer les regroupements en « organisations de producteurs ».

Celles-ci existent déjà : la filière laitière compte ainsi une cinquantaine d’organisations de producteurs. La plupart se sont constituées pour négocier les prix et les volumes avec une seule entreprise – Lactalis, Bongrain, Danone ou Bel par exemple. Pas toujours simple pour les producteurs de s’y faire entendre. Pour Nicolas Girod de la Confédération paysanne, le renforcement des organisations de producteurs passe par moins de verticalité. « Elles doivent être transversales, à l’échelle d’un bassin, pour que les paysans aient en face d’eux les différents acheteurs d’un territoire et permettre ainsi qu’aucun de ces acheteurs ne soit en situation de monopole. »

Les filières – lait, viande, céréales... – devront mettre sur pied d’ici la fin de l’année des plans de restructuration à cinq ans. Un préalable avant toute mesure législative et réglementaire, ainsi qu’à toute redistribution du plan d’investissements agricoles de 5 milliards d’euros. Problème : « Ces filières sont aujourd’hui tenues par une profession agricole qui n’a pas forcément envie que ça évolue », craint Nicolas Girod.

Traduisez : la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, détient les rênes, aux côtés d’industriels. Certains refusent de dévoiler la moindre information, même lorsqu’ils sont interrogés à l’Assemblée nationale par des députés, comme le groupe Bigard dans le secteur de l’abattage-découpe ou Lactalis dans le lait. Difficile, dans ces conditions, d’ouvrir les filières à la société civile et de mettre en œuvre plus de transparence sur les prix et la répartition des profits !

Suite de l’article Ici.

Photo  : CC Myeongji Shin


Voir en ligne : https://www.bastamag.net/L-alimenta...

   

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