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Qui a perdu le Nil ?

L’Égypte paralysée face à l’Éthiopie et au Soudan

samedi 17 février 2018 par Alain Gresh pour Orient XXI

L’édification par l’Éthiopie du barrage de la Renaissance sur le Nil bleu a exacerbé les tensions entre les pays riverains. L’Égypte craint de voir sa part des eaux du fleuve diminuer sensiblement, mais elle semble incapable de s’opposer au projet d’Addis-Abeba qui bénéficie désormais du soutien du Soudan.

« L’Égypte est un don du Nil » !

Tous les écoliers à travers le monde qui ont étudié les pharaons connaissent cette formule du grand historien et voyageur grec Hérodote, qui vécut au Ve siècle avant Jésus Christ. Le Romain Tibulle, au siècle précédant la naissance du Christ, rendait hommage au fleuve, car le « sol que tu arroses ne réclame pas l’eau du ciel, et l’herbe desséchée n’implore pas Jupiter qui distribue l’eau des pluies [[Du Nil à Alexandrie, histoires d’eaux, CNRS/Centre d’études alexandrines, 2011.]]. » Pourtant, cette manne multimillénaire est menacée et au Caire, experts comme fonctionnaires, intellectuels comme diplomates reconnaissent, sous couvert d’anonymat, que la bataille menée par l’Égypte pour conserver le contrôle des eaux du plus long fleuve du monde est bien mal engagée.

Avec l’achèvement prévu pour cette année du gigantesque barrage de la Renaissance construit sur le Nil bleu, l’Éthiopie aura la haute main sur le débit des eaux. « Nous avons perdu, reconnaît à contrecœur un officiel égyptien. Nous n’avons pas été capables d’empêcher la construction du barrage ; nous n’avons pas été en mesure d’obtenir des modifications au projet, notamment la réduction de ses capacités. Notre seul espoir, et il est mince, c’est que le remplissage du lac du barrage s’opère sur une période plus longue que les trois ans prévus par Addis-Abeba. »

Dans le cas contraire, le pays risque de connaître des pénuries d’eau, peut-être dès l’an prochain. Et l’on évoque encore une fois au Caire l’épisode plus ou moins légendaire du roi éthiopien Dawit II qui à la charnière des XIVe et XVe siècles menaça les sultans mamelouks de barrer les eaux du Nil [1].

Une explosion démographique

Le dossier sur l’usage des eaux du Nil est complexe, alimenté à la fois par le droit international (comment doit-on répartir les eaux d’un fleuve qui traversent plusieurs pays ?), par l’histoire (les nombreux traités signés), par une rhétorique sur les « droits inaliénables » des uns et des autres, et par les rapports de force entre pays riverains.

Au risque de schématiser, essayons de dégager les données essentielles du contentieux. Les sources du Nil se situent en Éthiopie, qui alimente le Nil bleu, et au Burundi, qui alimente le Nil blanc. Le Nil bleu et le Nil blanc opèrent leur jonction à Khartoum, le premier fournissant 90 % du total de l’eau. Depuis le début du XXe siècle, l’Égypte a fait reconnaître par différents traités ses droits sur l’eau, d’autant plus cruciaux que le pays en dépend à 97 %, contrairement aux autres pays riverains qui, comme l’Éthiopie, connaissent une pluviométrie élevée.

En 1959, Le Caire signe avec le Soudan, qui a accédé à l’indépendance en 1956, un accord de répartition des eaux : elle obtient 55,5 milliards de m3 et son voisin 18,5 milliards, les 10 milliards restants étant perdus par l’évaporation. Jusque dans les années 1990, malgré les réclamations d’autres pays riverains, les choses étaient restées en l’état : l’Égypte dominait le Nil.

Pourtant, ces données de base en apparence intangibles ont été bouleversées. D’abord, la région a connu une explosion démographique : en 1959 l’Égypte comptait 25 millions d’habitants, le Soudan 11 millions et l’Éthiopie 27 millions. En 2016, leur population respective est de 95 millions, 40 millions (l’amputation du sud du Soudan devenu indépendant en 2011), et 102 millions. Et les autres pays riverains ont vécu un accroissement similaire.

À quoi il faut ajouter l’intensification de l’élevage qui représente pour le Soudan et l’Éthiopie la moitié de leur PNB agricole et absorbe de plus en plus d’eau, tandis que la pluviométrie décroit sous l’effet du réchauffement climatique.

Enfin, l’urbanisation a progressé rapidement entraînant aussi une consommation grandissante en eau [2]. Celle-ci est donc devenue une ressource plus rare, plus chère, alors même que la désertification s’étend dans la corne de l’Afrique.

La suite de l’article Ici.

Légende photo : Barrage de la Renaissance en construction./ tractebel-engie.com


Voir en ligne : https://orientxxi.info/magazine/qui...


[1Lire l’étude érudite d’A. Caquot, « Aperçu préliminaire sur le Maṣḥafa Ṭēfut de Gechen Amba », Annales d’Éthiopie, ] 1955 ; p. 89-108.

[2Lire Ibrahim Elnur, « The Changing Hydraulics of Conflict and Cooperation in the Nile Basin » in The Burden of Ressurces. Oil and Water in the Gulf and Nile Basin (Sharif E. Elmusa, éd.), Cairo Papers in Social Sciences, Vol. 30, n° 4, hiver 2007.

   

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