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Le syndicat lycéen chouchou de Blanquer dilapide l’argent du ministère

mardi 10 novembre 2020 par Anton Rouget (Médiapart)

Photo : Château-du-Loir : les lycéens en grève devant la mairie !(Eux n’ont rien touché !NDLR)
Une organisation lycéenne favorable à l’exécutif a reçu 65 000 euros de subventions du ministère en 2019, dont 40 000 pour un congrès qui n’a jamais eu lieu. À sa tête, on a plutôt dégainé la carte bleue pour des frais de bouche et d’hôtels. Alertée, la rue de Grenelle, loin de couper les vivres, a réservé au syndicat 30 000 euros supplémentaires pour 2020. Révélations.

Champagne !
Le syndicat Avenir Lycéen va bientôt fêter le premier anniversaire de son partenariat avec le ministère de l’éducation nationale de Jean-Michel Blanquer. Le 19 novembre 2019, cette petite association aux positions pro-gouvernementales, qui vivotait avec 138 euros en caisse, a vu atterrir sur son compte en banque la coquette somme de 65 000 euros en provenance du ministère.

En contrepartie, Avenir Lycéen devait mener des actions de sensibilisation sur plusieurs thématiques et organiser, surtout, son congrès fondateur, qui aurait dû concentrer les deux tiers de la subvention (40 056 euros), selon la convention d’objectifs signée avec le ministère. Sauf que le fameux congrès n’a jamais eu lieu.

Par contre, une bonne partie de l’enveloppe publique a été engloutie en frais de bouche, déplacements et autres dépenses dans des bars (alcool compris) et hôtels de luxe, sans que le ministère, tenu de contrôler les états financiers de l’association, n’y trouve à redire malgré plusieurs alertes orales et écrites. Les documents consultés par Mediapart font aussi état d’importants retraits en liquide, à des horaires parfois tardifs, qui n’ont fait tiquer personne.

Sollicité, le ministère explique qu’il n’opère pas un contrôle détaillé des dépenses des associations, mais qu’il s’assure que « de manière globale, les actions subventionnées sont effectivement réalisées » – ce qu’il indique avoir fait, même si le congrès subventionné n’a jamais été organisé.

Après avoir reçu des alertes sur la nature des dépenses, le ministère explique que l’association a été « sensibilisée au bon usage d’une subvention publique ». Sans autre forme de conséquence, puisque le syndicat vient de recevoir pour cette année scolaire une nouvelle subvention de 30 000 euros, qui correspond à ce qu’elle avait demandé.

Officiellement « apolitique », le syndicat, créé en 2018, est composé d’une trentaine de membres actifs, dont plusieurs sont également adhérents aux Jeunes avec Macron. Sur ses réseaux sociaux, l’organisation relaie régulièrement la communication du gouvernement. D’autres syndicats lycéens, opposés aux orientations politiques de Jean-Michel Blanquer, ont vu, eux, leurs demandes de subvention largement revues à la baisse, voire rejetées, par le ministère ces deux dernières années.

Chez Avenir Lycéen (AL), les recherches de Mediapart ont provoqué la panique : interrogés, ses dirigeants fournissent des explications contradictoires et se renvoient la balle.

En théorie, dans l’association, toute dépense devrait être « préalablement étudiée par la trésorerie et la présidence » avant d’être engagée, comme le prévoient explicitement ses statuts. Mais cette règle n’a, de toute évidence, pas été respectée.

Avenir Lycéen dispose d’un compte bancaire à la BNP, alimenté par la subvention ministérielle, qui représente la quasi-totalité de ses recettes aux côtés des quelques cotisations à 5 euros par an. Une carte bleue est rattachée à ce compte, et elle semble se balader de main en main. En tout cas, plusieurs présidents successifs disent n’avoir pas eu accès aux comptes, ce qui laisse une liberté d’action totale au(x) titulaire(s) de la carte.

« Je n’ai jamais validé aucune dépense puisque je n’ai jamais été informé de ces dépenses par qui que ce soit », indique ainsi Martin* (plusieurs membres d’AL étant mineurs, nous avons décidé d’anonymiser toutes les identités – lire notre Boîte noire), éphémère président du syndicat à l’été 2020. Ce lycéen a démissionné de ses fonctions le 27 juin 2020, six jours seulement après son arrivée à la tête de l’association. Une courte période pendant laquelle la carte bleue de la structure n’a cessé de chauffer.

Pour la seule journée du lundi 22 juin, 432 euros sont dépensés dans un Apple Store, et 99,70 euros dans deux restaurants lyonnais. Le lendemain, 75,50 euros sont débités dans un restaurant à Paris. Dans la nuit, à une heure du matin, un retrait de 100 euros est effectué dans le VIIe arrondissement.

Le lendemain, le titulaire de la carte règle 276,52 euros à l’hôtel Madrigal à côté de la gare Montparnasse – un « havre de paix au cœur de Paris XVe » visiblement du goût du syndicat puisqu’il fait l’objet de nombreuses dépenses. Deux jours plus tard, 222 euros sont d’ailleurs débités à la même adresse. Entre-temps, la carte était repartie du côté de Lyon pour un petit achat (44,99 euros) à la Fnac.

« Je ne sais pas à quoi correspondent ces dépenses, je suis tout comme vous dans l’interrogation », s’étonne Martin auprès de Mediapart, expliquant que « durant [son] mandat, le titulaire de la carte bancaire était le trésorier ». Le président dit qu’il ne s’est jamais rendu à Lyon ni à Paris pour ses activités syndicales, et était dans la Somme « avec des amis et des professeurs » quand la facture de l’hôtel Madrigal a été réglée le 24 juin.

Son successeur à la tête du syndicat dispose également d’un sérieux alibi pour prouver qu’il n’est pas l’auteur de plusieurs dépenses douteuses. Président d’Avenir Lycéen du 27 juin au 28 août, Nicolas* a transmis à Mediapart des photos montrant qu’il était avec sa mère en vacances en Loire-Atlantique fin juillet, au moment où le syndicat dépensait 174 euros dans deux brasseries chics de Bordeaux, puis 74,05 euros dans un hôtel du centre-ville.

Ces paiements correspondent au déplacement en Gironde du trésorier et d’un coordinateur du syndicat, originaires du nord de la France et de Lyon, pour rendre visite à Élodie*, l’ancienne présidente d’Avenir Lycéen, qui est toujours membre du Conseil supérieur de l’éducation, un organe consultatif du ministère. Selon elle, le séjour a permis de « travaill[er] sur des propositions qui concernaient la rentrée scolaire », qui avait lieu trois mois plus tard.

Un échange téléphonique ou une réunion par visio n’était visiblement pas possible. « Nous cherchions sur place différents espaces pouvant accueillir un nombre important de lycéens en prévision d’un évènement auquel nous avons finalement dû renoncer à cause du contexte sanitaire », ajoute Élodie à Mediapart, sans donner plus de détails.

Nicolas, le président à cette époque, indique qu’il n’a pas été consulté pour ces dépenses, et les a encore moins autorisées. Idem pour ces 236 euros dépensés dans le restaurant gastronomique de Christian Têtedoie, à Lyon, le 16 juillet 2020. C’est Quentin*, le trésorier du syndicat depuis 2019, qui a effectué cette dépense, ainsi qu’il le reconnaît auprès de Mediapart, expliquant que ce dîner dans ce restaurant étoilé au guide Michelin correspond à une réunion avec des « partenaires » du syndicat. Des « partenaires » dont il ne veut pas donner le nom pour des raisons de « confidentialité », ajoute-t-il.

Le même jour, le syndicat a aussi dépensé 150 euros à l’hôtel Intercontinental de Lyon (cinq étoiles). Le lendemain, 426,47 euros sont débités dans le même hôtel, ainsi que 128,05 euros à la brasserie Georges, restaurant à côté de la gare de Lyon-Perrache qui a nourri nombre de célébrités (Lamartine, Verlaine, Jules Verne, Zola ou Rodin) depuis 1836.

L’hôtel Dieu, qui abrite l’hôtel Intercontinental, « représentation de la riche histoire lyonnaise » selon l’enseigne. © Groupe Intercontinental
Selon des images diffusées sur Instagram par l’un des convives, le déjeuner a rassemblé trois membres du syndicat, dont son trésorier, en compagnie de leur ancienne présidente. Il avait pour objectif d’« échanger sur divers projets, notamment liés à la transition écologique », justifie Élodie.

Les jours suivants, le compte du syndicat a continué à se vider à un rythme effréné. En dix jours, entre le 15 juillet et le 25 juillet, l’équivalent de 1 600 euros sont retirés, parfois en soirée, dans des distributeurs à Lyon, Lens et Paris.

À la même période, un iPad, un iMac et un vidéoprojecteur sont aussi achetés, neufs, pour 8 411,93 euros dans un magasin spécialisé à Lyon. L’iMac et le vidéoprojecteur sont depuis chez Franck, cofondateur du syndicat qui n’a aucune fonction exécutive dans la structure. Il est seulement membre du « comité de veille » d’Avenir Lycéen, un organe consultatif garant du bon fonctionnement de l’association.

« On m’a confié la garde du matériel », explique-t-il, justifiant d’avoir été choisi pour son ancienneté dans la structure. Franck précise qu’il utilise occasionnellement l’ordinateur « pour l’administration de l’association » et pour réaliser « en partie » les infographies du syndicat. L’iMac lui sert aussi pour les activités d’une autre structure qu’il souhaite lancer avec des camarades d’AL : « Avenir Éducation », un think tank pour « penser l’école de demain », que Jean-Michel Blanquer a publiquement promu sur les réseaux sociaux.

Selon Franck, ces transferts de matériels auraient fait l’objet de conventions de mise à disposition – que l’intéressé n’a pas pu nous montrer. « Je n’ai rien signé », s’étonne Nicolas, le président de l’époque.

Son successeur Thierry*, qui préside Avenir Lycéen depuis la fin du mois d’août, ne semble pas plus au courant : « Je n’ai jamais donné mon accord pour que [Franck] garde cet iMac, je n’étais pas informé qu’un tel appareil avais été acquis par Avenir Lycéen lors de la précédente mandature. Je n’ai donc bien sûr jamais signé de tel contrat [de mise à disposition – ndlr] et, s’il en existe un, je ne l’ai jamais vu et donc jamais approuvé », répond-il à Mediapart.

Moins d’argent pour financer les autres syndicats
Avec tous ces frais engagés en pleines vacances scolaires, l’argent de la subvention ministérielle s’est évaporée à la vitesse grand V : de 40 829 euros au 1er juillet, les réserves de l’association sont tombées à 21 965 euros à la fin du même mois. Toutes ces dépenses n’avaient pourtant « aucun lien » avec la convention d’objectifs signée avec le ministère, estime Nicolas.

« Je n’ai eu à ordonner et valider que très peu de dépenses, celles engagées pour la tenue de l’assemblée générale en présentiel le 24 juillet 2020 », ajoute celui qui présidait alors le syndicat. Soit seulement 76 euros de frais de bouche et 98,28 euros pour l’hébergement à Paris. Pour tout le reste, « aucune validation de ma part n’a été effectuée, même orale », insiste l’ancien responsable, en réponse à nos questions.

Comme son prédécesseur, il explique que c’est Quentin, le trésorier de la structure, qui possédait la carte et l’accès au compte. Interrogé, celui-ci nous a indiqué par téléphone que toutes les dépenses avaient été « validées ».

Alors qu’il nous avait demandé un délai supplémentaire pour justifier par écrit de nombreuses dépenses, en prétextant un manque de temps en raison de ses cours, le trésorier a voulu diffuser un communiqué au nom du syndicat, vendredi, pour prendre les devants avant la publication de notre article. « Je vous demande par solidarité de relayer en masse », a-t-il écrit, sur une boucle Telegram du syndicat, avant de renoncer face aux interrogations et protestations internes.

Extrait de la convention annuelle d’objectifs. © Document Mediapart
Selon Franck, le fameux congrès subventionné n’a jamais eu lieu parce qu’« on a d’abord eu du mal à trouver une salle à Lyon » pour l’organiser. Le budget prévisionnel adressé par Avenir Lycéen au ministère pour l’obtention de sa subvention prévoyait pourtant que 12 000 euros soient dédiés aux seuls frais de « location » pour l’événement. « On voulait faire le congrès dans un musée », ajoute Franck. L’événement aurait ensuite été « reporté », « jusqu’au retour d’une situation sanitaire compatible avec un événement important », selon l’ancienne présidente Gaëlle.

Depuis, l’enveloppe allouée par le ministère a été dépensée pour des « déplacements et rencontres en région afin de pallier les reports successifs et de répondre à la demande de rencontres et d’échanges de la part de nos adhérents et de nos partenaires », justifie-t-elle.

Le contrat avec le ministère précise pourtant qu’en cas « d’inexécution, de modification substantielle ou de retard dans la mise en œuvre de la convention », l’association est tenue d’en informer le ministère « sans délai » par lettre recommandée avec accusé de réception. Ce que le syndicat n’a pas fait.

Que des lycéens dérapent en ayant accès à un compte très bien fourni par de l’argent public est une chose. La réaction du ministère en est une autre.

Car, pour sa part, le ministère est aussi tenu de contrôler que les actions qu’il finance soient bien réalisées. La convention oblige ainsi l’association à fournir un « compte rendu financier », ses « états financiers », et son « rapport d’activité » avant le 30 juin. La subvention, ordonnée par le ministre en personne, n’est considérée comme « acquise » qu’après le respect par l’association de cette obligation. En cas de doute, un « contrôle » peut aussi être réalisé par le ministère pendant l’exécution de la convention, précise le document signé avec Avenir Lycéen.

« L’association a bien notifié l’ensemble des éléments requis (compte rendu financier, rapport d’activité, etc.) », confirme le ministère à Mediapart. Comment, dans ce contexte, les organes de contrôle n’ont-ils pas pu tiquer sur les 40 056 euros spécifiquement versés au titre du congrès et qui ont été pour partie dépensés pour des hôtels de luxe ou un restaurant étoilé ?

Le ministère esquive, en expliquant seulement que « les subventions demandées au titre des déplacements, s’agissant d’une association nationale, l’ont été pour des restaurants et des hôtels correspondant aux déplacements de l’équipe de direction d’Avenir Lycéen afin d’assister à des événements organisés par les représentants départementaux et régionaux de l’association ». Ce qui n’a, en l’espèce, pas toujours été le cas. « Il n’y a eu aucun laxisme du ministère dans le contrôle financier de cette association comme pour les autres », insiste le ministère, pourtant si soucieux d’exemplarité dès lors qu’il s’agit des professeurs.

Christophe Brunelle dans une vidéo d’Avenir Lycéen en septembre. © DR
Plusieurs alertes sont pourtant remontées, en pleine flambée de dépenses cet été, jusqu’au délégué national à la vie lycéenne (DNVL) du ministère, Christophe Brunelle.
Nommé en 2018 par Jean-Michel Blanquer, ce dernier présente un profil très politique : après avoir soutenu Alain Juppé à la primaire de la droite en 2016, il a fondé le groupe « Les profs en marche » pour soutenir la candidature d’Emmanuel Macron à la présidentielle. En 2017, il rejoint l’équipe parlementaire d’une députée LREM (aujourd’hui entrée en dissidence) avant d’être promu DNVL par Jean-Michel Blanquer.

Sur les réseaux sociaux, le DNVL affichait ouvertement, en septembre encore, sa sympathie envers Avenir Lycéen en relayant ses contenus. Christophe Brunelle entretient une bonne relation avec plusieurs dirigeants du syndicat, qui partagent les mêmes engagements politiques que lui. Le syndicat « apolitique » présente en effet la particularité d’être dirigé par plusieurs lycéens qui sont aussi engagés chez les Jeunes avec Macron (Jam).

Cette situation crée parfois de curieuses interférences. Sur la boucle Telegram rassemblant les adhérents d’Avenir Lycéen (108 membres, dont une trentaine actifs), l’ancienne présidente Gaëlle, toujours très présente dans la vie du syndicat, a ainsi invité les jeunes, ce vendredi 6 novembre, à partager la dernière communication de Jean-Michel Blanquer sur l’évolution du protocole sanitaire dans les lycées.

À l’inverse, le ministre, qui a reçu des responsables du syndicat cet été (voir la photo ici), n’a pas hésité à relayer les messages du futur think tank « Avenir Éducation » sur les réseaux sociaux, alors même que le mouvement n’est encore qu’un projet, de l’aveu même de ses fondateurs.

Cette proximité politique a-t-elle joué dans le traitement du syndicat ? Interrogé par Mediapart, le délégué national à la vie lycéenne n’a pas répondu à nos questions, après avoir sollicité un délai de réponse que nous lui avions accordé (lire notre Boîte noire).

« Christophe Brunelle m’a assuré que le ministère ne pouvait contrôler les dépenses des associations subventionnées », explique pour sa part Nicolas, l’ancien président, qui s’étonne : « Après relecture de la convention avec ce dernier, je me suis rendu compte que les propos de M. Brunelle étaient très différents de ce qui était marqué noir sur blanc. »

« La direction de l’association a été sensibilisée par le DNVL au bon usage d’une subvention publique et à la nécessité d’être en mesure de justifier, à tout moment, de la réalité d’une dépense et de son lien avec l’activité subventionnée », ajoute le ministère, qui n’a réclamé aucun changement de gouvernance à la tête du syndicat.

Sur les réseaux sociaux, Avenir Lycéen relaie la communication de Jean-Michel Blanquer. © Capture d’écran Twitter
Visiblement, cette action de « sensibilisation » a été bien peu efficace : au téléphone, le trésorier d’Avenir Lycéen a indiqué à Mediapart, jeudi 5 novembre, que si la subvention avait été largement consommée pour des dépenses n’ayant rien à voir avec l’objet de la convention, c’était parce que « nous n’avons pas le droit aux bénéfices au sein de l’association donc nous avons préféré répartir cette somme dans différentes délégations ou coordinations ». Le jeune trésorier confond ici l’interdiction pour une association type loi 1901 de partager des bénéfices entre ses membres, qui n’empêche en revanche pas une association de dégager des excédents et constituer des réserves.
Les alertes sur le train de vie du syndicat n’ont eu aucune autre conséquence. Pour cette nouvelle année, Avenir Lycéen a même reçu une nouvelle subvention de 30 000 euros. « Étant donné que toutes les dépenses n’avaient pas été engagées sur 2019, le montant de la subvention a été diminué de plus de 50 % entre 2019 (65 000 €) et 2020 (30 000 €) », explique seulement le ministère, en insistant sur le fait que les demandes de subvention ont été examinées par le « bureau de l’éducation artistique, culturelle, et sportive », puis approuvées par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel.

Le montant de 30 000 euros correspond exactement à la demande formulée par Avenir Lycéen. Ce qui ne manque pas de révéler une inégalité de traitement avec d’autres organisations lycéennes.

En 2018, le Mouvement national lycéen (MNL, ex-UNL-SD), arrivé en seconde position derrière Avenir Lycéen aux élections du Conseil supérieur de l’éducation cette année-là, avait perçu 10 000 euros dans le cadre d’une convention d’objectifs.

Depuis, c’est la disette. En 2019, « nous n’avons pas eu de réponse à la suite de notre sollicitation », explique-t-on dans ce syndicat de gauche. Pour l’année de 2020, le ministère a expliqué, cet été, qu’il n’a pas été « possible de donner suite » à la demande du syndicat.

« En effet, le montant global alloué aux subventions ne permet pas d’apporter une aide à tous les projets qui nous sont soumis, quelle que soit par ailleurs leur qualité », s’est excusé le ministère, dans un courrier daté du 24 juillet 2020, en pleine folie dépensière d’Avenir Lycéen (lire le courrier ci-joint).

Même tendance à l’Union nationale lycéenne (UNL), autre syndicat lycéen de gauche qui compte 35 fédérations et 25 années d’existence. De 80 000 euros en 2018, sa subvention est tombée 40 000 euros en 2019, puis 20 000 euros pour cette année. « On avait demandé un maintien à 80 000 euros, en justifiant de tout un tas d’actions autour de la lutte contre les discriminations ou les inégalités », déplore-t-on à l’UNL.

Le syndicat estime que cette baisse des financements a rendu son « fonctionnement très précaire », et ce même s’il vit chichement. « Quand on réunit les dirigeants, on cherche des hébergements chez des militants. Chacun met aussi 2 euros dans un pot commun pour acheter la nourriture », indique le syndicat.

« En ce moment, on ne dépense presque rien, c’est du bricolage, on est en grande difficulté financière, c’est difficile de mener des projets », ajoute le MNL, où l’on reconnaît que le financement ministériel est indispensable : « Les organisations lycéennes ont naturellement très peu de cotisations. Nous sommes sous perfusion du ministère. » Certains plus que d’autres.

Si vous avez des informations à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse enquete@mediapart.fr. Si vous souhaitez adresser des documents en passant par une plateforme hautement sécurisée, vous pouvez vous connecter au site frenchleaks.fr.

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Réponses du ministère de l’éducation nationale aux questions de Mediapart :

1/ L’association Avenir Lycéen a négocié et signé avec votre ministère une convention annuelle d’objectifs prévoyant l’octroi d’une subvention ministérielle de 65 000 euros. La subvention a été versée par le ministère le 19 novembre 2019. En contrepartie, Avenir Lycéen devait notamment intervenir dans des établissements scolaires sur 13 thématiques.

L’ordonnateur de cette dépense est le ministre.

La convention signée stipule bien que cette subvention n’est acquise que sous réserve du respect par l’association de plusieurs obligations, dont la présentation, avant le 30 juin 2020, d’un compte rendu financier, des états financiers et du rapport d’activité de l’association.

Pouvez-vous ainsi me préciser à quelle date précise et par qui ont été présentés ces éléments au ministère ? De même, pouvez-vous m’indiquer qui, au sein du ministère, a réceptionné et, surtout, examiné ces éléments ?

Toute association qui demande une subvention remplit un dossier examiné par le bureau de l’éducation artistique, culturelle, et sportive et, depuis le 1er septembre 2020 à la suite d’une réorganisation de la DGESCO, par la mission des partenariats et des relations avec les associations. La délivrance d’une subvention est subordonnée à la signature d’une convention, travaillée et examinée par ce bureau, et approuvée par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (conformément aux règles de comptabilité publique qui imposent le contrôle indépendant du CBCM sur les dépenses). Le délégué national à la vie lycéenne n’a pas été associé à la rédaction de la convention.

En l’occurrence, la demande d’Avenir lycéen a suivi cette procédure. Pour mémoire, Avenir lycéen a été créé en 2018, a remporté 2 des 4 sièges aux élections au Conseil supérieur de l’éducation en mars 2019. Devenue représentative au niveau national, l’association a alors fait une demande de subvention, qui a été examinée dans les conditions susmentionnées. La convention a été conclue en novembre 2019. Les éléments constituant le dossier de la convention et de la demande de subvention ont été analysés par le bureau dédié aux associations de la direction générale de l’enseignement comme c’est scrupuleusement le cas par toutes les associations conventionnées et subventionnées par le ministère.

L’association a bien notifié l’ensemble des éléments requis (compte rendu financier, rapport d’activité, etc.), documents qui ont été examinés dans le cadre de la convention 2020 par les mêmes services.

2/ Pouvez-vous m’indiquer quels éléments précis ont été fournis par l’association pour justifier de ses interventions sur les thématiques de « Climat scolaire et lutte contre le harcèlement », d’« éducation aux Médias et à l’Information », de « Droits Lycéens », de « Sport » et enfin d’« Orientation, Réussite Lycéenne et affaires sociales » ?

3/ La convention prévoit aussi l’organisation d’un congrès fondateur d’Avenir Lycéen. Comment a-t-il été justifié auprès du ministère ?

Question 2 et 3 : Comme pour toutes les associations, dont les associations lycéennes, Avenir Lycéen a indiqué dans son dossier de subventions les thématiques dans lesquelles elle s’investit et sur demande du ministère, elle doit justifier de la tenue de ces interventions et des événements qu’elle organise. Comme pour toutes les autres associations, le ministère peut demander tout élément sur tel ou tel évènement ou action conduite.

4/ Avenir Lycéen a réalisé des interventions de « sensibilisation et rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes » et a rédigé un rapport sur la culture au sujet du chapitre pour l’« Ouverture à l’international en termes de culture et d’éducation ». Quel est le coût déclaré par « Avenir Lycéen » pour ces deux missions ?

Sur l’action « Sensibilisation et rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes », l’association a demandé en 2020 une subvention de 2 100 euros, soit 82,35 % du montant total des dépenses envisagées. Sur l’action « Ouverture à l’international en termes de culture et d’éducation », l’association a demandé une subvention de 800 €, sur les 4 050 euros de dépenses envisagées, soit 19,75 %.

Dans les deux cas, les deux rapports ont été réalisés.

5/ Mes questions n° 2, 3 et 4 sont motivées par le fait que les éléments financiers d’Avenir Lycéen, que j’ai pu consulter, font état de nombreuses dépenses dont le lien avec les actions précitées paraissent difficile à établir. Or, la subvention ministérielle représente la quasi-totalité des recettes de l’association.

Dans le budget prévisionnel présenté au ministère dans le cadre de la signature de la convention d’objectifs, Avenir Lycéen indiquait par exemple que 6 500 euros allaient être dépensés pour des « rémunérations intermédiaires et honoraires » afin de mettre en œuvre les missions. De même, les différences « locations » devaient représenter 12 000 euros, sans parler des prestations de service pour 8 000 euros. Ces dépenses n’ont pas été engagées. Le ministère l’a-t-il vérifié ? Si oui, quelles en ont été les conséquences ? Si non, pourquoi ?

Le ministère a pris connaissance de l’ensemble des éléments financiers produits par l’association. Étant donné que toutes les dépenses n’avaient pas été engagées sur 2019, le montant de la subvention a été diminué de plus de 50 % entre 2019 (65 000 €) et 2020 (30 000 €), conformément d’ailleurs à la demande de l’association.

6/ Il ressort de mon enquête que la majorité des dépenses d’Avenir Lycéen depuis un an ont été engagées par carte bleue. Les éléments financiers révèlent des dépenses importantes dans des hôtels et restaurants de luxe, des retraits d’importantes sommes en liquide (parfois à des heures tardives), et d’achats importants de matériel informatique. Ces dépenses paraissent à la fois éloignées de l’objet social de l’association et des objectifs que lui a assignés le ministère dans le cadre de sa convention. Comment l’expliquez-vous ?

Le ministère ne fait pas un contrôle sur pièces de l’intégralité des dépenses rattachées à des actions subventionnées, quelle que soit l’association bénéficiaire (conformément au principe de liberté associative). Le contrôle suggéré relève d’autres instances. En revanche, le ministère s’assure que de manière globale les actions subventionnées sont effectivement réalisées. Les subventions demandées au titre des déplacements, s’agissant d’une association nationale, l’ont été pour des restaurants et des hôtels correspondant aux déplacements de l’équipe de direction d’Avenir Lycéen afin d’assister à des événements organisés par les représentants départementaux et régionaux de l’association.

7/ Ces dépenses paraissent en outre inadaptées au fonctionnement d’une association de lycéens, pour certains mineurs. Comment le ministère a-t-il ainsi pu octroyé une subvention de cette importance sans effectuer un contrôle plus serré ?

Le ministère exerce naturellement son droit de contrôle sur les subventions qu’il accorde aux associations, et s’assure de la réalisation des actions subventionnées. Il faut distinguer le contrôle a priori (quelles actions proposées avec quelles subventions) du contrôle a posteriori (les actions ont-elles bien été réalisées et les différents documents relatent-ils les activités et équilibre financier global). C’est précisément à cette aune que la subvention a été diminuée en 2020, dans le cadre de la procédure de conventionnement susmentionnée.

8/ Selon mon enquête, des alertes ont été formulées par des membres de l’association, y compris par écrit, à des représentants du ministère. Quelles suites ont été données à ces alertes ?

Un représentant du ministère a été alerté sur des dépenses supposées par l’association. Il a répondu que, comme pour toutes les associations, le ministère pouvait interroger l’association sur ses dépenses et que, comme toutes les associations loi 1901, Avenir Lycéen pouvait être contrôlée sur ses dépenses et qu’à cet effet, elle doit procurer des justificatifs. La direction de l’association a été sensibilisée par le DNVL au bon usage d’une subvention publique et à la nécessité d’être en mesure de justifier, à tout moment, de la réalité d’une dépense et de son lien avec l’activité subventionnée.

9/ Lorsqu’elle était présidente d’Avenir Lycéen du 8 juin 2019 au 21 juin 2020, [nom anonymisé] était en relation fréquente avec Isabelle Bourhis, conseillère social, et avec le DNVL Christophe Brunelle, y compris pour des sujets politiques sans lien avec la convention d’objectifs. Avez-vous perçu l’association comme une force d’appui politique au ministre Jean-Michel Blanquer ?

Il n’y a jamais eu de discussions « politiques » entre le cabinet et Mme [nom anonymisé]. S’agissant d’une association représentative au CSE, dans une période de réformes importantes, il y a en revanche eu plusieurs échanges soit au niveau des services, soit au niveau du cabinet, autour des attentes des lycéens et de leurs propositions. Le positionnement actif de l’association pour collecter les avis des lycéens (sondages en ligne notamment) justifie de tels échanges, au même titre que des rencontres avec d’autres organisations lycéennes. On relèvera à cet égard que le DNVL, notamment, est en contact très régulier avec les autres organisations lycéennes (OIJ, UNL, MNL et FIDL), pourtant non représentatives, qui lui font part de leurs propositions et de leurs réflexions. Ces relations sont de très bonne qualité.

10/ Cette proximité politique, entre Avenir Lycéen et plusieurs de ses dirigeants avec des représentants du ministère, explique-t-elle le laxisme du ministère dans le contrôle financier qu’il aurait dû exercer sur l’utilisation de la subvention de 65 000 euros versée dans le cadre de la convention d’objectifs ?

L’emploi du terme de « laxisme » est infondé voire insultant pour des équipes administratives, sans lien avec Avenir lycéen ni aucune autre association, et qui traitent plusieurs centaines de demandes de subventions par an, pour un montant d’environ 4,5 millions d’euros, comme pour le contrôle budgétaire et financier qui engage sa responsabilité de comptable public. Il n’y a eu aucun laxisme du ministère dans le contrôle financier de cette association comme pour les autres.

11/ Le ministère soutient aussi la création d’une fédération « Avenir Éducation », dirigée par d’anciens membres d’Avenir Lycéen. Est-ce également un élément d’explication sur la mansuétude dont fait l’objet l’association ?

Le ministère n’a jamais été sollicité, sous quelque forme que ce soit, pour la création d’« Avenir Éducation », dont il a découvert l’existence au moment de son officialisation. Outre qu’il n’y a aucune mansuétude, on voit donc mal en quoi cela aurait pu compter.

12/ Où en est la négociation pour le renouvellement de la convention annuelle d’objectifs avec Avenir Lycéen ?

Comme pour toutes les associations, le renouvellement des conventions a lieu tout au long de l’année, celle d’Avenir Lycéen est actuellement en cours de finalisation.

13/ Le ministère a-t-il octroyé une subvention à « Avenir Éducation » ?

Le ministère n’a accordé aucune subvention à Avenir Éducation.

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Plusieurs responsables de l’association Avenir Lycéen sont mineurs, ou étaient mineurs à l’époque de certains faits rapportés dans cette enquête. Nous avons donc unilatéralement décidé d’anonymiser les identités de tous les membres du syndicat. Nous avons informé l’ensemble de nos interlocuteurs (représentants du syndicat, ministère, délégué national à la vie lycéenne) dès notre première sollicitation.

Nous avons également expliqué à tous nos interlocuteurs que l’âge de certains responsables d’Avenir Lycéen n’exempte pas l’association et ses dirigeants de toute responsabilité, au regard de la gravité des dysfonctionnements que nous avons pu constater. Surtout lorsque ces dysfonctionnements sont en lien avec l’octroi d’une importante subvention publique, dont le suivi est censé être opéré par le ministère.

Nous avons interrogé, mardi 3 novembre, neuf dirigeants (actuels ou anciens) d’Avenir Lycéen. Ils nous ont répondu par courriel ou téléphone. Après un échange téléphonique avec lui jeudi 5 novembre, l’actuel trésorier d’Avenir Lycéen nous a demandé un délai supplémentaire pour nous répondre – ce que nous lui avons accordé. Nous n’avons plus eu de nouvelles de sa part à échéance de ce délai supplémentaire.

Le délégué national à la vie lycéenne (DNVL), Christophe Brunelle, nous a également demandé un délai complémentaire – que nous lui avons accordé – en nous indiquant qu’il nous répondrait le vendredi 6 novembre « au plus tard ». Nous n’avions rien reçu de sa part à cette date.

La délégation à la communication (DELCOM) du ministère a répondu à nos questions par écrit, le 5 novembre (l’intégralité de sa réponse est à retrouver sous l’onglet PROLONGER). Dans sa réponse écrite, la DELCOM du ministère a recopié (mot pour mot) une question que nous avions spécifiquement envoyée au DNVL,
Christophe Brunelle.

   

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