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Nouvelle étape pour la souveraineté de Kanaky

dimanche 4 octobre 2020 par Marie Bazin

Aujourd’hui doit avoir lieu la deuxième consultation sur la pleine souveraineté de Kanaky - Nouvelle-Calédonie. Depuis le premier vote il y a deux ans, la position du mouvement indépendantiste s’est renforcée mais l’État et les partis anti-indépendantistes ont poursuivi leurs manœuvres pour maintenir le pays dans la France, en particulier dans le contexte de la crise du coronavirus.

Le 4 novembre 2018, le vote en faveur de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie a recueilli 43,3% des voix, un résultat certes minoritaire au niveau mathématique mais bien plus élevé qu’annoncé et qui a représenté une victoire symbolique pour le mouvement indépendantiste.

2018-2020 : maintenir un rapport de forces favorable

L’accord de Nouméa prévoyant deux autres consultations, avec maximum deux ans d’intervalle entre chaque, la période 2018-2020 a représenté à la fois un chemin vers le second vote et une continuation des activités politiques habituelles. L’enjeu pour les partis indépendantistes était de maintenir un rapport de forces en leur faveur et de prouver leur capacité à gouverner le pays (notamment dans la province Nord où ils sont majoritaires et au sein du Congrès).

En mai 2019, les élections provinciales, qui élisent les assemblées des trois Provinces, formant ensuite le Congrès (l’assemblée délibérante de Nouvelle-Calédonie), ont fait apparaître un scénario inhabituel : les partis indépendantistes ont remporté 26 sièges au Congrès (1 siège supplémentaire par rapport à 2014), la droite 25 sièges, et un nouveau parti politique, l’Éveil océanien, se revendiquant comme neutre, a remporté 3 sièges, se retrouvant de facto comme un parti pivot à même de faire pencher les votes en faveur d’un camp ou de l’autre.

Lors d’un premier vote clé, l’Éveil océanien a voté avec les partis indépendantistes ce qui a permis d’élire Roch Wamytan, l’un des principaux leaders indépendantistes, comme chef du Congrès en mai 2019. Mais deux semaines plus tard, l’Éveil océanien s’est allié à la droite pour élire un gouvernement à majorité anti-indépendantiste (parti "l’Avenir en confiance", le plus à droite) et pour gouverner la province Sud.

Depuis 2019, aux dires de la droite centriste (Calédonie ensemble) et de l’Éveil océanien, l’Avenir en confiance a gouverné en s’accaparant le maximum de postes et a durci son discours.
Conséquence : l’Éveil océanien a récemment changé d’alliance et décidé en juillet 2020 d’intégrer le groupe indépendantiste UC-FLNKS au Congrès. Ce retournement de situation donne désormais aux indépendantistes une majorité confortable et stable au Congrès (29 voix contre 26), qui a permis de reconduire Roch Wamytan à sa tête et qui aurait le pouvoir d’élire un nouveau gouvernement, à majorité indépendantiste, ce qui n’est encore jamais arrivé.

A l’heure actuelle, le rapport de forces institutionnel semble donc en faveur du mouvement indépendantiste et la droite ressort divisée de cette période de deux ans.

Mais le 2e référendum ne dépend pas uniquement de la politique politicienne. Si la vie politique locale permet de constater certaines tendances, le résultat du référendum se joue sur le terrain, et dans ce contexte la crise du coronavirus et les manœuvres de l’État et de la droite en coulisses risquent de peser.

Le coronavirus, prétexte pour une reprise en main

Malgré un nombre très faible de cas positifs au coronavirus, la pandémie a eu un impact politique et économique important en Kanaky Nouvelle-Calédonie. La crise a montré que la main de l’État colonial n’était jamais bien loin, au mépris de la répartition des compétences.

Alors que la compétence en matière de « Protection sociale, hygiène publique et santé, contrôle sanitaire aux frontières » appartient à la Nouvelle-Calédonie depuis 1957, et que l’exécutif est exercé par le gouvernement calédonien et ses services (notamment la direction de l’action sanitaire et sociale), l’État français s’est substitué aux institutions calédoniennes pour gérer la crise et imposer en Kanaky les mêmes mesures qu’en France, par des décrets et ordonnances contraires au principe de l’irréversibilité des transferts de compétences.

Des décisions ont été prises par le Haussaire (représentant de l’État) par arrêtés conjoints avec le seul président du gouvernement calédonien (anti-indépendantiste), sans que l’ensemble du gouvernement ne soit associé.

La loi d’état d’urgence sanitaire décrétée en métropole a été appliquée à la Nouvelle-Calédonie, ce qui a conduit à confiner l’ensemble du territoire alors que le nombre de cas était très faible (moins d’une vingtaine), avec pour effet de mettre durablement à mal l’économie locale et les emplois. Les indépendantistes et la droite centriste ont saisi le Conseil constitutionnel dénonçant la violation de l’accord de Nouméa.

Non seulement il n’appartenait pas à l’État de gérer la crise sanitaire en Nouvelle-Calédonie, mais sa gestion a été désastreuse. L’aéroport de la Tontouta n’a été fermé que le 20 mars, laissant des cas arriver sur le territoire, alors que le Sénat coutumier en demandait la fermeture depuis le 11 mars.

Pendant l’intervalle, les tribus kanak ont elles-mêmes mis en place des barrages filtrants sur l’île pour empêcher la propagation d’éventuels cas. Plusieurs Français arrivés sur place pour gérer la crise n’auraient pas respecté les mesures de confinement et certaines relèves de personnel militaire n’auraient pas été interrompues.
Ces faits ont notamment été dénoncés par l’Union calédonienne (indépendantiste) qui a demandé la démission du Haussaire et du commandant des forces armées.

Avec la crise, l’endettement...

A cette reprise en main politique s’est ajoutée une ingérence économique. Un prêt de 28,5 milliards de francs CFP (240 millions d’euros) pour le soutien à l’économie a été signé entre l’AFD et le gouvernement calédonien, avec la garantie de l’État. C’est un emprunt très lourd, plus de la moitié du budget calédonien (46 milliards CFP), à un taux jugé très élevé (1,5%), qui endettera durablement la Nouvelle-Calédonie.

Mais ce qui est largement dénoncé par les indépendantistes comme par Calédonie ensemble (la droite anti-indépendantiste centriste), ce sont les contreparties exigées : maîtrise des dépenses des établissements publics, réformes fiscales avec création de nouvelles taxes, et réformes du système de santé.

Autant de domaines pour lesquels la Nouvelle-Calédonie est juridiquement compétente du fait de son statut autonome. Même les députés français du parti Calédonie ensemble ont qualifié ce prêt d’une « mise sous tutelle » et parlé de « conditions scélérates » (Le Figaro, 3/06/20).

La crise économique que risque de connaître la Nouvelle-Calédonie est pourtant principalement due au confinement non justifié imposé par la France. L’Avenir en confiance, majoritaire au gouvernement, et qui a donc sollicité ce prêt à l’AFD, y a certainement vu une occasion unique de lier durablement la Nouvelle-Calédonie à son État de tutelle.
Quoi de mieux que l’endettement pour cela ?

Cette question risque de peser dans les débats de la campagne pour le référendum et dans les esprits des votants, qui pourraient craindre que la Kanaky Nouvelle-Calédonie ne puisse se passer de la France sur le plan économique compte tenu de ce nouveau prêt à rembourser. Mais la situation est ambivalente, puisqu’à l’inverse la gestion sanitaire de la crise par la France a montré que le territoire aurait été mieux protégé s’il avait été indépendant.

Chaque voix compte

Au-delà de cette actualité, c’est un travail de fond autour de la LESC (liste électorale spéciale pour la consultation) qui se poursuit du côté des indépendantistes. La composition de cette liste est capitale, car le résultat du vote se jouera probablement à quelques milliers voire centaines de voix près.

Pourtant strictement définie par l’accord de Nouméa, la composition de la liste référendaire a déjà fait l’objet de nombreux débats et négociations (voir Billets n°295, mars 2020). Depuis le 1er vote en 2018, la LESC a été modifiée au gré des décès ou des acquisitions du droit de vote.

Les indépendantistes ont analysé la composition de la liste à la date de mai 2019, et il ressort que sur les 174 933 personnes inscrites, 49% sont kanaks. Ils ont mené un travail de fourmi consistant à scruter l’ensemble de la liste pour vérifier l’inscription effective des Kanaks, nom après nom.

Outre l’inscription sur la liste, il s’agit ensuite que les personnes inscrites puissent effectivement voter, or beaucoup de Kanaks ne vivent pas sur leur lieu de vote. Plusieurs milliers, originaires de la province des Iles, vivent à Nouméa pour travailler (environ 12 000 sur les 20 000 votants des Iles). Des bureaux de vote décentralisés ont été mis en place à Nouméa pour leur permettre de voter, mais il faut s’y enregistrer préalablement (en plus de son inscription sur la liste) et en 2018 seules 3000 personnes l’ont fait. Il y a ainsi près de 9000 Kanaks de la province des Iles qui n’ont pas voté au premier scrutin, soit par méconnaissance des bureaux décentralisés, soit parce que le délai était écoulé pour s’inscrire, soit par désintérêt pour le vote. Autant de voix à mobiliser aujourd’hui.

Plusieurs centaines de Kanaks vivent en France pour leurs études et doivent faire une procuration auprès d’une gendarmerie ou commissariat. En 2018 beaucoup se sont heurtés à l’ignorance des fonctionnaires sur le vote à venir et à leurs erreurs administratives dans l’enregistrement des procurations, voire à leur refus. Certaines procurations sont arrivées trop tard dans les mairies calédoniennes et n’ont pas été prises en compte. Pour 2020, les indépendantistes ont demandé à l’État français d’informer correctement mais des témoignages indiquent qu’il reste encore des commissariats qui ignorent la procédure.

La campagne pour le Oui : convaincre largement

Le vote pour l’indépendance n’est pas qu’une affaire de mathématiques. En 2018, sur les 43,3% de Oui, les indépendantistes estiment qu’environ 10% étaient le fait de personnes non Kanaks. Ainsi l’enjeu pour le mouvement indépendantiste est de mobiliser l’ensemble des Kanaks à aller voter (réduire le taux d’abstention dans les communes indépendantistes) et aussi d’obtenir de nouveaux soutiens au sein des communautés non-kanaks en démontrant leur capacité à diriger le pays et à mener la transition vers l’indépendance.

La campagne de terrain, engagée cet été, et qui vise à diffuser le projet du FLNKS pour une Kanaky Nouvelle-Calédonie souveraine, a cet objectif. Ce projet, mis à jour en juillet 2020, prévoit précisément la période d’installation du nouvel État, et détaille les intentions du FLNKS en matière de protection sociale, d’économie et d’emploi, d’éducation, d’environnement, etc.

Début juillet 2020, le parti travailliste indépendantiste a officiellement appelé à voter pour l’indépendance, alors qu’en 2018 il avait appelé à ne pas participer, jugeant le scrutin insincère.
Les manœuvres de l’État et de la droite loyaliste auront au moins eu pour effet d’unifier et renforcer le mouvement indépendantiste à la veille du référendum.


Voir en ligne : https://survie.org/billets-d-afriqu...

   

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