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Chine : la nouvelle diplomatie économique

dimanche 31 décembre 2017

Par Alain Boublil

Le président de la République va se rendre en Chine dans les prochains jours avant d’aller au Japon et en Corée du Sud. Il ne commet donc pas la même erreur que certains de ses prédécesseurs. Le premier voyage d’État en Asie d’un dirigeant d’un pays étranger doit être pour la capitale chinoise s’il veut que s’instaure un climat de respect mutuel.

La condition est nécessaire mais pas suffisante. Il doit être aussi bien informé des grandes orientations de ses interlocuteurs et le montrer. A défaut, il passerait pour un ignorant ou pire, pour un adversaire puisqu’il n’aurait tenu aucun compte des objectifs de ses hôtes. Dans les deux cas, il serait impossible que s’établisse la relation de respect mutuel qui seule permet d’aboutir à des résultats concrets.

La politique étrangère de la Chine a profondément évolué depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. Elle est désormais bien plus centrée sur les questions économiques que par le passé quand les aspects commerciaux étaient prédominants. Il fallait répondre aux critiques et éviter les sanctions du fait des excédents croissants du pays. L’ambition de la Chine est aujourd’hui de trouver sa place dans les relations économiques et politiques internationales et que celle-ci contribue à la réalisation des objectifs de sa politique intérieure.

Le pays n’a plus vocation à être une zone de délocalisation et l’usine du monde. Cette situation qui ne pouvait être que transitoire est maintenant incompatible avec l’amélioration substantielle et continue du niveau de vie de la population. Le président Xi l’a compris et sa réponse, c’est la « Belt and Road Initiative ». Elle fait référence aux anciennes « Routes de la Soie » qui structuraient les échanges entre l’Asie et l’Europe au début du Moyen Age.

Mais la comparaison historique s’arrête là et elle va bien plus loin. En soutenant les projets d’infrastructures dans les pays voisins, la Chine favorise leur développement, ses propres exportations et ses entreprises qui réalisent les travaux. Cette stratégie n’est pas non plus dénuée de considérations de politique intérieure. Elle contribue au rééquilibrage en faveur de l’ouest et du nord du pays ce qui atténuera les tensions avec les minorités ouighours ou tibétaines dans ces régions.

La BRI a d’abord porté sur le renforcement des relations avec les dix pays membres de l’ASEAN auxquels se joignent régulièrement dans le cadre de réunions au plus haut niveau, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Elle a profité de la décision du président Trump de rompre l’Accord Trans-Pacifique. S’il avait voulu jeter ces pays dans les bras de Pékin, il ne s’y serait pas mieux pris. Des liaisons ferroviaires à grande vitesse sont ainsi en construction depuis Kunming, la capitale du Yunnan vers le Laos et la Thaïlande avec des extensions prévues jusqu’en Malaisie et vers Singapour. Elles faciliteront le développement des échanges avec ces pays.

La construction d’une nouvelle ligne à grande vitesse permettra de relier la gare de Kowloon à Hong Kong à Canton en moins d’une heure contre deux heures aujourd’hui et accélérera le processus d’intégration de l’ancienne colonie britannique. Un autre accord majeur avec le Pakistan, auquel s’est joint l’Afghanistan, a pour objet de créer un « Corridor économique » allant de Kashgar, à l’ouest du désert de Gobi jusqu’au port pakistanais de Gwadar sur la mer d’Arabie. Il comportera des routes, une liaison ferroviaire, un pipe-line et des réseaux de fibre optique et sa réalisation profitera à la province du Xinjiang.

L’Europe et l’Asie centrale constituent l’autre grand volet de cette stratégie. Il y a d’abord eu l’accord géant de fourniture de pétrole et de gaz conclu avec la Russie en 2013 avec la construction des deux gazoducs qui alimenteront le centre et le nord de la Chine. Cela procurera à Moscou des recettes qui compenseront, en partie, les pertes dues à la chute des cours et aux sanctions occidentales. Le géant pétrolier chinois CNPC participe au grand projet d’exploitation pétrolière et gazière de Yamal dans l’océan Arctique. Des méthaniers transporteront vers la Chine du LNG durant les mois d’été. La BRI vise aussi les anciens pays de l’Union soviétique en Asie et c’est en cela qu’elle s’inscrit dans la tradition historique des Routes de la Soie. Des lignes ferroviaires ont été ouvertes et permettent de desservir l’Europe avec une réduction de moitié du temps de transport par rapport à la voie maritime.

Des accords gaziers, notamment avec le Turkmenistan, ont été conclus, avec là aussi la construction de gazoducs. Le Kazahkstan n’est pas oublié et des dizaines de projets industriels y seront financés. Une « Union Economique de l’Eurasie » a été créée en même temps qu’une Association des pays d’Europe centrale et orientale, le Groupe « 16+1 » à laquelle a rendu visite le Premier ministre Li Keqiang à la fin du mois de novembre. La réunion qui se tenait à Budapest comprenait onze pays d’Europe de l’Est qui avaient adhéré à l’Union Européenne après l’effondrement de l’Union soviétique, avec l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine la Bosnie et la Serbie. Bruxelles n’était pas convié. Là encore, l’objet de cette formation est d’étudier et de financer des infrastructures favorisant les échanges entre l’Europe et la Chine, avec notamment la ligne ferroviaire Belgrade-Budapest.

La France ne peut plus se permettre d’ignorer cette nouvelle étape de la mondialisation qui aura des conséquences industrielles majeures. L’exemple du ciment, où la France a brillé pendant longtemps est révélateur. Le N°1 mondial est désormais le groupe chinois China National Building Material. Il projette de construire durant les prochaines années une centaine de cimenteries et bénéficiera du soutien financier des institutions créées dans le cadre de la BRI. Son président, Song Zhiping, a même été élu président de l’association mondiale des cimentiers à Londres il y a quelques jours.

La France a raté deux occasions en Chine où elle aurait pu jouer un rôle déterminant puisque ses compétences y étaient reconnues depuis longtemps, le gaz naturel, sa distribution et son stockage et les liaisons ferroviaires à grande vitesse. C’est regrettable mais il est trop tard. Nous sommes restés sur le quai. En revanche Airbus a intelligemment décidé de construire une ligne d’assemblage à Tianjin. Au lieu d’y voir une menace, comme le font beaucoup de commentateurs, il faut valoriser cette initiative. Elle peut ouvrir la voie à d’autres coopérations. Il en va de même dans le nucléaire.

Les premières centrales, à Daya Bay ont été construites par la France. L’EPR, tant critiqué ici, qui est construit à Taishan, entrera en service avant Flamanville car les entreprises chinoises associées à EDF et à Areva ont su tirer les leçons des difficultés rencontrées sur les premiers modèles. La Chine est intéressée par une innovation majeure, le Mox, un combustible fabriqué en recyclant du combustible usagé. Le développement du nucléaire en Chine contribue, comme le gaz naturel, à la réduction de la part du charbon et des émissions de CO2. C’est une priorité pour le pays, confronté à des pollutions massives dans les grandes villes et la raison du soutien sans faille de Pékin au succès de la COP 21.

Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, y compris la construction d’infrastructures, la France et la Chine ont des objectifs communs. Profitons-en en nouant des partenariats au lieu de critiquer sans cesse ce pays, de mettre en doute ses succès et de prévoir, contre l’évidence, son écroulement. Sinon, d’autres prendront notre place.


Voir en ligne : http://ab-2000.com/fr/archives/2017...

   

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