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Un film sur le terrorisme en Libye au travers les aventures et l’emprisonnement d’un citoyen russe

samedi 16 mai 2020 par Bruno Drweski (ANC)

Nous n’avons pas l’habitude de faire des compte-rendus d’ouvrages ou de films mais nous faisons ici une exception pour signaler quelque chose qui nous apparaît assez exceptionnel, à travers la tragédie de deux hommes toujours emprisonnés en Libye. La possibilité de voir et de saisir la logique du terrorisme non plus sous l’angle de la frayeur et de la dénonciation futile et sans visage, mais sous celle de la logique de son fonctionnement et des appuis nécessaires à sa promotion. Ce film russe, dans sa version anglophone, n’est pas encore public et nous remercions à cette occasion les contacts centre-européens qui nous ont permis de nous le procurer et d’annoncer ainsi ce qui devrait pouvoir être diffusé sous peu. (NDLR)

Un producteur de film russe vient de sortir dans sa version russe et bientôt dans sa version traduite en anglais le film « Shugalei » qui traite d’un fait réel.

Celui d’un sociologue faisant office de consultant envoyé en Libye avec un ami et un traducteur pour essayer d’enquêter sur la situation dans ce pays et qui, après avoir rencontré à Tripoli plusieurs personnages influents du pays puis Seif el Islam Kadhafi, a été arrêté par les milices d’un des nombreux seigneur de la guerre opérant dans ce pays, en relation avec différentes puissances étrangères.

Ce film que nous avons pu visionner en avant-première, est l’occasion de nous faire découvrir l’absence d’État, l’état d’un pays, la situation de sa population réduite à la misère et soumise à des chefs de guerre corrompus, fabuleusement riches, d’un cynisme et d’une brutalité sans égale et qui rivalisent les uns avec les autres tout en faisant plus ou moins allégeance à une puissance ou à une autre. L’intérêt de ce film est surtout de dévoiler tout ce que nous soupçonnons sans avoir pu le voir en image, à l’époque où il faut passer par l’image pour que quelque chose de vrai mais restant au stade du « virtuel » puisse devenir « réel ».

Le terrorisme n’est pas une catégorie idéologique, et on ne doit jamais tomber dans le piège facile de se laisser aller à le considérer comme tel. Le terrorisme, c’est une lutte pour le pouvoir et pour l’argent au service de puissances, à partir de réseaux qui utilisent et instrumentalisent au départ les idées et les croyances pour recruter des aventuriers, des vanupieds, des desperados et des parvenus. C’est un moyen parmi d’autres de rivalité entre pôles de pouvoir. C’est une situation qui voit l’émergence de seigneurs de la guerre tel que l’ont connu autrefois d’autres pays semi-coloniaux en Asie, en Afrique ou aux Amériques et aussi récemment en Europe.

Le terrorisme a plus à voir avec la culture mafieuse ou la culture de la violence crue qu’avec une idéologie d’extrême gauche, d’extrême islamisme ou de séparatisme extrémiste. Aujourd’hui, mondialisation oblige, le terrorisme est devenu un phénomène transfrontalier et supranational particulièrement concentré dans l’arc stratégique où s’opposent les puissances, et qui va des rivages océaniques de l’Atlantique central jusqu’au cœur des déserts d’Asie centrale. La Libye désintégrée ayant occupé un rôle pivot dans l’émergence de la dernière vague de terrorisme toujours en activité.

Dans ce film, les metteurs en scène russes ont mis en image un cas réel, celui d’un citoyen russe, Maxime Shugalei, enfermé et torturé jusqu’à aujourd’hui dans la prison de Mitiga, une des « prison privée » d’un des groupe terroriste les plus pervers de Tripoli et de Misrata . Le spectateur peut au début du film avoir quelques difficultés à suivre les chocs successifs des images qui se déroulent, entre scènes d’horreur, contenues toutefois dans les limites de la bienséance, et flashback sur des scènes plus conviviales.

Mais il est vite entraîné dans l’intrigue et arrive assez rapidement à saisir le fil conducteur des événements qui le laissent en haleine tout au long du film ...dont il sait qu’il n’y aura pas de « happy end » à l’américaine puisqu’il s’agit d’un enfermement réel qui dure jusqu’à aujourd’hui. Ce qui rend la tension du film plus prenante encore. Il s’agit clairement d’un film-message destiné, à travers la tragédie de deux hommes, le « consultant » russe et son interprète arabe, à exercer auprès des puissances le maximum de pression pour obtenir leur libération.

Il s’agit, par la même occasion, de décrire, à travers des scènes et des discussions évocatrices, le phénomène pervers du terrorisme « post-moderne » supranational, dont la Libye, après l’Irak et avant la Syrie, est devenue l’archétype. En sous-entendant de façon très habile et discrète le rôle des puissances occidentales dans ce processus. Les scènes d’horreurs contenues succèdent tout au long du film à la beauté des paysages ou à la vitalité malgré tout du petit peuple des villes et des déserts. Un film qui veut éveiller de la sympathie pour ce petit peuple en même temps que soulever un sentiment de solidarité avec les deux victimes du rapt.

Il est clair que l’événement mis ici en image correspond à la vision des choses en Libye telle qu’elle est vue de Russie, et l’on peut dès lors comprendre que l’enquêteur tangue naturellement entre une sympathie pour la cause Kadhafi et un réalisme qui décrit sous les meilleurs jours l’autre grand protagoniste du drame libyen, le général Haftar, qui fut pourtant, après avoir rompu avec Kadhafi père, l’homme des États-Unis avant d’évoluer dans un dédale pouvant nous faire perdre notre boussole politique, puisqu’aujourd’hui ses soutiens semblent provenir de pays aussi différents que la Russie, la France, les Émirats arabes unis, la Syrie ou l’Égypte. « Orient compliqué » sans doute, et répondant rarement aux visions simplistes que l’on en a outre-Atlantique et que la Russie semble de son côté beaucoup mieux comprendre.

Même si l’on peut regretter la forme simpliste qui a été choisie pour assurer la traduction du film dans sa version anglophone et qui peut laisser penser que le producteur ne jouit pas de mannes financières illimitées, ce film mérite d’être vu car il permet de découvrir ce que le public occidental ignore le plus souvent, soupçonne au mieux.

Incapable qu’il est encore aujourd’hui la plupart du temps de comprendre le fil des événements en Libye depuis 2011 et, tout effet ayant une cause, de saisir les raisons et les auteurs réels des processus dramatiques pour les peuples de démantèlement organisé des États existant, dès lors que ceux-ci veulent ne serait-ce que tenter de rester souverains, politiquement ou économiquement, par rapport aux grands centres de pouvoir mondialisé.

   

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