Association Nationale des Communistes

Forum Communiste pour favoriser le débat...

Accueil |  Qui sommes-nous ? |  Rubriques |  Thèmes |  Cercle Manouchian : Université populaire |  Films |  Adhésion

Accueil > ANC en direct > Actualité Politique et Sociale > Jean-Marie Burguburu : « Il y a un risque d’accoutumance aux mesures de (...)

Jean-Marie Burguburu : « Il y a un risque d’accoutumance aux mesures de contrôle »

dimanche 3 mai 2020 par Camille Polloni

Le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) met en garde les autorités contre une pérennisation de l’état d’urgence sanitaire et s’oppose à l’application StopCovid. Entretien.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), créée en 1947 pour conseiller les pouvoirs publics sur les sujets qui touchent aux libertés fondamentales, a lancé au mois d’avril un Observatoire de l’état d’urgence sanitaire et du confinement afin de « contrôler la mise en œuvre de ces mesures et évaluer les éventuelles violations des droits et libertés qui pourraient en résulter ». Jean-Marie Burguburu, président de la CNCDH, soulève plusieurs points de vigilance et revient sur les derniers avis adoptés par son institution.

Pensez-vous que la prolongation de l’état d’urgence sanitaire pour deux mois, qui doit être votée en début de semaine à l’initiative du gouvernement, est justifiée ?

Jean-Marie Burguburu : Poser la question de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, c’est d’abord soulever le bien-fondé de sa mise en place. Ceux qui contestent les décisions prises initialement le font soit sur un fondement juridique (la loi du 23 mars n’a fait que donner une base légale au décret du 16 mars qui prévoyait le confinement), soit sur l’inadéquation de ces mesures à la situation sanitaire (nos voisins, l’Allemagne par exemple, ne l’ont pas fait) et sur le risque économique considérable ainsi pris.

Mais dans un état de droit, il n’est pas possible de prendre de telles mesures de contrainte sans l’aval du législateur, à défaut pour lui d’en avoir pris l’initiative. Donc ces mesures devaient être encadrées par une loi et par les ordonnances qui ont suivi. Et comme cet état d’urgence sanitaire ne pouvait être décidé que pour une durée limitée, il fallait le prolonger par une autre loi d’ailleurs prévue, sauf une fois encore à en contester la nécessité.

Le problème est que non seulement l’état d’urgence sanitaire va être prolongé de deux mois supplémentaires, jusqu’au 24 juillet, soit après le tournant estival de notre 14 Juillet national qui signe souvent le début des vacances, mais que, surtout, d’après le projet de loi, les mesures vont être durcies, avec notamment l’isolement des personnes contaminées, on ne sait pas sous quelle contrainte ni quelles sanctions.

De plus, la création des zones vertes et rouges semble impliquer l’interdiction corrélative de passer des unes aux autres : le gouvernement va-t-il se risquer à créer une sorte de ligne de démarcation (de mauvaise mémoire pour les plus anciens) non plus nord-sud mais est-ouest ? On ne veut pas le croire ! Et on ne laissera pas commettre une telle entorse à nos principes républicains même pour le bien allégué de la population.

La prolongation de l’état d’urgence sanitaire et le renforcement éventuel des mesures de contrainte posent ainsi des problèmes considérables et la CNCDH sera plus vigilante encore pour alerter les pouvoirs publics (dont elle est le conseil consultatif et indépendant) et s’il le faut le public, sur les limites à ne pas franchir.

À votre arrivée à la tête de la CNCDH, vous regrettiez que les pouvoirs publics n’aient pas souvent recours à votre institution, contrainte de s’auto-saisir pour compenser. Est-ce que, depuis la proclamation de l’état d’urgence sanitaire, on vous demande plus souvent votre avis ?

Je suis un peu peiné de devoir vous répondre par la négative. Les saisines des ministères restent rares, il y a du travail à faire pour qu’elles deviennent spontanées. Nous avons dû, par exemple, nous auto-saisir de la question du traçage numérique. Je crois comprendre que les pouvoirs publics redoutent un peu nos avis. Cette crainte est infondée : ce ne sont pas des avis « contre », mais des avis « pour », pour faciliter la vie des citoyens et pour respecter les droits de l’homme.

Une partie de vos missions consiste à contrôler que l’application des mesures de l’état d’urgence sanitaire demeure nécessaire, proportionnée et non discriminatoire. Est-ce qu’à ce stade, vous considérez que c’est le cas ?

Il est difficile de répondre globalement. En période d’état d’urgence sanitaire, les normes habituelles ne sont pas respectées. Le confinement, qui prive les citoyens de la liberté d’aller et venir, montre bien que nous ne sommes pas dans une situation normale. Plus d’une quarantaine d’ordonnances ont été prises après la loi du 23 mars. Il faudrait vérifier que chacune de ces mesures est nécessaire, adéquate et proportionnée au but poursuivi. Certaines le sont plus ou moins, d’autres pas vraiment. L’état d’urgence impose à l’évidence une vigilance accrue. Plus encore qu’en temps normal, les pouvoirs publics devraient écouter la CNCDH.

Dans vos interventions récentes, vous évoquez toujours les exclus de l’état d’urgence sanitaire : les précaires, les mal-logés, les personnes qui ne savent pas lire et écrire, les étrangers, les pauvres, les chômeurs, ceux qui n’ont pas d’ordinateur, les personnes handicapées, les enfants… Tous ces publics fragiles peuvent souffrir d’un accroissement des inégalités. Y a-t-il certaines catégories de population dont il est urgent de s’occuper ?

Toutes ces personnes sont déjà exclues quand tout va bien, encore plus tristement quand tout va mal. Elles attirent donc notre attention. Je voudrais parler de deux catégories particulières : les personnes qui ne sont jamais enfermées et celles qui le sont toujours, c’est-à-dire les SDF et les détenus. Pour eux, la situation actuelle est affreuse. Comment voulez-vous confiner un SDF qui, par définition, n’a pas de chez-lui ? Certains sont réticents à aller dans les lieux d’hébergement que les municipalités ou l’État leur offrent, pourtant ils ont dû s’y résoudre. En ce qui concerne les détenus, pour une fois, le ministère de la justice a pratiqué un nombre assez important de libérations anticipées et le taux de sur-occupation des prisons est un peu descendu. On a vidé presque entièrement les centres de rétention administrative, qui n’avaient plus de raison d’être, même s’il reste quelques centaines de personnes.

Ces personnes vivent dans une difficulté extrême, plus encore que d’habitude. Le drame de l’urgence sanitaire devrait attirer l’attention des pouvoirs publics et agir comme un effet de loupe, un effet grossissant du caractère catastrophique de leur situation. La grandeur de la République, c’est de se préoccuper de tous ses citoyens, pas seulement ceux qui paient l’ISF, pas seulement les contribuables ordinaires, pas seulement ceux qui sont exemptés d’impôt sur le revenu, mais aussi ceux qui, dans l’échelle économique, sont en dessous. Ce sont des citoyens dignes de considération et ce serait la grandeur de la France de s’en préoccuper un peu plus.

Êtes-vous inquiet de la manière dont sont distribuées les amendes pour non-respect du confinement ?

Des maladresses ont été soulevées et publiées, d’autres ne sont pas connues. S’il faut rappeler que les citoyens doivent avoir leur attestation en poche ou dans leur téléphone, il y a eu quelques dérapages déplorables, mais pas tant que cela sans doute. Il existe peut-être des zones, des quartiers, où les contrôles sont volontairement moins fréquents. Dans les territoires où les logements sont denses et les familles nombreuses, le confinement présente des difficultés qu’il faut prendre en compte.

La CNCDH a rendu plusieurs avis mardi, dont l’un sur « le rétablissement d’un fonctionnement normal de la justice », qui aujourd’hui « ne remplit plus la plupart de ses missions » et fait peser « des risques graves pour les droits et libertés des personnes ». Il se trouve que vous êtes avocat de profession. Que vous inspire la situation actuelle dans les tribunaux ?

C’est la grande misère, déjà pointée par les mouvements de grève des magistrats, greffiers et avocats. La justice est en mauvaise santé depuis longtemps et les gouvernements successifs n’ont sûrement pas fait ce qu’il fallait.

Lorsque l’état d’urgence sanitaire s’y est ajouté, le premier réflexe a été de fermer les tribunaux, par sécurité, parce qu’on a pas trouvé de meilleur moyen. Seuls certains aspects de la justice pénale ou des référés, déclarés véritablement urgents, ont été maintenus. La justice, déjà sans moyens de fonctionnement en temps normal, n’a pas pu tout de suite se doter des moyens de protection que l’on trouve désormais dans les magasins alimentaires : des espaces de séparation, des masques, du gel hydroalcoolique. Les avocats ont légitimement réclamé ces moyens, qui arrivent au compte-gouttes.

Comme la justice, qui se nourrit de contacts personnels, n’est pas en état de fonctionner, on a lancé beaucoup d’audiences par vidéo. Les avocats ont toujours été réticents sur le sujet, beaucoup de juges aussi, parce que la vidéo ne satisfait pas vraiment l’objectif de personnalisation des sanctions. Bref, la justice va mal.

Une ordonnance du ministère de la justice prévoit la prolongation automatique des délais de détention provisoire, ce qui a pour effet de laisser des personnes présumées innocentes en prison pour plusieurs mois supplémentaires, sans voir un juge. Votre avis estime que ces dispositions « ne sont pas admissibles et doivent être abrogées sans délai ». Avez-vous reçu des garanties en ce sens ?

Comme beaucoup des dispositions provisoires de l’état d’urgence sanitaire, elles ne devraient pas être installées dans notre droit, ni durer plus longtemps que nécessaire. Vous me demandez si l’on m’a donné des assurances à cet égard : la réponse est non, mais je n’en suis pas étonné. Aussi curieux que cela puisse paraître, la CNCDH n’est pas un interlocuteur habituel du ministère de la justice. Je souhaiterais qu’elle le devienne.

Néanmoins, quand vous dites que ces dispositions doivent être abrogées sans délai, on aurait pu imaginer que le ministère vous réponde.

Peut-être, dans un monde idéal…

La CNCDH met en garde les autorités contre « la tentation d’un glissement des dispositions d’exception dans le droit commun, déjà observé à propos de l’état d’urgence à l’occasion de la menace terroriste ». À votre avis, d’où vient cette tentation ? Les autorités sont-elles attirées, par nature, par des pouvoirs exceptionnels ?

Non, c’est plutôt une pente de facilité. Il y a un risque d’accoutumance des Français à des mesures de contrôle. Dans certains cas, les pouvoirs publics peuvent se dire qu’après tout, si la prolongation automatique de la détention provisoire n’intéresse que quelques-uns et n’a pas entraîné de levée de bouclier, on continue. D’autres mesures, non judiciaires, peuvent être prises, comme la nécessité de se masquer. Il y a quelques mois, en voyant des habitants masqués en Asie, on disait : jamais, en France, on n’arrivera à cela. Eh bien, voyez-vous, nous allons y arriver. Et apparemment, sans même qu’il soit besoin d’une contrainte pénale de la part de l’autorité supérieure, puisque la SNCF ou la RATP pourraient interdire l’accès aux voyageurs qui ne seraient pas masqués. L’acceptation de la société facilite de toute évidence la tâche des pouvoirs publics.

Qu’est-ce qui vous inquiète dans ce risque d’accoutumance ?

Il suffit de supprimer ou de limiter les droits de l’homme et les libertés fondamentales pour réaliser leur importance. Nos concitoyens pratiquent les droits de l’homme comme Monsieur Jourdain faisait de la prose : sans le savoir. Ils usent tous les jours de la liberté d’aller et venir, de la liberté d’expression, de publication par écrit ou dans des supports modernes de leurs opinions, de la liberté de réunion, de la liberté d’association... On ne se rend pas compte que toutes ces libertés existent tant qu’elles ne sont pas brimées. Et le rôle de la CNCDH est de rappeler qu’il ne faut pas le faire. En République française, nous avons la chance d’avoir tout un appareil législatif et conventionnel mettant noir sur blanc les libertés dont nous jouissons. Avant de crier à la dictature si ces libertés sont mises en danger – on le criera si c’est nécessaire –, on fait des rappels à l’ordre. C’est en cela que j’ai pu qualifier la CNCDH de « lanceur d’alerte institutionnel ». Hélas, elle n’est pas assez entendue, et elle est davantage reconnue à l’étranger, puisque la CNCDH est garante des engagements de la France en matière de droit international humanitaire et de droits de l’homme.

Le dispositif StopCovid « n’est ni nécessaire, ni adéquat, ni proportionné »

Quel regard portez-vous sur la manière dont les décisions nationales sont prises pendant cette période ? Le président du Conseil scientifique a appelé à davantage de concertation. Pensez-vous que les décisions soient prises de manière trop verticale ?

Ce fonctionnement vertical est rendu nécessaire par la situation, et facilité par le fonctionnement de la Ve République. C’est-à-dire avec le rôle premier – ô combien premier ! – du président de la République et le rôle d’exécutant – sans connotation péjorative – du premier ministre. Sous la Ve République, il y a assurément une dérive présidentielle, relevée depuis longtemps par les constitutionnalistes. Cette dérive fait que le président en vient à descendre dans les détails, s’il l’estime nécessaire. Certains se sont ainsi demandé avec amusement si de Gaulle – ou même Mitterrand – aurait déclaré dans un discours aux Français : « Il faut vous laver les mains. » Avec la loi sur l’état d’urgence sanitaire, qui autorise le gouvernement à statuer par ordonnances, le pouvoir court-circuite – légalement et constitutionnellement – le Parlement.

Il faut quand même raison garder : le but n’est pas d’ennuyer les Français, mais de les protéger contre un risque sanitaire encore indéterminé, puisque sur le plan scientifique, ce virus ne semble pas complètement cadré. Cet état d’urgence doit rester limité et il faut revenir devant le Parlement pour avoir droit à une prolongation.

Depuis le début du confinement, le Conseil constitutionnel s’est plus ou moins mis en pause, le Conseil d’État valide à peu près toutes les décisions gouvernementales et les organismes indépendants comme le Défenseur des droits, la Cnil et la CNCDH semblent marginalisés : vous rendez des avis qui ne sont pas pris en compte. Quels contre-pouvoirs reste-t-il ?

La CNCDH ne peut pas être considérée comme un contre-pouvoir, puisque son statut en fait le conseil des pouvoirs publics en matière de droits de l’homme. Mais ses conseils peuvent, bien sûr, constituer des alertes : attention, n’allez pas trop loin. J’aimerais, effectivement, que nous soyons mieux entendus. Par temps calme nous ne le sommes pas assez, c’est plus difficile encore par temps agité.

Nous nous efforçons de rendre les avis les plus concrets possible, qui collent à l’actualité. La CNCDH a bien sûr d’autres missions. Le 21 mars, je devais rendre au premier ministre le rapport annuel sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Mais nous étions à la veille du deuxième tour (annulé) des élections municipales. Ce rapport est donc prêt, mais je ne l’ai pas encore rendu au premier ministre, dont l’emploi du temps est assurément très chargé.

Mardi, la CNCDH s’est prononcée de manière assez claire contre la mise en place de l’application StopCovid. Pour quelles raisons ?

Il semble que ces derniers jours, le gouvernement fasse marche arrière. J’aimerais que ce soit à cause de notre avis... Le suivi numérique des personnes peut être envisagé d’un point de vue numérique – le Conseil national du numérique a dit « pourquoi pas » –, du point de vue de la protection des données personnelles – la Cnil a dit « pourquoi pas » –, quant à nous, nous l’envisageons au regard des droits de l’homme. C’est le prisme par lequel la CNCDH examine tout dispositif qui lui est soumis. Nous estimons que ce système n’est ni nécessaire, ni adéquat, ni proportionné.

Du côté de la proportionnalité, le bénéfice de ce suivi numérique est trop faible par rapport à la menace qu’il fait peser sur le respect de la vie privée. On nous dit que ce système sera volontaire, mais la volonté est-elle éclairée ? Ce n’est pas certain. Il faut voir comment se mettent en place les mécanismes. La volonté est-elle libre ? Rien n’est moins sûr. Vous pouvez installer ce dispositif librement, certes, mais l’employeur vous dira : je n’accepte pas votre retour au travail si vous n’avez pas ce dispositif dans votre téléphone. Le gérant d’une grande surface vous dira : je ne vous laisse pas rentrer dans mon magasin. L’exploitant d’un cinéma ou d’un théâtre vous dira la même chose. On nous dit aussi que c’est anonyme. Mais le moindre spécialiste en matière informatique sait que l’anonymat est extrêmement facile à percer. Quant à la temporalité d’un tel dispositif, qui reste à définir, elle est douteuse : une fois sur votre téléphone, est-ce qu’elle va s’enlever automatiquement au bout d’un certain délai ? L’accoutumance à laquelle je faisais référence montre que certains le garderont.

Ce dispositif n’est pas adéquat  : pour que ça marche, il faut qu’au moins 60 % des Français adoptent ce système. Or 23 à 25 % des Français n’ont pas de dispositif adapté, soit leur téléphone est de vieille génération, soit ils n’en ont pas du tout, soit ils sont inaptes au numérique. Enfin, ce n’est pas nécessaire : certes, des pays asiatiques utilisent ce système, mais d’autres ne l’utilisent pas.

Il ne faut pas confondre ce dispositif avec le bornage des téléphones. Certains se disent « après tout, quoi qu’on fasse, on est susceptible d’être retrouvé, comme le montre n’importe quelle enquête policière, parce que le téléphone a borné à tel endroit ». Mais les recherches sur les allées et venues d’un citoyen sont faites parce qu’il est suspect, dans le cadre d’une enquête judiciaire. Ce n’est pas du tout la même chose.

Il semble bien que les fortes réserves que je viens d’évoquer, puis de souligner, soient enfin entendues. Des politiques se prononcent contre ce procédé (comme François Baroin dans Le Figaro). L’avis négatif de la CNCDH paraît être pris en considération, malgré l’accord sous réserve de la Cnil et du Conseil national du numérique. On ne peut qu’espérer que les pouvoirs publics se rendront à raison car ce projet néfaste constitue bien une « fausse bonne idée ».

Le secret médical semble en danger dans cette période. Alors que les discriminations en fonction de l’état de santé sont interdites, craignez-vous un traitement différencié des personnes selon qu’elles installent l’appli StopCovid ou pas, selon qu’elles informent leur employeur ou pas, selon qu’elles possèdent un « certificat d’immunité », une preuve de guérison, ou pas ?

Le secret est de plus en plus mal vu en France, au nom de l’exigence de transparence. Mais il n’y a pas que des mauvais secrets. Le secret médical est dans l’intérêt du patient, comme le secret professionnel de l’avocat est dans l’intérêt du client. Il faut le protéger. Le secret médical peut être levé dans certains cas, en matière d’épidémies notamment. Les médecins ont aussi une obligation de révélation en matière d’abus sexuels sur mineurs ou de violences sur des personnes vulnérables.

Il est évident que si l’on veut ralentir la propagation de l’épidémie, voire éviter une reprise, il faut que les malades puissent se faire connaître. Mais il n’est pas question de décréter que, désormais, les médecins diront tout sur leurs patients, simplement parce que c’est nécessaire. S’il y a des entorses au secret médical, il faut impérativement qu’elles restent limitées, en comptant sur la responsabilité des médecins et des patients. Le secret médical ne peut être levé que d’une manière très partielle et provisoire, quand c’est nécessaire, par exemple pour circonscrire un foyer épidémique.

La CNCDH est l’interlocuteur officiel de l’ONU pour la France en matière de droits humains. Comment jugez-vous l’action de notre pays, du point de vue des droits humains, par rapport à celle de nos voisins ?

Dans un sentiment humanitaire très positif, la France a d’abord envoyé en Italie les quelques centaines de milliers de masques dont elle disposait encore. Avant de s’apercevoir, peut-être un peu tard, qu’elle en aurait besoin en plus grand nombre. À ma connaissance, il n’y a pas véritablement de traitement international de l’épidémie. On a vu la course à l’importation de masques venant de Chine, avec de la surenchère payée cash, du « chacun pour soi ».

Il n’y a pas d’harmonisation internationale des sorties de confinement. Mon homologue luxembourgeois, le président de la Commission des droits de l’homme, me dit que son pays, enserré entre la France, l’Allemagne et la Belgique, aurait bien voulu que ses trois voisins se coordonnent pour une sortie de confinement dans les mêmes dates.

Quant aux organisations internationales… Je devais me rendre à Genève il y a quelques semaines, à la veille de l’état d’urgence sanitaire, pour une réunion des organisations humanitaires et sanitaires de l’ONU. Actuellement, il n’y a plus de réunions internationales, même par vidéoconférence.

   

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?