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Le Medef et le "jour d’après"

dimanche 12 avril 2020 par Philippe Arnaud

J’apprends aujourd’hui, par le site du Figaro, que le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a déclaré "qu’il faudra bien se poser poser la question, tôt ou tard, du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire".

Remarque 1. L’expression "il faudra bien se poser la question" est un euphémisme que j’avais entendu au lycée, lorsque, avec un camarade, nous nous prélassions sur un banc du cloître servant de cour d’honneur (le lycée était installé dans un ancien couvent). Il s’agissait là d’un grave manquement à l’étiquette puisque ledit banc n’était réservé qu’aux fesses des professeurs. Nous avions alors été tirés de notre bienheureuse torpeur par la voix tonnante du surveillant général : "Hé là, vous deux, vous vous croyez où ? C’est pas le paradis terrestre, ici !". Et il avait ajouté : "Pour vous, la question de la sortie se posera samedi prochain..." Autrement dit, on serait collés...

Remarque 2. La formulation du patron du Medef est une façon particulièrement hypocrite de remettre en cause, dans leur principe même, les congés payés (datant de 1936), voire carrément, le repos hebdomadaire (datant de 1906). Je note, à ce propos que le principe du repos hebdomadaire du dimanche a été gravement écorné le 24 mars dernier par le gouvernement qui - entre autres mesures anti-sociales - a autorisé le travail du dimanche (mesure à laquelle les syndicats s’étaient vigoureusement opposés).
On verra, à ce propos, en consultant Internet, que durant la Seconde Guerre mondiale, les maires furent habilités, par le gouvernement, à remettre en cause le repos hebdomadaire. Ce que fit la mairie de Rennes dès le 5 septembre 1939 pour les boulangers. La guerre a bon dos et ce n’est sans doute pas par hasard que, dans son discours du 16 mars, Emmanuel Macron a employé six fois ce terme...

Remarque 3. L’expression "tôt ou tard", employée par Roux de Bézieux est une de ces expressions hypocrites qui, en présentant une alternative (ici, soit "tôt", soit "tard") ne pensent en réalité qu’à une des deux : en l’occurrence le plus tôt possible...

Remarque 4. L’idée de "travailler plus" pour "créer de la richesse supplémentaire" est la reprise, avec d’autres paroles, de la même rengaine que celle de Sarkozy (celle de toute la droite), celle du "travailler plus pour gagner plus". Alors que tous les efforts de l’humanité, toutes les inventions depuis ses origines, jusque, bien sûr, le travail en coopération ont été, au contraire, de minimiser les efforts pour en tirer le maximum de jouissance. Comme le disait avec justesse Clemenceau, "la forme même des pyramides prouve que, de tout temps, les ouvriers ont toujours cherché à en foutre de moins en moins..."

Remarque 5. La formulation de Roux de Bézieux illustre aussi une des particularités orthographiques de la langue française qui fait que certains mots ne se prononcent absolument pas comme ils s’écrivent. Ainsi du mot "oiseaux", dans l’expression "les oiseaux", où le mot se prononce "zwazo". Ainsi de l’expression "nos profits" (pour évoquer ceux des actionnaires et des patrons), que Roux de Bézieux prononce "la croissance"...

Remarque 6. Cette demande de reprise du travail à n’importe quelle condition (comme le recommandait Muriel Pénicaud pour le Bâtiment) ou le laxisme du gouvernement à l’égard des patrons d’Amazon, va directement à l’encontre des directives sévères édictées par ce même gouvernement pour faire respecter le confinement. Comme si la préservation des profits, des dividendes, des bénéfices et des plus-values comptait plus que tout.
A l’instar de ces coûteux assauts de la guerre de 14, où, après une journée particulièrement sanglante, l’état-major pouvait claironner, tout faraud : "D’accord ! Du bataillon qui est parti à l’assaut, il n’est revenu qu’un peloton, mais nous avons conservé la cote 304, et c’est là l’essentiel..."

Remarque 7. Cette étonnante longanimité à l’égard des patrons cohabite avec une grande dureté à l’égard de ceux qui enfreignent le confinement... et qui figurent souvent parmi les plus défavorisés. Je le vois dans mon quartier depuis ma fenêtre ou lorsque je vais faire mes courses : ceux qui errent, désœuvrés, sur les bancs du centre commercial sont des jeunes qui, en temps normal "tiennent le mur" ou des hommes qui, d’ordinaire, font la manche ou de petits enfants que leurs parents ne peuvent tenir entre quatre murs, et qui, dans leur domicile, n’ont ni les surfaces, ni le confort, ni les ressources culturelles pour passer sans peine le temps du confinement. Et dont le lieu favori de distraction est la rue, la place publique. Sauf qu’aujourd’hui celles-ci leur sont interdites. Comme l’écrivait Céline dans Voyage au bout de la nuit, : "Presque tous les désirs du pauvre sont punis de prison"...

Je vous saurais gré de vos remarques, précisions, compléments et critiques.

   

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