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Réformer le code du travail ? Chiche !

samedi 12 mars 2016 par ANC

Contrairement à ce que l’on entend dans les médias, le débat sur le projet de loi sur le code du travail n’est pas une nouvelle version de la querelle entre les anciens et les modernes, les anciens qui ne voudraient rien toucher au texte actuel et les modernes qui voudraient le faire évoluer pour le bien de tous. Non seulement les organisations révolutionnaires ne sont pas par principe opposés à des réformes mais le code du travail d’aujourd’hui n’est rien d’autre que ce que des décennies de lutte ont permis d’obtenir réforme après réforme. Sans lutte il n’y aurait eu ni réduction de la durée du travail ni même sa codification, ni repos hebdomadaire, ni congés payés, ni salaire minimum, ni instauration d’un revenu de remplacement pour les chômeurs, toutes mesures que portent l’actuel code et les conventions collectives. Pour être clairs disons le tout net : pour nous le code du travail actuel, s’il est au-dessus de ce qui se pratique dans nombre de pays, n’est pas assez protecteur, ne permet pas le progrès économique, ni ne pose la question de la démocratie sociale et économique et encore moins celle de la propriété collective. Depuis que le capitalisme existe le mouvement ouvrier est demandeur et agit pour des réformes allant dans ce sens.

Une réforme pour obéir à Bruxelles et au grand patronat

Au lieu de cela, le gouvernement, parce qu’il obéit aux règles de l’UE, va exactement dans le sens inverse de ce qu’il faudrait faire et c’est bien pour cela que nous demandons son retrait pur et simple. Concrètement, et ne pas le dire est mentir aux monde du travail, pour son projet le gouvernement s’est appuyé (a obéi ?) sur la recommandation du 14 juillet 2015 du conseil européen (sur proposition de la commission ...) à la France. Ci-dessous quelques morceaux choisis de ces recommandations :
« Le coût du salaire minimum reste élevé […] Le salaire minimum devrait évoluer d’une manière plus propice à la compétitivité [...] »
« La France devrait prendre des mesures résolues pour supprimer les seuils réglementaires prévus par le droit du travail [...] »
Selon Bruxelles « Réviser le cadre juridique régissant les contrats de travail pourrait aider à réduire la segmentation. Les réformes menées récemment n’ont donné aux employeurs que peu de possibilités pour déroger aux accords de branche par des accords d’entreprises. Cela limite la capacité des entreprises à moduler leurs effectifs en fonction de leurs besoins."
(…)"Les branches et les entreprises ont la possibilité de déterminer de façon souple, au cas par cas et après négociations avec les partenaires sociaux, à quelles conditions il y a lieu de déroger à la durée légale du travail de 35 heures par semaine, [...] »
« Très peu d’entreprises ont fait usage des nouveaux dispositifs permettant un assouplissement des conditions de travail dans le cadre d’accords d’entreprise. Ce dispositif devrait être revu afin de donner plus de latitude aux entreprises pour adapter les salaires et le temps de travail à leur situation économique. "
(…)"Des mesures structurelles sont nécessaires pour garantir la soutenabilité du système. En particulier, les conditions d’éligibilité, la dégressivité des allocations et les taux de remplacement pour les salaires les plus élevés devraient être réexaminés par les partenaires sociaux chargés de la gestion du système. "

"Fait à Bruxelles le 14 juillet 2015
Par le Conseil
Le président
P. Gramegna"
 [1]
Outre le fait qu’il est inacceptable qu’une commission entende dicter ses lois aux peuples, un gouvernement progressiste pourrait aisément faire remarquer à la commission que la montée du chômage en France accompagne la casse, réforme après réforme, du code du travail.
Que les soutiens de la loi El Khomri, (les partisans du licencier plus pour embaucher plus !) nous citent un seul exemple de remise en cause d’un « conquis » social qui a créé des emplois ?
Qu’ils nous disent quelle mesure de soutien aux profits du grand patronat (car il s’agit de cela et uniquement de cela) a créé un emploi ?
Pour la dernière en date, le pacte de responsabilité, l’homme au pin’s, Pierre GATTAZ avait fait mieux que son père qui en son temps avait promis 400 000 emplois qui ne sont jamais venus. Le fils lui, en a promis 1 million : et le chômage n’a cessé de grimper….

De même nous pouvons faire remarquer à la commission, ou aux naïfs que s’il y a un problème de compétitivité il est dans leurs mesures.
En effet d’un point de vue économique, les mesures de casse du droit social sont inefficaces. Si nous étions les seuls à attaquer le droit social pour que les emplois à bas prix se multiplient, en face ils pourraient défendre leur logique cynique, mais ce n’est pas le cas. Tous les pays européens, et en premier ceux de la zone euro, y passent. Nous ne devenons pas plus compétitifs sur le plan des salaires que l’Espagne ou la Grèce qui abaissent aussi les salaires. Et si nous voulons « rattraper » la Pologne alors disons le tout net : il faut diviser les salaires par 2 ou 3 ! Et comme en plus nous sommes dans le libre échange imposé, qu’il n’y a aucune mesure pour protéger les productions de France, ces mesures de casse du droit du travail c’est l’efficacité économique nulle garantie !
C’est cette logique mise en œuvre avec la monnaie unique qui fait que nous sommes dans la zone de plus faible croissance au monde depuis le lancement de l’euro et que depuis 1998 l’Union Européenne a perdu au total 22 points de croissance cumulée face aux Etats-Unis. Et ce n’est pas nous qui le disons mais la Tribune ! [2]

Nous avons déjà eu l’occasion de le dire : si le code du travail est obèse alors oui à des réformes audacieuses et novatrices qu’en plus nous appelons de nos vœux depuis tant d’années. Sans attendre voici 10 propositions portant sur 4 des 8 livres du code du travail. Mesures qui pour la plupart reprennent des revendications ou même des dispositions qui ont été mises en place en 45 ou dans les luttes qui ont suivi.

10 propositions à mettre en place immédiatement.

Livre I : relations individuelles de travail

1 Le CDI redevient la règle, les CDD constituent l’exception et ne peuvent être renouvelés qu’une fois. Pour toute embauche de CDD les IRP [3] doivent préalablement donner leur accord. En cas de désaccord de celles-ci c’est l’inspection du travail, sous réserve des recours habituels, qui tranche pour ou contre le recours aux contrats temporaires.

2 Droit de recours suspensif devant le conseil de prud’hommes pour tout salarié contre qui est engagé une procédure de licenciement. [4]

Livre II Relations collectives de travail

3 Si l’employeur veut licencier pour cause économique, il doit au préalable obtenir l’accord des IRP ou, en leur absence, des organisations syndicales du territoire. En cas de litige c’est l’inspection du travail qui seule peut autoriser la mise en place de la procédure et cette décision est susceptible d’appel devant les tribunaux compétents. En cas de licenciement pour cause économique une procédure de reclassement sous contrôle des IRP est obligatoirement mise en place

4. En cas de cessation d’activité ou de délocalisation, les salariés qui le désirent peuvent reprendre l’activité et cette reprise est encadrée par la loi. [5] L’état s’engage à favoriser cette reprise afin de rendre les salariés propriétaires de l’entreprise. Cela nous aurait évité 4 ans de lutte à Fralib…

5 Un accord collectif, qu’il s’agisse d’un accord d’entreprise, d’un accord de branche ou d’une convention collective, ne peut être remis en cause par la seule volonté d’un des signataires. [6].

Livre III Durée du travail, salaire et revenu.

6 La durée hebdomadaire du travail est abaissée sans perte de salaire à 32h en 5 jours. Les heures supplémentaires sont calculées hebdomadairement et les majorations versées en conséquence. Le travail du dimanche et jours fériés est limité aux exceptions (services publics, santé, culture, loisirs, sécurité, transports…) et sa rémunération doit donner lieu à majoration.

7 Nul ne peut être embauché à un salaire inférieur au SMIC. L’évolution de ce dernier, comme celle de l’ensemble des salaires, suit l’évolution des prix. Pour ce faire une échelle mobile des salaires est instaurée et son mode de calcul discuté avec les organisations syndicales.

8 Tout salarié privé d’emploi a droit, sans limitation de durée, à un salaire de remplacement égal à 90% de son salaire brut antérieur ou à une allocation égale au SMIC.

Livre VIII Contrôle de l’application de la réglementation du travail.

9 Les IRP sont renouvelées tous les 2 ans. Les DUP sont supprimées et CE et DP sont des institutions distinctes. Elles ont voix délibérative. Pour les PME des délégués de site [7] sont instaurés.

10 Les pouvoirs et moyens de l’inspection du travail sont étendus et majorés afin qu’elles puissent intervenir en amont des décisions patronales et en aval pour sanctionner tout manquement à la loi.

Voilà une réforme que nous approuverions et il y a fort à parier que les partisans de l’immobilisme seraient dans les rangs du MEDEF et de ses valets.

Ce n’est pas encore l’appropriation collective des moyens de production et d’échange mais bon ça va dans le bon sens…Vous ne trouvez pas ?

Dans l’histoire récente aucune société ne s’est développée économiquement sans s’appuyer sur le progrès social. A contrario, les congés payés de 1936 tout comme l’augmentation des salaires de 1968 ont créé de l’emploi et de l’activité économique. Si Macron et consorts se disent économistes qu’ils s’appuient sur ce constat et en tirent les leçons que le peuple réclame en refusant ce nouveau retour en arrière que ce gouvernement voudrait nous imposer.

Quant au débat sur les solutions à mettre en œuvre, il appartient aux salarié-e-s, aux chômeurs et retraité-e-s de s’en emparer. Cet éditorial même modestement, entend y contribuer.


[1Ci-dessous le lien vers le texte intégral des recommandations du conseil européen à la France. /ob_628fc5_csr2015-council-france-fr.pdf

[3Institutions représentatives du Personnel

[4Aujourd’hui la loi ne permet pas d’empêcher les licenciements, sauf pour les délégués du personnel et ne peut ordonner la réintégration de salariés que dans des cas très précis et limités : femmes enceintes, salarié-e-s en accident du travail et quelques autres rares cas.

[5On peut prendre appui pour ce faire par exemple sur la loi votée en Argentine et qui a permis à 10 000 salarié-e-s de devenir propriétaires de leur entreprise.

[6Aujourd’hui, sauf si cet accord est étendu par décret, un employeur peut remettre en cause un accord collectif et les acquis gagnés à cette occasion

[7Leur mise en place prévue par les lois Auroux de 1982 n’a jamais eu lieu

   

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