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Macron et la France - vue de Russie

samedi 23 novembre 2019 par Bruno Drweski (ANC)

Le président français a reçu cet été, son homologue russe dans sa résidence d’été pour un entretien bilatéral avant le sommet du G7.
Le président Emmanuel Macron a plaidé devant Vladimir Poutine pour un rapprochement entre l’Union européenne et la Russie, appelant à retrouver la « confiance » dans un ordre international en « recomposition ». Malgré « les malentendus des dernières décennies, les débats sur la relation avec l’Occident », la Russie « est européenne » et « nous avons à réinventer une architecture de sécurité et de confiance entre l’Union européenne et la Russie », a déclaré le chef de l’État français. Qu’est-ce que cela signifie ? (NDLR)
Voilà ci-dessous la traduction de l’interview donnée par Bruno Drweski à un journaliste russe sur Macron et la France.

1. En Russie, on discute de la thèse « conspirationniste » selon laquelle en 2020, Washington préparerait un coup d’État en France, parce que Macron prône ouvertement la sécurité de l’Europe sans participation américaine et la normalisation des relations avec Moscou. Selon vous, dans quelle mesure une telle version est-elle justifiée ?

Bien sûr, il est toujours difficile de savoir ce qui se passe exactement dans le monde des services secrets, car ils sont secrets. Dans le cas de la France d’aujourd’hui, nous pouvons observer que Macron est lié aux intérêts de la classe supérieure mondialisée. Son "casting" pour devenir président s’est fait en accord avec la banque Rothschild, la haute bourgeoisie française, l’Union européenne et les lobbies de l’OTAN.
Mais en même temps, l’élection de Trump aux États-Unis a apparemment été un "accident" inattendu qui a forcé « l’État profond » US à apparaître publiquement. Cet "État profond" avait déjà été annoncé par l’ancien président américain Eisenhower sous le nom de "complexe militaro-industriel".
Mais ce complexe est aujourd’hui beaucoup plus puissant qu’à l’époque de l’ancien président puisque les politiques néolibérales ont développé un processus de désindustrialisation qui a affaibli les industries civiles nationales par rapport à la production militaire aux États-Unis et dans les autres pays capitalistes occidentaux.

Dans ce cas, nous pouvons développer différentes hypothèses concernant la France et Macron :

1° Macron se "rebellerait" peut-être contre la ligne "nationaliste" de Trump et tenterait de trouver dans le monde entier des alliés tactiques et stratégiques qui pourraient aider ou au moins observer une attitude "neutre" à l’égard de la stratégie visant à réinstaller le leadership néoconservateur "traditionnel" aux États-Unis. Et Poutine serait dans ce cas l’un des dirigeants mondiaux qui devrait être "neutralisé" en faveur de cette stratégie en lui faisant quelques belles promesses.

2° Macron sait que l’économie française se trouve, du fait des politiques de désindustrialisation néolibérales anti-étatiques mondialisées menées au cours des trente dernières années, dans une situation catastrophique selon l’opinion de plus de deux tiers des Français, et il a donc besoin immédiatement de nouvelles opportunités qui peuvent être développées sur la base au moins de certaines formes de coopération économique eurasiatique, avec les économies russes et est-asiatiques.

3° Macron se rendrait compte que la stratégie mondiale unipolaire menée sous domination US après 1989/91 n’a pas réussi et que dans le nouveau monde globalisé multipolaire, la contradiction économique, stratégique et politique fondamentale se situe entre les États-Unis et la Chine. Dans cette situation, la bourgeoisie occidentale, y compris la bourgeoisie française, peut penser qu’elle a besoin d’attirer vers les puissances occidentales la Russie en la dressant contre le concurrent chinois.

2. Dans quelle mesure est-il correct de comparer les manifestations en France avec celles de Hong Kong, de Russie et du Maidan en Ukraine en 2014 ? Il existe un point de vue selon lequel il y a des marionnettistes unis dans leurs objectifs et qui courent partout sur la planète avec un plan visant à renverser tout pouvoir indépendant. La raison de la protestation est dans cette vision sans importance, seul le résultat est important – c’est-à-dire avoir 100 % de chances de détruire le gouvernement.

Partout dans le monde, après plus de trente ans de politiques néolibérales et de privatisations, les gens ont le sentiment que le système capitaliste mondialisé est en crise profonde et n’ouvre plus de perspectives réalistes de progrès social et individuel, en particulier dans le cas des soi-disant classes moyennes qui espéraient voir leur position s’améliorer. Ce mécontentement a éclaté ouvertement presque partout, mais dans des pays qui promeuvent des politiques de développement indépendantes et non entièrement alignées sur les politiques occidentales, comme la Libye, la Syrie, l’Ukraine avant 2011 et 2014, la Bolivie, le Venezuela, le Liban, l’Irak, Cuba, la Chine ou la Russie maintenant, nous pouvons observer que les décideurs américains exploitent cette situation au travers d’O « N »G, de fondations et d’agences gouvernementales américaines visant ces pays.

En France, les manifestations des gilets jaunes sont populaires et non centralisées parce que les partis politiques et les syndicats sont souvent jugés trop passifs et trop liés au système dominant, mais le gouvernement français n’a pas été critiqué ni par les médias dominant de l’UE et des États-Unis ni par les dirigeants politiques occidentaux pour sa politique répressive par rapport à ce que déclarent les mêmes médias dans le cas des pays moins alignés comme la Russie, la Chine au Xinjiang, au Tibet ou à Hong Kong, le Maïdan en Ukraine, le printemps arabe, etc.

En France, le gouvernement ne peut offrir aucune concession aux manifestants, qu’il s’agisse de gilets jaunes ou des grévistes syndicalisés, car cela signifierait rompre avec les règles économiques de l’Union européenne coincées dans le cadre de l’euro. Les gens commencent maintenant en Europe aussi, à comprendre qu’il n’y a aucune chance de progrès social dans le cadre du système capitaliste réel existant, mais jusqu’à présent aucune véritable alternative n’a été construite.

L’ancien monde est en train de se terminer au moment où un nouveau monde n’est toujours pas né. C’est la raison pour laquelle certains chercheurs ou militants pensent que, comme en 1914 ou après 1929, le système mondial dominant poussera vers de nouvelles guerres sans fin, ce qui peut même conduire à une nouvelle guerre mondiale sous le nom de "choc des civilisations".

Dans cette situation, des pays très différents mais au fonctionnement plus rationnel comme la Russie, la Chine, l’Iran ou le Pakistan, semblent essayer de maintenir la paix et de modifier l’équilibre international du pouvoir afin de mener vers de nouvelles politiques de développement « gagnant-gagnant ».

Certains pays jusqu’à présent liés aux États-Unis semblent aussi envisager de modifier leur politique d’alliance : Corée du Sud, Turquie, Arabie Saoudite, Maroc, Irak, République centrafricaine, etc. Dans ce processus, les pays européens occupent plutôt une place d’arrière-garde, même si Macron peut utiliser ici ou là des discours très contradictoires selon les interlocuteurs.

3. Cela signifie-t-il que les dirigeants de pays européens qui ont décidé de défendre leurs intérêts nationaux, sont en danger ?

Je ne pense pas que les dirigeants français soient décidés à défendre l’intérêt national de la France parce que son gouvernement impose encore des politiques néolibérales suicidaires et une coopération militaire avec l’AFRICOM US en Afrique occidentale, au Yémen ou dans le nord-est de la Syrie. Jusqu’à présent, il n’y a pas de pays de l’UE qui mènent réellement des politiques et économiques indépendantes, même si la Hongrie et d’autres pays d’Europe centrale prennent formellement une orientation plus nationaliste.

Mais, fondamentalement, ils finissent toujours par se soumettre aux politiques de l’UE qui sont à la base, liées à l’OTAN et à l’"État profond" US qui leur apparaît toujours comme le seul "vrai policier" du monde global, et même si ce policier est aussi un pompier pyromane. Je dirais que les contradictions au sein des pays du bloc occidental sont pour l’instant encore essentiellement des contradictions internes, et qu’il n’y a pas de volonté des forces dominantes de mener des politiques réellement indépendantes.

À l’avenir, si les troubles sociaux montant à partir de la base se mêlent à une désintégration plus poussée à partir du sommet de l’alliance et du système économique occidental, les choses pourront changer d’une manière qui pourrait être similaire à ce qui s’est passé avec le bloc soviétique à la fin des années 1980, mais, pour le moment, ce n’est pas encore le cas en Europe, ce qui rend sa situation très différente de la situation en cours en Amérique latine, au Moyen-Orient ou en Asie orientale où se développent des gouvernements plus ou moins indépendants ou des mobilisations politiques de base contre des politiques néolibérales de laisser-faire, ce qui explique l’ingérence des puissances occidentales dans ces pays, et ce que l’on peut observer dans les gros médias qui expriment leur soutien pour les troubles sociaux dans des pays comme le Venezuela, Hong Kong (Chine) ou le Liban et dans des pays comme l’Ukraine en 2014, ou en Bolivie maintenant.

   

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