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Lettre de Barcelonne : Verdict de la Cour suprême espagnole : la violence !

jeudi 31 octobre 2019 par Joan Tafalla Mountferrer

« Un peuple qui en opprime un autre forge ses propres chaînes. » Karl Marx
« Celui qui opprime une seule nation se déclare l’ennemi de toutes. ». Maximilien Robespierre.
Les informations relatives à la répression policière menée de façon conjointe et coordonnée par les corps répressifs de l’État, (les Mossos Esquadra de la police locale, la police nationale et la garde civile) sont absolument intolérables. Quatre personnes ont perdu un œil. On compte six cents blessés,194 arrestations, 28 mises en détention, 18 hospitalisations. Une jeune fille a passé la nuit entre la vie et la mort à l’Hospital del Valle de Hebrón ; elle est victime d’un traumatisme crânien-encéphalique qui lui laissera des séquelles graves et définitives. Des centaines de blessés sont soignés par la SEM, la Société de médecine d’urgence.

Des jeunes, arrêtés illégalement sont condamnés sans jugement à de la prison préventive, sans caution, ce qui va détruire leurs vies. Plus tard, ils seront condamnés au terme de jugements sans garanties où la police peut faire jouer la « présomption de véracité", en vertu d’une loi antidémocratique. Ceux qui voudraient en savoir plus n’ont qu’à se reporter aux explications données par le Sindic de Greuges (médiateur), Amnsty International et Iridia [1] (centre de droits humains).

Les images de violences policières commises sur place par les corps répressifs sont chose courante. Trop courantes. Il est clair que ces violences obéissent à une stratégie. Elles ne sont pas le fait d’une poignée de policiers fascistes qui agiraient au sein d’une police « correcte et démocratique ». Elles ne sont pas des pommes pourries dans un panier de pommes. Elles obéissent à l’évidence à une stratégie concertée et coordonnée par le CECOR [2]. Autrement dit par les forces de répression de l’État et leurs supplétifs autonomes.

Un jugement honteux [3] qui transforme la désobéissance en émeute. Les sévices récurrents et la violence policière dont nous sommes témoins ces jours-ci sont une application « de facto » de la jurisprudence marquée par la condamnation honteuse qui transforme la désobéissance en sédition.
Il signe une nouvelle ère dans la répression au sein d’un Royaume d’Espagne déjà répressif en soi.

La masse du mouvement populaire et démocratique pour l’autodétermination est en train de découvrir à partir de son expérience pratique et massive le véritable caractère de classe de l’État capitaliste et ce à quoi sert le monopole de la violence qu’il exerce.

Le « procesismo » [4] s’était efforcé pendant sept ans de ne pas révéler au mouvement populaire ce caractère répressif. Le 1er octobre 2017 a, en ce sens, constitué un grand acte de pédagogie de la part de l’État. Le jugement honteux aussi. Les acteurs de la répression récente plus encore. L’expérience est toujours mère de la conscience, comme le disait le monsieur barbu du 19ème siècle. « Tout pas fait en avant, toute progression réelle importe plus qu’une douzaine de programmes ». [5]

La violence est exercée de manière unilatérale et monopoliste par l’État capitaliste ; elle frappe sans pitié ceux qui sont disposés à lui contester le monopole de la force. La violence, c’est le verdict. La violence, c’est de s’en prendre à « Tsunami démocratique » [6], c’est de taxer les CDR (les comités de défense de la République ») de « terrorisme ». La violence, c’est la détention arbitraire des membres des CDR plusieurs semaines avant que le jugement infâme ne soit prononcé. C’est l’élément essentiel de ce qui est en train de se passer.

Les équidistants, ceux qui assistent aux événements de l’extérieur, ceux qui opposent la violence des uns à la violence des autres, jouent un rôle déplorable. Ils n’ont pas compris que le jour où ils constitueraient une menace pour le statu quo, la même doctrine leur serait appliquée. Ils croient peut être qu’ils sont protégés parce qu’ils ne pensent pas constituer un danger pour le pouvoir. Peut-être d’ailleurs ne le veulent-ils pas. De fait, ils sont devenus un élément totalement marginal ; peut-être même que certains d’entre eux appartiennent déjà à ce que l’historien Xavier Domènec appelle le « front de l’ordre ».

Il faut espérer que les conclusions que des dizaines de milliers de personnes sont en train de tirer des événements ne soient pas trop réductrices et n’amènent pas le mouvement et toute une génération de jeunes à s’autodétruire en se heurtant inutilement au monopole de la violence de l’État capitaliste.

La lutte est longue, elle est stratégique. Les « processistes » qui vous ont dit que la chose était facile et rapide vous ont menti. Aujourd’hui, vous le savez. Si quelqu’un te dit maintenant qu’en incendiant des conteneurs ou en tirant des pierres contre les membres des forces de répression tu parviendras à un résultat immédiat, il te ment.

Liberté, amnistie, droit à l’autodétermination.

N’en déplaise à l’organisation indépendantiste Assemblée Nationale Catalane, la formule « Notre sentence, l’indépendance » est tout sauf la réaction correcte à la nouvelle étape que représente la situation actuelle. Au stade actuel, la riposte correcte c’est « Liberté, amnistie, droit à l’autodétermination ». C’est là la dure réalité du stade actuel. Une réalité difficile à accepter, peut-être, pour de nombreux secteurs du mouvement populaire favorable à l’autodétermination. C’est naturel.

Quand une nouvelle étape de la lutte s’ouvre, beaucoup continuent de traîner les illusions accumulées lors du stade antérieur. Mais la plupart des gens sont capables de penser par eux-mêmes et la dure réalité de la nouvelle étape finira par s’imposer.

Les révolutions sont faites par des millions et des millions de personnes qui n’ont plus rien à perdre.

Nous, les révolutionnaires, nous devons savoir avancer aux côtés des plus lents pour les aider à avancer à partir de leur conscience actuelle vers la nécessaire conclusion qu’il faut tout changer.
Nous, les révolutionnaires, nous devons savoir que lorsque leur propre expérience conduira ces millions et millions de gens à cette conclusion, ils nous dépasseront, ils nous déborderont. Et nous savons que ce sera quelque chose d’éminemment positif. Le mouvement démocratique et populaire est nécessaire, les avant-gardes sont contingentes.

Mais, malgré les mobilisations de jeunes qui ont secoué les capitales des quatre provinces de Catalogne, le débordement souhaité du processisme ne s’est pas produit. Qui plus est, nous devons faire face à une autre réalité. La plupart de ceux qui composent le mouvement qui s’est produit dans la rue ces nuits dernières sont des secteurs d’une jeunesse légitimement enragée par le verdict et déçue par l’inanité de la stratégie antérieure du mouvement. En d’autres termes, nous sommes face à un mouvement de caractère spontané.

Mais si telle est la base sociale majoritaire, force est d’admettre qu’il y a de petites avant-gardes qui croient que leur heure est arrivée. Elles existent bel et bien et elles ont été actives au sein du mouvement au cours des nuits passées. Elles tentent de se substituer au mouvement lui-même et à leur expérience collective. Elles oublient que la conscience politique ne peut naître que de l’expérience des masses et de la délibération.

Certains sont venus de l’extérieur. Ils représentent 13% du mouvement selon le CECOR et les médias de manipulation qui sont à son service. Nous n’avons pas encore de données concrètes tant qualitatives que quantitatives sur ces détenus pour les apprécier à leur juste valeur. Vu les mensonges habituellement proférés par les organes répressifs de l’État, nous devons faire preuve de prudence.

Autocritique ; il se peut que j’aie péché par précipitation lorsque j’ai écrit il y a cinq jours la version catalane du présent article. Merci à ceux qui m’ont fait part de leurs observations. D’un autre côté, les personnes arrêtées ne reflètent pas nécessairement la réalité globale du mouvement.

Un autre petit fragment est formé par les éternelles avant-gardes locales, minoritaires. Elles existent, elles aussi et fondent leur absence de stratégie sur le principe de l’ « action pour l’action ». La culture de ces avant-gardes remplace d’ordinaire l’expérience du mouvement. Elles tentent d’imprimer au mouvement une stratégie fondée sur la « charge permanente », dans le cadre d’un blitz krieg. Elles le feront jusqu’à épuisement complet de leurs réserves, sans tenir compte du nombre de victimes. Sans débattre de manière transparente et démocratique de la prétendue stratégie qui sous-tendrait leurs actions.

Je crois que leur seule stratégie se résume à la formule bien connue d’ « action-répression-action » . C’est une stratégie qui a été ailleurs dépassée par « la critique des armes ». Elle débouche sur une impasse dont on ne peut dire que le bilan soit vraiment positif. Ailleurs, les responsables de cette stratégie en ont fait le bilan et tiré les conséquences. Et ils agissent conformément aux conclusions auxquelles ils sont parvenus.

Soyons clairs : devons-nous dénigrer l’expérience des autres ici et maintenant ? En ce moment crucial ?
En fait, il importe, par-dessus tout, de donner à la colère une perspective politique. L’activisme aveugle peut être fort bien accueilli momentanément par les jeunes qui viennent de rejoindre la lutte sans avoir encore, évidemment, en raison même de leur âge, l’expérience nécessaire. Certains vont accuser qui leur reproche cet activisme aveugle de « criminaliser » les victimes de la répression d’État. C’est une réaction normale. Cela fait partie des rituels.

Il en va tout autrement du commentateur que je suis, qui a manifesté par ses écrits et qui a manifesté dans la rue contre la répression policière ces derniers jours. Et qui le fait depuis quarante ans.
Ces accusations appartiennent à l’arsenal rhétorique du verticalisme de ces pratiques avant-gardistes. La colère contre la violence exercée par les corps répressifs du royaume d’Espagne est chose naturelle. La colère est un signe salubre de l’énergie révolutionnaire de notre jeunesse.

Mais la colère, il faut l’organiser, il faut lui offrir une perspective politique au-delà du moment du soulèvement. Et la perspective ne peut résider que dans la reconnaissance du fait qu’au-delà de la sentence, dans la nouvelle phase du mouvement, il s’agit de mettre en valeur un vieux slogan de l’Assemblée de Catalogne, le mouvement pour la rupture démocratique des principes des années soixante-dix du siècle passé :
« Liberté, amnistie, droit à l’autodétermination ».


Le texte ci-dessus est d’un militant communiste catalan, Joan Tafalla Mountferrer et la traduction est de Nicole Mokobodski, du collectif communiste Polex.


[1Centre de défense des droits humains. « A Iridia, nous défendons les droits civils et politiques, nous dénonçons la défense institutionnelle et nous promouvons des changements dans les politiques publiques.

[2Le CECOR est le centre de coordination des trois corps policiers qui ont participé à la répression : Mossos d’Esquadra, Policia Nacional et Guardia Civil.

[3Le 14 octobre, le Tribunal suprême a condamné 9 dirigeants séparatistes, inculpés entre autres de sédition, à des peines allant de 9 ans de prison (pour deux dirigeants associatifs) à 13 ans pour le vice-président.

[4Néologisme apparu en 2014, repris par les réseaux sociaux et les médias. Désigne le fait de se cantonner dans une attitude revendicative sans proposer d’objectif concret pour faire aboutir le processus d’accès à l’indépendance.

[5Marx et Engels, Le programme de Gotha.

[6Contacté par France 24, Tsunami démocratique se définit comme “un mouvement citoyen, sans limites, et organisé en réseau”. “Nous encourageons la désobéissance civile pour mettre fin à la répression de l’État et pour le droit à l’autodétermination en Catalogne”. Organisation séparatiste catalane sans porte-paroles connus.

   

Messages

  • 1. Lettre de Barcelonne : Verdict de la Cour suprême espagnole : la violence !
    31 octobre 2019, 21:57 - par RICHARD PALAO


    L actuelle constitution espagnole post franquiste et monarchique approuvée par tous les partis y compris le PCE et les indépendantistes catalans de l’ epoque constitue un obstacle majeur et légitimise la violence d état puisqu elle indique que l ESPAGNE est UNE et INDIVISIBLE et ne reconnait pas le droit à l’autodétermination ...
    les partis démocratiques, indépendantistes ou non , espagnols ou catalans ou basques devraient donc unir leur voix et agir ensemble malgré leurs différences pour exiger l’abolition de cette constitution et la réécriture d’une nouvelle pour l’instauration d’une republique confederale reconnaissant le droit à l autodetermination de chaque peuple de cette republique .
    Cette proposition n ’est actuellement soutenu que par le PCE et YZQUIERDA UNIDA et a un degré moindre par PODEMOS mais pas par les partis independantistes bourgeois catalans qui démontrent ainsi leur duplicité et leur crainte de voir le mouvement populaire décider à leur place .
    faute d un accord majoritaire sur cette proposition il est à craindre que les violences se perpétuent et que l autodetermination soit repoussée aux calendres grecques sans parler de la résurrection des fascsites avec le parti VOX qui surfe sur ce qu ils appellent le chaos espagnol ....

  • 2. Lettre de Barcelonne : Verdict de la Cour suprême espagnole : la violence !
    1er novembre 2019, 17:03 - par RICHARD PALAO


    Enrique SANTIAGO candidat de Unidad-PODEMOS a MADRID vient de déclarer : le programme de Unidad PODEMOS a pour objectif d’offrir une vie digne pour tous dans une republique fédérale permettant la coexistance de tous les peuples .. ( site de Izquierda unida le 1 novembre )

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