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Crise politique en Italie… et dans l’Union européenne

mardi 13 août 2019 par ingirumimus

Salvini veut mettre un terme à la coalition au pouvoir à Rome. Si cette volonté d’aller aux élections n’est pas inattendu comme le disent les journalistes, il n’est pas certain qu’on puisse décrypter facilement les intentions qui se cachent derrière cette manœuvre politique. Le prétexte avancé pour ce divorce est la question du tunnel entre la France et l’Italie. On ne s’y arrêtera pas, tant cela parait ridicule.

La première lecture montre qu’en mars 2018 le M5S avait réuni 32% des votes, et la coalition de droite, 37%. On avait donc une majorité de près de 70% pour gouverner. A l’intérieur de la coalition de droite, la Lega arrivait à près de 18%. Mais pourtant c’est bien la Lega qui a été le grand vainqueur des élections. En très peu de temps le charismatique Matteo Salvini a siphonné Forza Italia le parti de Berlusconi qui n’existe plus, et du coup la Lega se retrouve dans la position inverse. Les derniers sondages donnent la Lega toute seule autour de 38% et M5S entre 15 et 17%.

Cette inversion du leadership dans la coalition date d’il y a près d’un an, elle n’a pas trop bougé depuis et a été confirmée par les élections européennes. On comprend ainsi que Salvini lors de futures élections qui auraient lieu à l’automne, pensent qu’il puisse apparaître comme le parti dominant, et bien entendu, si la coalition avec M5S devait être reconduite, il en serait naturellement le leader. La question qui vient tout de suite à l’esprit c’est que si Salvini gagnait les élections que ferait-il de cette victoire, à part se faire nommer président du Conseil ?

Résultat des législatives en 2018

Et c’est là justement que ça se complique. M5S est furieux, ils ont bien compris qu’ils avaient tout à perdre à de nouvelles élections. Et donc il pourrait faire payer cela à Salvini en refusant de s’allier avec eux. Et par exemple en se tournant vers la PD de Renzi. En bricolant un peu cette coalition M5S-PD pourrait arriver à 40% et avoir des prétentions à gouverner. C’est la solution dont rêvent évidemment les bureaucrates européens qui pourrait ainsi faire que l’Italie rentre dans le rang. Certes on rentrerait dans une nouvelle zone d’instabilité, mais on pourrait facilement mettre cette instabilité sur le compte de Salvini en disant que c’est lui qui après tout a rompu l’alliance.

Tout cela relève du jeu politicien ordinaire. Là où le scrutin est ouvert, c’est que Salvini pourrait entraîner une dynamique qui le propulse au-delà des 40%. Après tout il a fait preuve de fermeté sur la question des migrants et sur celle du budget. Dans ce cas là il pourrait mettre en place un programme de sortie rampante de l’euro avec l’introduction généralisée des Mini-BOTs qui permettrait de contourner la question du financement des dépenses budgétaires. Personne ne doute que Salvini ne gagne les élections si elles arrivent rapidement. Deux questions se posent alors :

  • - la première est que Mattarrella, le président italien, qui se présente en défenseur de l’Union européenne et donc en ennemi radical de Salvini, peut très bien bloquer le processus et mettre en place, comme il avait tenté de le faire un gouvernement dit « technique » qui administrerait l’Italie pour le compte de l’Union européenne, avec une politique directement concoctée à Bruxelles. Osera-t-il ?
  • - la seconde est quelles sont les intentions véritables de Salvini sur l’Union européenne ? Si on sait que Di Maio a freiné des quatre fers pour ralentir le processus d’éloignement de l’Italie de l’Europe, on ne sait pas jusqu’ou Salvini veut aller vraiment. Notez qu’en toute logique les élections législatives italiennes devraient tomber au moment de la concrétisation du Brexit, et donc un tel calendrier troublerait un peu plus la quiétude des bureaucrates de Bruxelles. Déjà qu’ils n’arrivent pas à gérer le Brexit, il est bien peu probable qu’ils soient capables de gérer un deuxième problème qui pourrait conduire à la sortie de l’Union européenne d’un membre fondateur.

Sondage au 15 juillet 2019

La gauche est aujourd’hui complètement inexistante en Italie. Elle tourne entre 3 et 4%. Et donc cela pourrait inciter Salvini à se radicaliser un peu plus justement sur la question européenne. Curieusement c’est de l’extrême-droite qu’est venue cette idée selon laquelle, la dette ce n’était pas important, et qu’on pouvait vivre avec. Pour cela elle se réfère souvent à Trump en disant que si celui-ci a des succès excellents sur le plan de l’emploi et de la croissance, ça vient qu’il se moque des dérives budgétaires et qu’il s’assoit sur le déficit commercial.

C’est bien sûr une analyse très superficielle qui ne tient pas compte que ces déséquilibres risquent de se payer un jour par une récession économique très forte et aussi par des faillites bancaires en chaîne. Mais en tous les cas l’attitude trumpiste, cette politique de la brute, peut avancer des résultats sur le court terme, alors que les politiques austéritaires européennes n’ont des résultats ni à court terme, ni à long terme.

Di Maio et M5S payent aujourd’hui leur mollesse sur la question européenne, confirmant assez clairement que la question politique centrale en Europe est la suivante, êtes vous pour ou contre l’Union européenne ? Il n’y a pas de « juste » milieu.

Nous le voyons bien depuis 3 ans avec le cas britannique : il ne peut pas y avoir de compromis. Salvini et Johnson iront-ils jusqu’au bout ? On n’en sait rien, mais ils laisseront un nom dans l’histoire, seulement en s’écartant du processus d’intégration. Il est très étonnant que le M5S n’ait pas compris plus tôt que le but de Salvini était de siphonner ses électeurs, alors que ce parti se voulait original dans son fonctionnement, il s’est révélé, depuis qu’il a récupéré un peu de pouvoir politique dans le gouvernement Conte, incapable de fonctionner autrement que comme un vieux parti à la mode d’antan.

Tandis que la Lega mobilisait en permanence de partout le peuple sur des éléments de rupture, avec la politique d’immigration, ou sur la question du budget, M5S développait des combinaisons obscures dans les couloirs, y compris à Bruxelles. En un an, ils auront perdu plus de la moitié de leurs électeurs, tandis que la Lega doublait son score. Au-delà de ce qu’on pense des uns et des autres, il est clair que l’Italie cherche la rupture et que celle-ci semble aujourd’hui s’incarner avec Salvini dans l’arrivée au pouvoir de la Lega, autour d’un projet de sortie de l’Union européenne.

Ce qui se dessine en Italie en attendant de voir ce que décidera Mattarella, c’est une coalition inédite de toute la classe politique contre Salvini. Et donc on voit M5S soi-disant parti anti-système se rapprocher du PD de Matteo Renzi. Évidemment cette coalition politicienne va renforcer l’idée que Salvini est le seul candidat anti-système et sûrement pas M5S ! Autrement dit plus la classe politique va taper sur Salvini, et plus celui-ci se renforcera. On peut compter aussi sur Bruxelles pour jeter de l’huile sur le feu, et sans doute également sur Macron. Si la logique anti-système devrait être favorable à Salvini, c’est évidemment parce que l’Italie est dans le pétrin et qu’elle ne s’en sort pas.

La croissance est faible, le chômage élevé. La situation demande une rupture radicale pour le coup. La mollesse de M5S lui a été fatale. Par exemple sur la question du tunnel Lyon-Turin, M5S s’y est opposé, et Salvini a tout de suite vu l’intérêt qu’il y avait à soulever ce lièvre : il a dit que ce tunnel était bon pour l’économie de l’Italie et tous ceux qui s’opposaient à lui étaient des ennemis du pays ! Certes les investissements liés à ces travaux créent forcément des emplois, mais c’est juste du court terme, sur le long terme, cette liaison n’aura pas beaucoup d’impact sur l’activité.

Cet exemple est intéressant parce qu’il montre que sur le plan économique Salvini n’a pas de doctrine. Certes il manifeste un antieuropéisme convaincant, mais celui-ci ne peut se justifier que si on recentre l’économie italienne sur son territoire. De la même manière il vise à imposer une flat-tax – vieille lubie libérale dont l’origine remonte au XVIIIème siècle –qui sera forcément favorable aux plus riches. Or il est facile de démontrer que cette idée est fausse parce que ce sont les plus riches qui profitent le plus pour leur activité des dépenses étatiques.

Cependant les ennemis de Salvini n’ont rien à mettre en avant pour contrer ses idées, ils ne sont guère plus clairs et sans doute encore moins sur ce qu’ils veulent pour l’Italie.


Voir en ligne : http://in-girum-imus.blogg.org/cris...


Nous vous proposons cet article afin d’élargir notre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s’arrête aux propos que nous reportons ici.

   

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