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Ce que la prison dit de la France

mercredi 20 février 2019 par Marion Messina pour Le Comptoir

C’est un des lieux communs des gens mécontents qui préfèrent le ressentiment profondément incrusté aux faits : on peut vivre du RSA, les migrants vivent mieux que les autochtones, mieux vaut être en prison “tous frais payés” que de payer un loyer et un caddie hebdomadaire de chips et de viande roumaine au Lidl du coin. Pourtant, un simple passage dans un “établissement pénitentiaire” permet de démonter beaucoup de préjugés sur la situation de détenu et sur le pourrissement du système judiciaire français.

Être auteur dans un pays de plus en plus illettré qui lit inéluctablement de moins en moins, prêt à généreusement relâcher les cordons de la bourse afin d’entretenir la vitrine culturelle à l’international via un réseau d’écrivaillons entretenus et subventionnés, laisse parfois deviner des avantages insoupçonnés, bien plus jouissifs qu’un buffet sous plafond à moulures d’ancien hôtel particulier profané par l’État.

En effet, les plus audacieux de mes confrères peuvent demander à leur éditeur d’inscrire leur patronyme sur la liste des quelques associations qui organisent des ateliers de lecture et de rencontres en prison. Cette expérience m’a permis de me rendre deux fois dans l’antre de la Bête carcérale : à Saint-Étienne en août et à Roanne en décembre.

Je n’ai jamais visité quelqu’un en prison. Pourtant, avec du recul, il m’a été donné de croiser de nombreuses fois des personnes susceptibles d’y passer une bonne partie de leur vie. Quel est donc le profil type du détenu ?

Cet ancien camarade de collège qui tenait les murs en vendant des barrettes maronnasses à quatorze ans et qui peinait à écrire son prénom ?
Ce marginal drogué qui dans un delirium tremens aura planté sa lame entre les omoplates du badaud nocturne ?
Ce type qui se passe de l’accord d’une femme pour la pénétrer ?

Que va-t-il se passer lorsque je vais arriver avec ma robe d’été dans une salle remplie de trente jeunes mâles violents et perturbés ? Vais-je pouvoir parler sans être interrompue ? Ne va-t-on me parler que des scènes d’amour d’un bouquin de plus de deux cents pages ? Las pour mes amis enseignants, au vu de leurs témoignages récurrents et désespérés, je dois le dire : il est plus aisé de parler de littérature à des prisonniers qu’à trente gamins pubères.

« L’incarcération ne punit pas que le criminel. Elle marque les épouses, les parents, les enfants… »

La maison d’arrêt de Saint-Étienne est à plus de vingt minutes en voiture du centre. Nul bus ne dessert l’endroit, un désert agricole et résidentiel, un – pardonnez-moi l’anglicisme – pur no man’s land. Ce qui laisse imaginer qu’une personne incarcérée dans cet endroit et n’ayant pas de famille dans le coin n’aura pas d’autre choix le jour de sa sortie que se taper le chemin à pied – ou compter sur des amis de circonstance pour venir le chercher. Un imaginaire nourri de films de gangsters retrouve alors l’image bien connue du jeune sorti de prison qui tente de refaire sa vie et qui se retrouve plongé à nouveau de force dans son passé pour une simple voiture qui l’attend au bon endroit au bon moment. Le Diable est dans les détails.

Des conditions insupportables

Arrivée à Saint-Étienne, je suis d’abord frappée par la mine plus qu’exténuée du personnel. Une mine grise et polie, digne d’une infirmière aux urgences le deux janvier. Quelques mots d’exaspération sont lâchés sur les procédures, le manque de bras afin d’effectuer les contrôles d’entrée, la pause qui n’a encore pas été prise aujourd’hui, les heures supplémentaires non payées. J’attends avec l’équipe de l’association, une stagiaire et des bénévoles locaux l’autorisation dans le local d’accueil où se retrouvent les détenus et leur famille.

Il y a des femmes seules au regard triste très maquillées dont je sens le cœur battre d’impatience et d’angoisse à l’autre bout de la pièce, un très jeune enfant sur les genoux qui regarde impassiblement un livre à gros caractères aux dessins d’animaux dans de grosses pages cartonnées. « Pour les très jeunes enfants non scolarisés, ça va encore… Mais dès qu’ils vont à l’école, c’est écrit sur leur front, parent incarcéré. Ils sont à l’école, un caprice, une bagarre, une mauvaise évaluation, on ne leur pardonne rien. On ne voit plus l’élève mais l’enfant au parent emprisonné qui est forcément un futur délinquant », me confie une bénévole, ancienne professeur dans un collège de ZEP de la banlieue stéphanoise.

« L’incarcération ne punit pas que le criminel. Elle marque les épouses, les parents, les enfants… La société est encore dans cette mentalité pour laquelle si quelqu’un est en prison c’est parce que ses parents l’ont mal élevé, sa femme est une abrutie qui aime les caïds, les enfants vont finir pareil. La honte s’ajoute à la peine d’emprisonnement. De toute façon, il n’y a jamais que la peine d’emprisonnement, il y a d’autres effets, aussi graves, plus durables. La prison n’a pas à briser les individus. Non seulement elle brise les prisonniers mais elle brise leur famille. Tout cela se répercute, c’est un cercle vicieux. »

Lire la suite de l’article Ici.


Voir en ligne : https://comptoir.org/2019/02/19/ce-...

   

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