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Porrajmos, l’extermination des Rroms et Sintis par les nazis, doit servir de leçon pour aujourd’hui

jeudi 7 février 2019 par Annamaria Rivera

Ce n’est qu’au cours des dernières décennies que la persécution et l’extermination de la population rrom (Roms, Sintis et Voyageurs) par les nazis-fascistes ont fait l’objet d’études et de commémorations à l’occasion du Jour du souvenir de l’Holocauste (27 janvier). D’autre part, il suffit de dire que même au procès de Nuremberg, les survivants du Porrajmos (« dévorer » en langue rromani) se sont vu refuser la constitution de partie civile.

Pourtant, des centaines de milliers d’entre eux en ont été les victimes. Certains universitaires – en particulier le Rrom Ian Hancock, un excellent linguiste, mais aussi un militant acharné et directeur du Centre d’archives et de documentation rromani de l’Université du Texas – affirment que ce nombre se situerait entre 500 000 et 1,5 million de martyrs, si l’on inclut ceux qui ont péri lors des exécutions massives dans toutes les régions occupées par les nazis, en particulier dans les pays baltes et les Balkans, non seulement par les nazis, mais également par leurs collaborateurs locaux.

Quant à l’Italie fasciste, dès 1926, le ministère de l’Intérieur a publié une circulaire visant à « purger » le territoire national de la présence d’une minorité considérée comme dangereuse « pour la sécurité et l’hygiène publique » ainsi que pour son mode de vie : les « errants éternels sans sens moral », comme les aurait définis Guido Landra, parmi signataires les plus connus du Manifeste de la race (1938).

Avec les lois pour la « défense de la race » et l’entrée en guerre de l’Italie, il y a eu un passage rapide des pratiques de fichage, de détention et d’expulsion à celles de persécution et de déportation, précédées par l’internement dans des camps réservés aux « Tziganes » : il y en avait dans les communes d’Agnone, Berra, Bojano, Chieti, Fontecchio dans les Abruzzes, Gonars, Prignano sulla Secchia, Torino di Sangro, Tossicia, mais aussi dans les Îles Tremiti.

Le régime hitlérien, comme on le sait, a poussé à ses extrêmes conséquences l’antitziganisme, qui était très répandu, y compris sous forme institutionnelle, même dans la République démocratique de Weimar : pour ne citer qu’un exemple, en 1929, un centre d’étude et de contrôle sur cette minorité fut renommé et transformé en Office central pour la lutte contre la plaie tsigane. Immédiatement après l’avènement du Troisième Reich, en 1933, la Loi de prévention d’une descendance atteinte de maladies héréditaires a été promulguée, introduisant la pratique de la stérilisation forcée également pour les Rroms et les Sintis, même pour les femmes enceintes et les enfants, avec pour conséquence de nombreux décès.

En 1935, les lois racistes de Nuremberg ont été ajoutées, ce qui a privé la minorité rrom de la nationalité et de tout autre droit élémentaire. Trois ans plus tard, une circulaire de Heinrich Himmler fait référence à la « solution finale à la question tzigane » et ordonne le fichage de tous les « Tziganes », nomades ou permanents.

Dès décembre 1941, cinq mille « Tziganes » provenant du ghetto de Lódz furent gazés dans le camp d’extermination de Chelmno, tout comme les Juifs. Enfin, le 16 décembre 1942, Himmler signa l’ordre d’internement des Rroms et Sintis allemands dans le Zigeunerlager du camp d’Auschwitz-Birkenau, un lager dans le lager. Ici, même les enfants « tziganes », en plus des enfants juifs, allaient être sélectionnés pour subir les horribles expériences pseudo-scientifiques de Josef Mengele.

Pourtant, les « Tziganes » vendirent leur peau assez cher. Ils furent les acteurs du seul épisode de résistance dans un lager. Le 16 mai 1944, après avoir appris l’extermination imminente, un grand groupe d’internés du Zigeunerlager, armés de pierres et de bâtons, réussit à tenir tête aux SS, dont onze furent tués et un bon nombre blessés. Leur soulèvement durera trois mois, jusqu’à la « solution finale ». 19 300 d’entre eux perdirent la vie : 5 600 furent gazés, 13 700 moururent de faim, de maladie et des effets des expériences menées par l’Ange de la mort (Mengele).

Aujourd’hui encore, notamment en Italie, les Rroms, Sintis et Voyageurs, appelés hâtivement « Tziganes », constituent la minorité la plus méprisée et stigmatisée, discriminée et marginalisée, voire ségréguée : ils sont, pourrait-on dire, les victimes structurelles du racisme. Il convient de rappeler que le système juridique italien ne prévoit aucune disposition reconnaissant cette population comme une minorité ethnique et linguistique, en tant que telle titulaire de droits, car elle est protégée, entre autres, par l’article 6 de la Constitution républicaine.

Il faut ajouter que l’Italie est le seul pays d’Europe à avoir élevé les camps dits de nomades au rang de véritable système : la parfaite matérialisation de la discrimination et du préjugé qui veut qu’ils soient nomades par nature et par vocation. C’est un système de ghettos, pour la plupart dégradés et situés dans des lointaines banlieues urbaines, elles-mêmes dégradées, qui est organisé et soutenu publiquement afin de séparer les « Tziganes », les privant de la possibilité de travailler, de participer à la vie italienne, d’avoir des contacts et des relations avec la société majoritaire.

Le répertoire des préjugés, des actes discriminatoires, des violations des droits humains fondamentaux, des menaces et des attaques contre les Rroms et les Sintis, jusqu’à l’incitation au lynchage par certains sujets institutionnels et représentants de partis politiques, est si vaste que plusieurs volumes ne suffiraient pas à le contenir. Les événements courants dans la vie des Rroms et des Sintis sont, entre autres, les raids des forces de police sur les « camps de nomades », menés avec des méthodes si brutales qu’elles ressemblent à des razzias, ainsi que les expulsions forcées, la destruction systématique de leurs habitations et de leurs biens, souvent suivie de déportation.

En Italie, depuis quelques années, la politique institutionnelle anti-tsigane, fondée sur les expulsions et les déportations, est mise en œuvre par la déclaration périodique de l’état d’urgence, une mesure qui ne devrait être réservée qu’aux cas de catastrophes naturelles graves comme les tremblements de terre. L’« urgence-nomades » est essentiellement une mesure qui assimile à une catastrophe la présence de quelques milliers d’« indésirables » : il suffit de penser que les Rroms à Rome, ville qui s’illustre pour ce type de politique, sont un peu plus de 4 500 personnes sur 4 355 725 habitants (données de 2018), soit environ 0,1% de la population.

Peu de données montrent, en revanche, combien de rumeurs et de légendes alimentent la discrimination et la ségrégation des Rroms, Sintis et Voyageurs, à commencer par le mythe du nomadisme : 80% des soi-disant Tziganes, après le XVIe siècle, n’ont jamais quitté leur pays européen de résidence, ils sont installés dans certaines régions italiennes depuis au moins le XVe siècle.

Selon les données de 2018, entre 110 000 et 170 000 personnes s’identifient comme Rroms, Sinti ou Voyageurs. Environ 70 000 d’entre eux sont de nationalité italienne, pour la plupart des descendants de familles arrivées en Italie à la fin du Moyen Âge. Les autres viennent en grande partie des pays d’Europe de l’Est, en particulier de Roumanie, et sont donc « réguliers » et inexpulsables. Quoiqu’en pense Beppe Grillo qui, déjà en 2007, avait qualifié de « bombe à retardement » les Rroms de nationalité roumaine et proposé de leur interdire de circuler librement dans l’UE, afin de sauvegarder « les frontières sacrées de la patrie ».

Il y a 26 000 personnes qui vivent dans des camps, dont 10 000 dans des camps non autorisés. Plus de la moitié d’entre eux sont des enfants et des jeunes de moins de 16 ans. La faim, le froid, la marginalisation, la maladie, les incendies, la discrimination leur refusent le droit de vieillir : seulement 2% atteignent l’âge de 60 ans.

Pourtant, comme je l’ai dit, la majeure partie de cette minorité fait partie intégrante de la population et de l’histoire italiennes. Pour nous limiter à une figure relative à l’histoire contemporaine, il suffit de dire que de nombreux Rroms et Sintis ont participé à la Résistance contre le fascisme nazi. Parmi les rares dont nous connaissons les biographies, nous pouvons mentionner le Sinto piémontais Amilcare Debar, appelé Taro, décédé le 12 décembre 2010. A dix-sept ans à peine, Taro était estafette chez les partisans ; puis, échappant par chance à l’exécution, il devint un combattant partisan dans les Langhe et milita, sous le nom de « Corsair », dans le bataillon « Dante di Nanni » de la 48e Brigade Garibaldi, sous le commandement de Pompeo Colajanni. Raflé par les nazis en 1944, il fut déporté à Mathausen et à Auschwitz et libéré en 1945.

Après la guerre, il fut le représentant de son peuple aux Nations Unies à Genève.

Bien qu’honoré et décoré, Taro, comme d’autres Rroms et Sintis survivants des camps d’extermination, a vécu jusqu’à la fin de ses jours dans un « camp de nomades ». En 2008 (Maroni était Ministre de l’Intérieur), au cours d’une vaste campagne institutionnelle visant au fichage « ethnique » de masse, avec relevé des empreintes digitales, des Rroms, Sintis et Voyageurs présents sur le territoire italien, enfants compris, avec, parmi eux, des anciens déportés et internes dans les lager fascistes et nazis ont également été fichés.

Aujourd’hui, rien de bon pour eux n’est à attendre du gouvernement facho-étoilé. Dès son entrée en fonction, Matteo Salvini, annonçant un recensement « ethnique » à la Maroni, a eu une de ses sorties : « Si on peut expulser les étrangers irréguliers, les Rroms italiens, malheureusement, je dois les garder chez moi ». Quant à la fameuse loi sur la sécurité, qu’il souhaitait fermement, renforçant et étendant le « Daspo urbain* » et d’autres dispositifs répressifs, elle expose encore plus la minorité rrom aux abus, à la discrimination et à la violence.


Voir en ligne : https://entreleslignesentrelesmots....

   

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